Le rôle primordial du retour d'expérience lors de la survenance d'un accident chimique
Par Sandrine EICHENLAUB
Juriste environnement
SNCF
sandrine.eichenlaub@hotmail.fr
Posté le: 15/09/2012 14:14
Impulsé par le gouvernement, le retour d'expérience est un processus structuré incontournable de la maîtrise des risques humains et environnementaux, qui trouve ses sources dans des dispositions réglementaires.
Un arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, y faisait déjà référence à l'annexe 3 sur le système de gestion de la sécurité. Selon cet arrêté, « des procédures [doivent être] mises en œuvre pour détecter les accidents et les accidents évités de justesse, notamment lorsqu'il y a eu des défaillances de mesures de prévention, pour organiser les enquêtes et les analyses nécessaires, pour remédier aux défaillances détectées et pour assurer le suivi des actions correctives ».
La circulaire du 27 mars 2003 relative à l'organisation et au développement du retour d'expérience rappelle par ailleurs que l'examen des différents incidents et accidents doit conduire l'ensemble des acteurs à se « préoccuper de l'organisation et du développement du retour d'expérience, compte tenu de son importance stratégique pour la mise en œuvre d'une politique de prévention crédible ».
D'autres dispositions réglementaires y font aussi référence tels que les articles 5 et 6 du décret n°2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC. L'article 5 prévoit notamment que « le ministre chargé de la sécurité civile assure la synthèse et la diffusion au niveau national des retours d'expérience réalisés sous l'autorité du représentant de l’État après tout recours au dispositif ORSEC, qu'il s'agisse d'un événement réel ou d'un exercice ». L'article 6 envisage également que : « chaque plan ORSEC fait l'objet d'une révision au moins tous les cinq ans portant sur l'inventaire et l'analyse des risques et des effets des menaces, le dispositif opérationnel et les retours d'expérience ».
Selon le professeur J.L. WYBO « la démarche de retour d'expérience consiste à utiliser le développement d'un événement réel comme une opportunité pour collecter l'expérience individuelle de plusieurs acteurs et la réunir sous la forme d'une expérience collective ».
Cette démarche est encouragée au niveau gouvernemental puisque la base de données ARIA (Analyse, Recherche et Informations sur les Accidents), accessible sur internet, regroupe l'ensemble des informations et des retours d'expérience disponibles en matière de risques technologiques.
Le retour d'expérience répond à plusieurs objectifs :
- analyser l'évolution de l'événement dans ses composantes techniques, humaines, environnementales, organisationnelles
- déterminer l'ensemble des actions entreprises qu'elles soient bonnes ou mauvaises
- établir des scénarios d'actions alternatives permettant de gérer pour le mieux ces situations dans le cas où elles devraient se reproduire
Un retour d'expérience permet d'assurer l'efficacité de la prévention et de la maîtrise des crises. Elle contribue essentiellement à l'évitement d'une nouvelle crise potentielle. Il s'agit aussi et surtout de garder une mémoire des événements, de renforcer les liens entre les différents acteurs. Enfin l'objectif est d'identifier des pistes de progrès pour développer le fonctionnement des organisations. On s'insère ainsi ici véritablement dans une démarche de qualité, d'amélioration continue. Ils permettent aussi d'en apprendre plus sur le fonctionnement d'une entreprise.
Pour être établi, le retour d'expérience nécessite la participation de tous les acteurs de l'entreprise. Sont ainsi impliqués l'exploitant, présent pendant tout son déploiement, les institutions représentatives du personnel, les salariés, le personnel d'encadrement.
Pour réaliser correctement un retour d'expérience, il s'agit d'identifier en tout premier lieu les incidents, accidents, anomalies. L'information doit être transmise auprès du supérieur hiérarchique et de la direction. On classe ensuite les anomalies selon leur ordre d'importance. On précise l'enchaînement des événements ayant précédé l'incident. L'autre étape est la recherche et l'analyse de causes. On définit ensuite des actions correctives et on les planifie, on assure leur suivi. Enfin on assure une communication des informations résultant du retour d'expérience. Afin de favoriser sa réussite, un climat de confiance doit être instauré entre les différents acteurs. La direction ainsi que le personnel d'encadrement doivent absolument être mobilisés dans cette démarche. Il faut aussi analyser l'ensemble des causes d'un accident en toute transparence, écouter les propositions de tout le personnel, assurer un retour rapide sur tout signalement. Enfin on doit valoriser les bons résultats pour entretenir la démarche qui doit être réalisée rapidement au sein des entreprises afin de lutter contre la tentation de l'oubli. Les éventuels freins seront principalement le silence d'une personne par crainte des représailles ou le fait de ne pas prendre en compte l'ensemble des facteurs pouvant expliquer une anomalie.
Le retour d'expérience a ainsi un rôle fondamental lors de la survenance d'un dommage ayant pour cause des solvants. Il permet avant tout d'identifier les défaillances humaines (erreur sur l'entreposage de solvants incompatibles) et organisationnelles (réduction de la formation des opérateurs en raison du budget) pour ensuite pouvoir les maîtriser afin que l'incident ne se reproduise plus. Il concourra à une meilleure maîtrise des procédés, contrôles et organisations.