Transposition de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles : nouvelle étape
Par Elodie PROTAT
Juriste Droit nucléaire et Environnement
CEA Saclay
Posté le: 15/09/2012 11:39
La directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, dite « IED » est entrée en vigueur le 7 janvier 2011. Cette directive avait pour objet de prévenir et réduire, dans le cadre d’une approche intégrée, la pollution de l’air, de l’eau et du sol provenant des installations industrielles. Elle visait à fusionner 7 directives : la directive 2008/1/CE relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution "IPPC", la directive relative aux grandes installations de combustion (2001/80/CE), la directive sur l’incinération de déchets (2000/76/CE), la directive relative aux émissions de solvants (1999/13/CE) et trois directives relatives à l’industrie du dioxyde de titane (78/176/CEE, 82/883/CEE, 92/112/CEE). Sa transposition a été amorcée à travers l’ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 portant transposition du chapitre II de la directive 2010/75/UE et se poursuit aujourd’hui avec deux projets de décret soumis à la consultation du public.
I. La transposition par l’ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 portant transposition du Chapitre II de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles
La transposition de la directive du 24 novembre 2010 par l’ordonnance du 5 janvier 2010 porte sur 4 éléments de la directive. Elle vise à d’élargir le champ d’application de la directive IPPC à de nouvelles activités ; à renforcer la portée des meilleures techniques disponibles, sur lesquelles seront fondées les valeurs limites d’émission fixées dans les arrêtés d’autorisation, sauf dérogation ; à entrainer un réexamen des prescriptions d’exploitation dans les 4 ans suivant l’adoption des MTD ; ainsi qu’à imposer, dans certains cas, la réalisation d’un « rapport de base » sur l’état des sols.
A. Un élargissement du champ d’application de la directive IPPC à de nouvelles activités
La directive IED entend étendre le champ d’application de la directive IPPC qui couvrait en France les installations classées soumises à l’obligation d’établir un bilan de fonctionnement en vertu de l’arrêté ministériel du 29 juin 2004. L'ordonnance créait une nouvelle section dans la partie législative du Code de l'environnement spécialement dédiée aux installations relevant de la directive IED. Elle prévoyait que ces installations seraient identifiées au sein de la nomenclature des ICPE. Cette mise en œuvre était soumise à l’élaboration d’un décret précisant les conditions d’application de cette ordonnance. La création d’une nouvelle section dans la nomenclature ICPE consacrée aux installations IED comprenant des rubriques numérotées « 3000 » était envisagée.
B. Une mise en œuvre plus rigoureuse des Meilleures Techniques Disponibles
L’un des autres apports principaux de la directive IED était la nouvelle portée donnée aux Meilleures Techniques Disponibles (« MTD ») constitue. Les MTD sont issues de documents de référence (« BREFs ») sectoriels ou transversaux élaborés au niveau communautaire. La directive prévoyait que celles-ci devraient désormais être formalisées dans des documents intitulés « conclusions sur les MTD », adoptés après un vote à la majorité qualifiée des Etats membres. Ces conclusions doivent fixer les valeurs limites d’émission (« VLE ») à reprendre dans les titres d’exploitation des installations.
La directive prévoyait également que par dérogation, selon les orientations des projets de décret, le préfet, saisi d’une demande de dérogation par l’exploitant, pourrait prescrire des VLE moins strictes si l’exploitant démontre, dans une étude technico-économique, que les niveaux d’émission associés aux MTD entraînent une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement. Celles-ci ne pourront, néanmoins, être moins strictes que celles fixées par la réglementation française (arrêté intégré du 2 février 1998 et arrêtés sectoriels).
Dans le cadre de cette dérogation, il était prévu que le public soit consulté lors d’une procédure de mise à disposition de la décision, calquée sur celle du régime de l’enregistrement des ICPE (article L. 515-29 I du Code de l’environnement). A compter du 1er janvier 2019, à la mise à disposition actuellement prévue sera substituée une véritable enquête publique (article L. 515-29 II du Code de l’environnement).
C. Un réexamen plus fréquent des prescriptions de fonctionnement
Le texte prévoyait également un réexamen des conditions d’autorisation dans un délai de 4 ans suivant l’adoption ou la mise à jour des conclusions sur les MTD.
Ce réexamen impliquait un abandon du système actuel du bilan de fonctionnement. Désormais les prescriptions des titres d’exploitation des exploitants seront ajustées plus régulièrement par rapport à l’évolution des MTD.
La directive IED introduit également une fréquence minimale d’inspection, sur la base d’une évaluation des risques environnementaux. Les rapports de visite d’inspection devront être communiqués à l’exploitant et mis à disposition du public.
D. Une prise en compte de l’état initial du site dans la détermination des mesures de réhabilitation des sols au moment de la cessation d’activité
Lorsque l’activité implique la production, l’utilisation et le rejet de substances dangereuses susceptibles de contaminer le sol et les eaux souterraines, l’exploitant devra, lors de la demande d’autorisation ou, pour les installations existantes, lors du premier réexamen des conditions d’autorisation de l’installation, soumettre au préfet un rapport de base. Ce rapport a pour objet de comparer l’état initial du site par rapport à son état lors de la cessation d’activité. L’exploitant devra réaliser une nouvelle évaluation du niveau de pollution du sol et des eaux souterraines au moment de la cessation de son activité. Cette évaluation devra être comparée à celle établie dans le rapport de base, au moment de la création de l’installation. L’exploitant aura ensuite l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour remettre le site dans cet état
Néanmoins, ce nouveau dispositif n’affecte pas le régime actuel de la remise en état des installations non couvertes par la directive IED.
La transposition de ces éléments de la directive se poursuit avec deux projets de décret, soumis à consultation du public sur le site internet du ministère du développement durable, qui prévoient de modifier la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et plus particulièrement la rubrique n° 2910 relative aux installations de combustion.
II. Les projets de décret : une modification de la nomenclature des ICPE envisagées
A. Premier projet de décret : élargissement du champ d’application de la rubrique 2910 relative aux installations de combustion
Le premier projet de décret enrichit largement la notion française de biomasse en reprenant celle de la directive « IED ». Il élargit également le champ d’application de la rubrique 2910 aux installations de combustion consommant exclusivement, seule ou en mélange, de la biomasse issue de déchets ayant subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation, s'il répond à des critères remplissant l'ensemble des conditions visées à l'article L. 541-4-3 CE.
Au titre de la rubrique 2910 de la nomenclature et à compter du 1er janvier 2013, sont soumis au régime :
ï‚ de l’enregistrement les installations de combustion dont la puissance thermique nominale est supérieure à 0,1 MW mais inférieure à 20 MW et consommant des produits issus de la biomasse (déchets végétaux provenant du secteur industriel de la transformation alimentaire, si la chaleur produite est valorisée ou des déchets végétaux fibreux issus de la production de pâte vierge et de la production de papier à partir de pâte, s'ils sont coïncinérés sur le lieu de production et si la chaleur produite est valorisée), ou de biogaz autre que celui visé en 2910-C, ou de produit autre que biomasse issu de déchets au sens de l'article L. 541-4-3 CE (rubrique 2910-B) ;
ï‚ de la déclaration les installations de combustion dont la puissance thermique nominale est supérieure à 0,4 MW mais inférieure à 2 MW et utilisant comme combustible de la biomasse tel que des produits composés d'une matière végétale agricole ou forestière, ou des déchets végétaux agricoles et forestiers, ou des déchets de liège ou lorsque la biomasse est issue de déchets au de la définition de sens de l'article L. 541- 4-3 CE (rubrique 2910-A).
B. Second projet de décret : modification des coefficients multiplicateurs de la TGAP applicables aux installations relevant de la rubrique 2910-B
Le second projet de décret modifie les coefficients multiplicateurs de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) applicables aux installations relevant de la rubrique 2910-B de la nomenclature des installations classées.
Il prend également en compte, dans les intitulés des rubriques, la modification de la nature de la puissance considérée pour identifier le régime applicable. Plus spécialement, la puissance nominale remplace désormais la puissance maximale.