
Réflexion sur l’apport de l’intelligence économique dans le cadre du droit de l'environnement
Par JIMMY HUSSON
Posté le: 12/12/2012 23:10
L’article L.110-1 du code de l’environnement affirme que : « chacun a accès aux informations relatives à l'environnement et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement». Le principe de participation, associé à celui d’information, a été renforcé par la loi dite « Grenelle 2 ». Ces principes sont également protégés à l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 qui a été intégrée au bloc de constitutionnalité français par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. L’accès à l’information en matière d’environnement est garanti au niveau européen par la directive du Conseil du 7 juin 1990. Le principe de précaution est également énoncé à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Il s’agit du principe « selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ». Le principe de prévention implique la mise en œuvre de règles et d’actions pour anticiper toute atteinte à l’environnement. Or la pollution de l'environnement engendre des risques pour les entreprises qui peuvent être liées directement à la pollution elle-même comme par exemple le déversement accidentel de produits phytosanitaires. Ce n'est pas la pollution elle même, mais les réactions du public inquiet pour l'environnement qui entraîne une menace pour le chiffre d'affaire de l'entreprise. Il est donc dans l’intérêt des managers de prendre en compte la réaction du public vis-à-vis des pollutions. Ceux qui appellent « risque environnemental » sont en faite le « risque pour l'environnement ». Le risque environnemental est lié à la notion de sécurité car il n'a jamais d'effet positif à court terme. Une meilleure gestion du risque environnemental peut être une source d'avantage concurrentiel à long terme puisqu'elle se résume en fin de compte à une meilleure gestion des coûts contingents. Nombre de sociétés gèrent leur risque environnemental différemment des autres risques et confient souvent cette tâche à des spécialistes isolés. En clair, le risque environnemental possède la même perception que l’intelligence économique : mal perçue, absence d’esprit collectif, d’approche globale, dispersion de l’information, cloisonnement. En effet l’intelligence économique se définit comme l'ensemble des activités coordonnées de collecte, de traitement (d'analyse) et de diffusion de l'information utile aux acteurs économiques à laquelle vient s’ajouter les actions d'influence comme le lobbying et de notoriété ainsi que celles liées à la protection de l'information. L'Intelligence Économique est bien souvent, à priori, synonyme de complexité accrue pour le dirigeant et son encadrement, alors que ceux-ci cherchent à diminuer la masse de problèmes internes et externes pouvant perturber l'activité de leur entreprise. Or aujourd’hui l’activité de l’entreprise créatrice de risques environnementaux, nuisances, elle est concernée par le droit. Les règles juridiques privilégient en amont le contrôle et la prévention des risques. L’entreprise est créatrice de risques pouvant être diminués par le droit privé et précisément par le droit de la responsabilité. Le droit privé s’y intéresse en prévoyant des règles pour la mise en œuvre de la réparation des dommages. Lorsque l’entreprise peut appréhender le risque environnemental, elle n’est plus vue comme créatrice de risques, mais en tant qu’acteur dans la régulation ou la gestion des risques causés à l’environnement. Dans ce cadre, se sont les actes réglementaires ou les contrats qui vont permettre de gérer le risque environnemental. Cette approche nous rapproche de l'intelligence juridique tel qu’énoncé par le Professeur Warusfel "pour lequel s'entend de l'ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur de connaître l'environnement juridique dont il est tributaire, d'en identifier et d'en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d'agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les instruments juridiques aptes à réaliser ses objectifs stratégiques". En clair, les acteurs qui imaginent encore le droit qu'en termes de contraintes et qui ne font que le subir disparaîtront. La maîtrise du droit procure un avantage concurrentiel évident sur les autres acteurs, notamment en matière contractuelle ou en matière d’installation classée. Une veille juridique est donc impératif pour tout professionnel du droit ce qui inclut d'avoir les bons outils en termes d'abonnements aux revues, bases de données informatiques et les notes/consultations rédigées par les juristes. Reste que cette veille juridique ne doit pas être tournée vers le droit existant et ne doit pas se limiter aux seuls textes publiés au Journal Officiel. Cette veille doit impérativement intégrer la jurisprudence et les textes en cours d'élaboration voire tenir compte des aspects locaux. En interne, il ne suffit pas de commander une veille, il faut encore se poser la question sur la manière dont elle sera exploitée de manière effective par le service juridique et diffusée dans l'entreprise vers tous les services. Encore faut-il réfléchir collectivement à la manière de les réceptionner et de les appliquer. Il faut connaitre le futur du droit et définir une stratégie d'entreprise. Cela suppose de connaître les finalités de l’entreprise autrement dit sa raison d’être. Certains iront plus loin par le lobbying et tenteront d'influer sur la rédaction et l'orientation de la règle de droit de manière à ce que cet environnement juridique corresponde à leurs intérêts. Ainsi une entreprise dispose de différentes stratégies pour réduire ou transférer les risques environnementaux. Elle peut contracter une assurance; élaborer des règles internes édictant des procédures particulières que les salariés devront suivre quand ils s'engageront dans des activités dangereuses ; ou encore employer des outils « plus souples » comme les normes ISO notamment la norme ISO 14 001. En prenant en compte ce risque, la direction de la société, les cadres suivront le mouvement, particulièrement si le management des risques est reconnu dans l'entreprise et considéré comme une condition indispensable à la progression de carrière.
De fait, l’intelligence économique et le droit de l’environnement, matières encore au stade pionnier, perçues comme contraignantes apparaissent novatrices par une remise en question de pratiques, une recherche de rationalisation laquelle assure un bénéfice, une perceptive collective et une vision à long terme par des actions à courtes termes.