
Les conditions de mise en oeuvre propres à chaque garantie légale dans la construction
Par Romain PLATEL-PARIS
Juriste en charge de l'environnement, securite, qualite et Marketing
PSA
Posté le: 13/09/2012 23:19
Si les garanties décennale, biennale et de parfait achèvement ont des exigences communes relativement à leur mise en œuvre, elles ont également chacune des exigences propres.
1)La garantie décennale
La garantie décennale ne peut jouer que dans la mesure où le dommage invoqué compromet la solidité de l’ouvrage, de l’un de ses éléments d’équipements indissociable, ou rend l’ouvrage impropre à sa destination. Encore une fois, il revient à la jurisprudence d’apprécier souverainement et surtout clairement si l’ouvrage est effectivement impropre à sa destination ou si sa solidité est atteinte du fait du ou des dommages invoqués. Néanmoins, en la matière, la loi de 1978 s’est simplement contentée de reprendre les solutions d’ors et déjà offertes par le juge, ce qui a permis de ne pas bouleverser la situation et de ne pas susciter d’insécurité juridique.
Concernant l’affectation de la solidité de l’ouvrage, la jurisprudence a considéré le désordre suffisant et retenu la garantie décennale pour l’effondrement d’une cheminée, un défaut d’étanchéité ayant engendré des infiltrations à l’intérieur d’un bâtiment ou la mise à nu des racines d’un arbre menaçant en conséquence de tomber sur l’ouvrage. Si certains désordres sont parfois considérés comme insuffisants pour affecter la solidité de l’ouvrage, il n’en reste pas moins que le juge peut alors faire jouer à sa place la notion d’atteinte à sa destination ou même concurremment. De fait, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré dans un arrêt en date du 31 Mars 1999 qu’un « risque d’effondrement et une atteinte possible à la solidité de l’ouvrage [caractérisent] un désordre suffisamment grave pour constituer une atteinte à la destination de l’immeuble ».
Concernant l’atteinte à la destination de l’immeuble, celle-ci est également appréciée souverainement par le juge qui va se fonder sur la destination première de l’immeuble décidée par les parties aux travaux. De plus, il n’est pas nécessaire pour le risque de s’être déjà matérialisé pour caractériser l’atteinte à la destination ou pour les désordres de concerner l’ouvrage en son entier. A titre d’illustration, ont été considérés comme constitutifs d’impropriété de destination l’implantation irrégulière de la construction, l’impossibilité d’entretenir certaines parties de l’immeuble, les défauts d’isolation thermique avec élévation excessive de la température 90 jours par an ou du rayonnement solaire trop important dans des bureaux à proximité de surfaces vitrées, ou encore le non respect des règlements de sécurité. Ont également été considérés comme rendant l’ouvrage impropre à sa destination, des défauts des murs et revêtements, de chauffage, d’éclairage, d’eau chaude, d’installation électrique, ou de ventilation mécanique, autant de points concernés par les travaux de réhabilitation.
A noter que dans le cadre de l’appréciation de l’atteinte à la solidité de l’ouvrage ou à son impropriété de destination, les désordres d’ordre esthétiques ne constituant que des dommages intermédiaires, ils ne sont pas couverts par la garantie décennale mais par la responsabilité de droit commun nécessitant la preuve d’une faute de l’entrepreneur.
2) La garantie biennale
Selon l’article 1792-3 du Code civil, « les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ».
La garantie biennale joue donc par exclusion du cadre d’application de la garantie décennale. Ainsi ne sont concerné par la garantie biennale que les éléments d’équipement qui ne sont pas indissociables de l’ouvrage et qui ne portent atteinte ni à sa solidité ni à sa destination.
L’article 1792-3 précité met en avant « le bon fonctionnement » de l’équipement, ainsi, la jurisprudence a-t-elle retenu la garantie biennale pour des éléments d’équipement ne fonctionnant pas ou mal. Néanmoins, le juge est allé encore plus loin en appliquant la garantie biennale aux éléments ne nécessitant pas un fonctionnement et donc inertes. De fait, tous les désordres aux éléments d’équipement non concernés par la garantie décennale se retrouvent couverts par la garantie biennale. Sont seulement exclus certains troubles d’ordre esthétique, la peinture, la moquette ou tissu tendu dans la mesure où il ne s’agit pas d’éléments d’équipement ou les enduits de façade qui ne constituent pas des éléments d’équipements non dissociables.
3) La garantie de parfait achèvement
En vertu de l’article 1792-6 du Code civil, « la garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ».
Cette garantie de parfait achèvement est susceptible de couvrir toutes les différences entre les dispositions du contrat de louage d’ouvrage et l’ouvrage effectivement réalisé. Ainsi seront couverts tout dommage et tout défaut de conformité et plus globalement, tous les désordres qu’elle que soient leur nature et origine.
Certains points sont cependant à exclure de son champ d’application. En premier lieu, le désordre ne doit pas résulter de l’usage de l’ouvrage ou de son usure normale. La responsabilité du constructeur n’est en effet pas d’entretenir l’ouvrage, de le maintenir à l’état neuf durant l’année de la garantie de parfait achèvement. Néanmoins, si l’usure est liée à un matériau de mauvaise qualité, la garantie de parfait achèvement pourra être retenue dans le cadre du défaut de conformité.
Dernier point, il est bien entendu que pour faire valoir la garantie de parfait achèvement, le maître d’ouvrage doit introduire une action en responsabilité dans un délai d’un an à compter de la réception des travaux.