
Le basculement de procédure d'instruction: un culbuto qui n'amuse pas les futurs exploitants d'ICPE soumises à enregistrement.
Par Karen PASCAL
Charge de mission Garantie Technique Homologation Environnement
Nissan West Europe
Posté le: 23/02/2013 20:47
I- L'origine des installations classées soumises à enregistrement.
Faisant suite à la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, qui envisageait la modification du régime des installations classées pour la protection de l'environnement, et prévoyait entre autre de remédier aux problèmes constatés dans le régime d'autorisation, l'ordonnance n°2009-663 du 11 juin 2009 à instaurée le régime de l'enregistrement.
Mis en application par le décret n°2010-368 du 13 avril 2010 et codifié aux articles L 512-7 et s / R512-46-1 du Code de l'environnement, ce régime avait donc comme origine, une réflexion pour palier à la lourdeur et la complexité administrative du régime des installations classées soumises à autorisation.
Ce dernier imposait au pétitionnaire de constituer un dossier de demande complexe et couteux qu'il devait trop souvent produire avec l'indispensable participation d'un cabinet d'expertise; et à l'administration de mener une instruction particulièrement longue.
En effet, ces efforts fournis par le demandeur et l'administration se révélaient être disproportionnés pour certaines installations implantées en dehors de zones sensibles, sur le plan environnemental, édictées au niveau national.
Le régime de l'enregistrement serait donc la solution. Il s'agit alors de créer un nouveau régime dit « d'autorisation simplifiée », qui serait l'intermédiaire entre le régime de la déclaration et celui de l'autorisation.
En réduisant les délais de délivrance des titres d'exploiter, en simplifiant les dossiers devant être fournis par le porteur de projet, et en allégeant les charges pour les deux parties, l'objectif atteint est celui de l'article 27 de la loi de février 2009, c'est à dire d'une meilleure protection de l'environnement en concentrant les efforts de l'administration sur les installations susceptibles de générer les risques les plus importants.
Le régime de l'enregistrement codifié à l'article L 512-7 du Code de l'environnement dispose qu'il s'agit d'installations qui présentent des dangers et inconvénients graves pour l'environnement et la santé humaine, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent être prévenus par le respect de prescriptions générales, dès lors que ces activités concernant des secteurs et technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus.
II- La porosité de l'instruction du régime d'enregistrement: le basculement de procédure.
Si le régime de l’enregistrement se veut novateur en ce qu'il ne comporte pas, entre autres: étude de danger, ni étude d’impact ou d’incidence, ou encore d'enquête publique, il ne faut pas oublier qu'il comporte, comme le régime de la déclaration, des prescriptions types, mais aussi, qu'il présente des similitudes avec celui de l'autorisation du fait du possible « basculement de procédure ».
Qu'arriverait-il à une demande d’enregistrement si les prescriptions générales édictées par le préfet s’avéraient insuffisantes? Qu’adviendrait- il du dossier et de toutes les démarches entreprises par le pétitionnaire ?
On pourrait croire que l’on basculerait alors vers une procédure « complète et habituelle » d’autorisation, or dans les faits, le régime applicable reste bien celui de l’enregistrement et l’arrêté finalement délivré, celui de l’enregistrement.
En effet, l'ordonnance du 11 juin 2009, codifié à l'article L512-7-2 du Code de l'environnement précise que le dossier de demande d’enregistrement peut être instruit selon la procédure applicable au régime de l’autorisation, et que le Préfet qui dispose ce pouvoir discrétionnaire doit se baser sur trois hypothèses non cumulatives.
Il s’agit bien là pour le Préfet d’avoir la possibilité de passer du régime de l'enregistrement à la procédure du régime normal d'autorisation, dès lors que l'instruction du dossier fait apparaître des risques particuliers ou cumulés pour l'environnement.
Les trois hypothèses visées par l'article L512-7-2 du Code de l'environnement sont les suivants:
-Dans un premier temps, le critère de la localisation du projet. Il s'agit là pour le Préfet de prendre en compte la sensibilité particulière du lieu où l’installation est projetée.
-Dans un second temps, le critère du cumul des incidences avec d'autre projet sur la même zone géographique. Il est à noter qu'en cas de co-existence d'installations soumises à autorisation avec des installations soumises à enregistrement, la procédure d'autorisation s'applique à tous les établissements.
Concernant ces deux premiers critères, il semble bien difficile de connaitre la sensibilité d'un lieu et les impacts éventuels que pourrait causer l’installation futures, sans étude d’impact en amont.
Comment évaluer les incidences d’une infrastructures sur une autre sans avoir procédé à une étude ? Une solution se trouve peut être dans l’annexe 2 de la Directive 85/337/CE qui liste les critères à prendre en compte, à savoir: l'occupation des sols existants, la richesse relative, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone ; la capacité de charge de l'environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones humides, côtières, de montagnes et de forêts, réserves et parcs naturels, zones protégées par les directives Oiseaux ou Natura 2000, zones dans lesquelles les normes de qualité environnementale fixées par la législation communautaire sont déjà dépassées, zones à forte densité de population, ou encore, les paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique.
-Enfin, dans un troisième temps, le basculement de la procédure d’enregistrement vers une instruction par le biais de la procédure de l’autorisation peut se faire si l'exploitant sollicite de nombreux aménagements aux prescriptions générales, les modifiants de façon à rapprocher ce régime de celui de l'autorisation.
III- Un pouvoir d'appréciation source d'insécurité juridique pour l'exploitant:
L'idée de constituer un dossier d'enregistrement puis de le soumettre au Préfet qui par la suite pourrait décider d'un basculement de procédure peut laisser perplexe plus d'un demandeur.
Comme dit précédemment, le Préfet ne dispose pas d'énormément d'éléments, ci ce n'est de ceux fournis par l'exploitant dans son dossier de demande, et des demandes d'aménagement que ce dernier sollicite, pour se faire une idée réelle des dangers et autres incidences que pourrait générer la future installation.
En ce sens, l'article 512-7-1 du Code de l’environnement prévoit effectivement que:
“La demande d'enregistrement est accompagnée d'un dossier permettant au Préfet d'effectuer, au cas par cas, les appréciations qu'implique l'article L. 512-7-3. (…)”
Ce problème de manque d'informations claires sur l'installation, cette absence d'études de danger et autres est une source d'insécurité juridique pour l'exploitant qui pourrait alors voir son dossier retoqué. Il s'agirait alors pour lui de recommencer ou de compléter son dossier d'enregistrement et de fournir des pièces longues à obtenir, comme ces fameuses études de d'impacts. Les délais d'obtention seraient dès lors rallongés mécaniquement.
De plus, il est à déplorer que ce basculement puisse faire encourir un risque de contentieux. En effet, les tiers, les associations de défense de l'environnement mais encore le pétitionnaire lui même pourraient invoquer le manque de motivation de la décision du Préfet ou encore l'erreur manifeste d'appréciation du choix de procédure décidé par le Préfet.
Une solution pourrait être à envisager. Sans attendre que la jurisprudence clarifie les critères flous sur lesquels se base le Préfet pour décider de l'opportunité de basculer ou non dans une procédure d'autorisation, le pétitionnaire, de son propre chef pourrait demander que son dossier d'enregistrement soit instruit sur la base de la procédure d'autorisation, il y gagnerait en temps et même, en image publique.
Car n'oublions pas que se faire bien voir du public est également gage de pouvoir exploiter en paix.