
L’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques
Par Marine BATTEZ
Juriste en Droit des Affaires et Environnement
STORENGY-GDF SUEZ
Posté le: 14/09/2012 16:55
La survenance d’un accident industriel majeur est susceptible de causer de graves dommages non seulement aux populations mais également aux biens. Si le mécanisme de l'assurance permet une indemnisation des victimes de catastrophes technologiques, quand est-il des victimes non assurées ? La loi « Bachelot » est venu élargir les missions d’un fonds de garantie existant afin de permettre une indemnisation des victimes de catastrophes technologiques non assurées.
1. LE FONDS DE GARANTIE
1.1 L’élargissement des prérogatives du fonds de garantie
Le Fonds de garantie, institué par l'article L. 421-1 du Code des assurances, a vu son champ d’application élargi au fil du temps. Initialement dénommé Fonds de garantie automobile, par la loi n° 51-1508 du 31 décembre 1951, il s’est par la suite ouvert, à travers la loi n° 66-497 du 11 juillet 1966, à l'indemnisation des accidents de chasse. Ce nouveau « Fonds de garantie des accidents de la circulation et de chasse » a pour objectif d’indemniser les victimes dont les auteurs sont insolvables ou inconnus. L’article L.421-16 du code des assurances, issu de la loi « Bachelot » n° 2003-699 du 30 juillet 2003, fait désormais peser sur le Fonds de garantie, la charge d'indemniser les dommages causés par une catastrophe technologique. Il est à noter que cette loi a également inséré dans le Code des assurances des dispositions concernant l'indemnisation des victimes de dommages immobiliers d'origine minière.
Rappelons qu’à l’issue de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, l’indemnisation des victimes s’est avérée particulièrement difficile à mettre en œuvre, mettant en évidence l’inadaptation du système assurantiel pour permettre une indemnisation rapide des victimes. Dans ce contexte, l’objectif de la loi a été de faciliter l’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques. Désormais, « toute personne dont l'habitation principale, sans être couverte par un contrat mentionné à l'article L. 128-2, a subi des dommages immobiliers causés par une catastrophe technologique est indemnisée de ces dommages par le fonds de garantie dans les conditions indiquées aux articles L. 128-2 et L. 128-3, dans la limite d'un plafond » ( L.421-16 du code des assurances).
Pour intervenir, le risque réalisé doit être assurable ce qui n'est pas le cas lorsque le dommage résulte d'un accident volontaire. Par ailleurs, le Fonds n'intervient qu'au profit des seules victimes et non à celui de la sécurité sociale, de l'employeur de la victime ou encore du coauteur condamné in solidum à indemniser la victime.
1.2 L’intervention du fonds de garantie
La loi « Bachelot » a entendu mettre en place à l’égard des victimes de catastrophes technologiques un mécanisme d'indemnisation rapide et complète. Ainsi, elle a aménagé non pas un mécanisme d’assurance obligatoire mais une garantie obligatoire en conséquence de quoi, la victime peut être indemnisée, qu'elle ait ou non souscrit un contrat d'assurance de biens. Dans ce cas, l'indemnisation est assurée par le fonds de garantie. A contrario, si la victime a souscrit une assurance de ses biens, alors il revient à cette assurance de couvrir obligatoirement les risques technologiques.
L’article L. 128-2 du Code des assurances précise à ce titre que dès lors qu’une personne physique souscrit, en dehors de son activité professionnelle, un contrat d’assurance garantissant « les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens à usage d'habitation ou placés dans des locaux à usage d'habitation situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur », ouvrent droit à la garantie de l'assuré pour les dommages résultant des catastrophes technologiques affectant les biens faisant l'objet de ces contrats. L’assurance couvre dans ce cas la réparation intégrale des dommages, dans la limite, pour les biens mobiliers, des valeurs déclarées ou des capitaux assurés au contrat. Il ressort par conséquent des dispositions de la loi que cette garantie doive, s’agissant des biens visés par la loi, nécessairement figurer parmi les garanties offertes par les assurances de dommages les couvrant. A l’inverse, on peut en déduire que les autres contrats d’assurance, tels que ceux garantissant les biens qui ne sont pas à usage d'habitation ou qui ne sont pas placés dans des locaux à usage d'habitation ainsi que les assurances de responsabilité civile et les assurances de personnes, ne doive pas obligatoirement contenir une telle garantie.
Par exception, les entreprises d’assurance peuvent se soustraire à cette obligation lors de la conclusion initiale ou du renouvellement du contrat dans deux hypothèses. Tout d’abord, cette obligation ne s’impose pas à l'égard des biens susmentionnés dans les zones délimitées par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à l'exception, toutefois, des biens existant antérieurement à la publication de ce plan. Elle ne s’impose en outre pas non plus à l'égard des biens immobiliers construits en violation des règles administratives en vigueur lors de leur mise en place et tendant à prévenir les dommages causés par une catastrophe technologique1.
En conséquence, le Fonds de garantie intervient, de manière subsidiaire, autrement dit lorsque la victime n’est pas assurée par l’un des contrats susmentionné, lorsque le responsable des dommages est inconnu ou encore lorsque l’assureur est totalement ou partiellement insolvable, pour indemniser les victimes des dommages résultant des atteintes à leur personne. Une fois que le Fonds a indemnisé la victime, ce dernier est subrogé dans les droits de la victime, qui peut agir contre le responsable de l'accident.
2. LES CONDITIONS DE L'INDEMNISATION
L'indemnisation de la victime est subordonnée à certaines conditions tenant à sa qualité, à la nature des dommages et au constat de l'état de catastrophe technologique.
2.1 La qualité des victimes
En ce qui concerne tout d'abord la victime qui bénéficie d’un contrat d’assurance, celle-ci n’est couverte par la garantie relative à l’indemnisation suite à la survenance de catastrophes technologiques qu’à la condition qu’il s’agisse d’une personne physique ayant souscrit le contrat en dehors de son activité professionnelle. Sont ainsi exclus les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle, ainsi que les contrats conclus par une personne morale.
En dehors de l'existence d'une assurance, le Fonds de garantie, n'intervient qu’à l’égard des personnes physiques, en dehors de toute activité professionnelle.
2.2 Les dommages garantis
Comme le précise l'article L. 421-16 du code des assurances, seuls ouvrent droit à indemnisation par le fonds de garantie les dommages causés à l'habitation principale. Le champ des dommages couverts par le fonds plus restreint que celui applicable au contrat d’assurance. En effet, ce dernier couvre, en vertu de l’article L.128-2, l’indemnisation des biens à usage d'habitation, mais également les biens placés dans des locaux à usage d'habitation ainsi que les véhicules terrestres à moteur. Toutefois dans les deux cas, il s’agit d’une indemnisation à l’égard des dommages aux biens, ce qui exclut l'indemnisation des dommages corporels.
2.3 L’état de catastrophe technologique
Dans le cas où la victime est assurée comme dans le cas inverse, l’indemnisation qu’elle provienne de l’assureur ou bien du fonds d’indemnisation, est subordonné à la publication d'un arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe technologique qui précise les zones et la période de survenance des dommages. L'arrêté interministériel est pris dans un délai maximal de quinze jours.
La notion de catastrophe technologique est définit par l'article L. 128-1 du Code des assurances comme étant d’une part, un accident survenu soit dans une installation classée pour la protection de l’environnement, soit liés au transport de matières dangereuses ou encore sur les sites de stockage souterrain de gaz naturel. Il est à noter que la loi ne définit pas la notion d’accident. Cette lacune peut être source d’insécurité juridique pour l’exploitant, toutefois celle-ci semble se justifier par le souci d'indemniser les victimes si l’on choisit d’adopter une conception large de la notion d’accident.
D’autre part, pour être qualifiée de catastrophe technologique, l’accident doit avoir endommagé un grand nombre de biens immobiliers. L'article R. 128-1 du Code des assurances précise que l’accident doit avoir rendu inhabitables plus de cinq cent logements. Le terme logement laisse penser qu’il s’agit des locaux d’habitation excluant par là les locaux destinés à un usage professionnel.
3. LES MODALITES DE L'INDEMNISATION
L’article L.128-3 du code des assurances indique que « toute personne victime de dommages mentionnés aux articles L. 128-2 ou L. 421-16 établit, avec son entreprise d'assurance ou le fonds de garantie, un descriptif des dommages qu'elle a subis ». Le descriptif mentionne le montant des indemnités versées.
Lorsque le montant des indemnités versées à la victime est inférieur à 2 000 euros, au titre de dommages autres que ceux affectant un véhicule terrestre à moteur ou bien inférieur à 325 euros, au titre de dommages affectant un véhicule terrestre à moteur, la victime est présumée avoir subi les dommages mentionnés au descriptif et les indemnités sont présumées réparer lesdits dommages, même s'il n'a pas été procédé à une expertise par un expert choisi par l'assureur ou le fonds de garantie.
3.1 L’indemnisation des victimes assurées
Les victimes assurées ont droit à une indemnisation couvrant l'intégralité des dommages résultant des catastrophes technologiques affectant les immeubles d'habitation ou les véhicules automobiles assurés. La réparation intégrale au titre de l'état de catastrophe technologique doit ainsi permettre au propriétaire des biens immobiliers désignés à l'article L. 128-2 d'être indemnisé sans plafond ni déduction de franchise. L'indemnisation doit intervenir dans un délai maximal de trois mois à compter de la remise d'un état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies.
Dans le cas où la réparation de l’immeuble est impossible eu égard à l’ampleur des dégâts subis, la réparation intégrale doit permettre à son propriétaire de recouvrer dans un secteur comparable la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents. Les biens mobiliers sont quant à eux indemnisés à leur valeur de remplacement sans application des coefficients de vétusté prévus au contrat et sans déduction de la franchise contractuelle.
3.2 L’indemnisation des victimes non assurées
Les personnes dont l'habitation principale a été sinistrée par une catastrophe technologique mais qui ne sont pas assurées sont indemnisées, dans la limite d'un plafond de 100 000 euros, par le fonds de garantie. Ainsi, la particularité de l'indemnisation par le fonds de garantie est que cette dernière est plafonnée. Enfin, il est à noter que le fonds de garantie indemnise également les dommages causés à un immeuble et résultant d'une activité minière présente ou passée. Les victimes assurées et non assurées sont par conséquent inégalement traitées puisque le champ d’application de l’indemnisation par le fonds est plus restreint et son montant est plafonné. Ceci devrait avoir pour but de favoriser la souscription de contrats d'assurances de biens.