Les critiques à l'égard du régime applicable à l’industrie offshore ainsi que la volonté d'atteindre certains objectifs déterminés ont été le moteur d’une initiative réglementaire européenne de refonte du régime applicable à l’exploration-production de gaz naturel offshore. Qualifié de complexe, incomplet et ambigu, les critiques à l’égard de ce cadre juridique sont nombreuses. L’industrie offshore est en effet régie par un corpus de règles éparses, et non par une réglementation spécifique. Dans ces conditions, l’Union Européenne s’oriente vers l’adoption d’un règlement européen spécifique visant à durcir les règles applicables à l’exploration-production de gaz naturel offshore.

Suite de ces travaux, la Commission européenne a présenté le 27 octobre 2011 une proposition de Règlement du Parlement et du Conseil relatif à la sécurisation des activités de prospection, d’exploration et de production pétrolières et gazières en mer.

La voie réglementaire a été préférée à celle d’une directive. D’application directe, le règlement présente un certain nombre d’avantages en termes de clarté, de cohérence et de rapidité de mise en œuvre. Palliant aux inconvénients de législations nationales fragmentées, le règlement assure également des conditions de concurrence plus homogènes et adapté à la préparation des plans d’urgence pour combattre les pollutions transfrontalières.

Le projet de règlement est fondé, d’une part, sur l’article 192 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne pour ce qui est de ses objectifs de protection de l’environnement. Selon cet article, « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, décident des actions à entreprendre par l'Union en vue de réaliser les objectifs visés à l'article 191 ». Les objectifs environnementaux poursuivis sont les suivants, la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement ; la protection de la santé des personnes ; l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ; et enfin la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. Le projet de règlement est fondé, d’autre part, sur l’article 194 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne en ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union et le bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie.

L’objectif annoncé du règlement est de réduire la fréquence des accidents majeurs liés aux activités pétrolières et gazières en mer et d’en limiter les conséquences à travers une protection accrue de l’environnement marin et l’établissement de conditions de sécurité minimales pour la prospection, l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz.

Il est à noter que la proposition de règlement entend modifier la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, afin que soit clairement pris en compte le dommage environnemental causé par une installation offshore. A la liste des dommages environnementaux susceptibles de faire l’objet de mesures de prévention et de réparation serait ajouté « les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées, tels que définis dans la directive 2000/60/CE, (…) ou l’état écologique des eaux marines concernées, tel que défini dans la directive 2008/56/CE (…) ».

Dans l’analyse de cette proposition de texte, nous nous concentrons ici uniquement aux dispositions applicables à l’exploration-production de gaz naturel. Rappelons en effet que cette proposition de règlement s’applique également à l’exploitation de pétrole en mer.


1.LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DE L'EXPLOITANT DE GAZ OFFSHORE


1.1 Le champ d’application

Le règlement établit les exigences minimales qui s’imposent à l’exploitant menant des opérations gazières en mer après octroi d’une autorisation en vertu de la directive 94/22/CE relative aux conditions d'octroi et d'exercice des autorisations de prospecter, d'exploiter et d'extraire des hydrocarbures. Au sens du règlement, les « opérations gazières en mer » sont toutes les activités liées à l’exploration, à la production ou au traitement du gaz en mer. Ces activités comprennent le transport de gaz au moyen d’une infrastructure en mer connectée à une installation ou à une installation sous-marine.

Outre ces opérations, le règlement s’applique à toutes les installations connexes, installations sous-marines et infrastructures connectées situées dans les eaux des États membres, y compris dans leurs zones économiques exclusives et sur leur plateau continental. On entend par « infrastructures connectées », tout dispositif en mer, pipeline, ou autre installation située au-dessus ou au-dessous du niveau des eaux, destinée au transport du gaz vers une autre installation voisine, une installation de traitement ou une installation de stockage à terre.

La législation de l’Union en matière de sécurité et de santé des travailleurs, à travers notamment les directives 89/391/CEE et 92/91/CEE demeurent applicables. Il en est de même concernant les directives 85/337/CEE, 2008/1/CE et 2003/4/CE.

Enfin, il est à noter que le troisième considérant de principe, préconise le fait que le règlement devrait s’appliquer non seulement aux installations et opérations futures mais également, moyennant un régime transitoire, aux installations existantes.


1.2 La prévention des dangers majeurs

Les exploitants doivent prendre toute mesure adéquate pour prévenir les accidents majeurs liés aux opérations gazières en mer et veiller à ce que toutes les entités recrutées pour l’exécution de tâches spécifiques sur l’installation concernée agissent en conformité avec les exigences énoncées dans le règlement. Les actions ou des omissions donnant lieu ou contribuant à des accidents majeurs imputables à ces entités ou au personnel ne saurait dégager les exploitants de leurs responsabilités.

Le concessionnaire est responsable de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux, au sens de la directive 2004/35/CE, occasionnés par les activités gazières en mer.


1.3 L’évaluation des risques

L’exploitant doit élaborer et soumettre pour évaluation à l’autorité compétente une notification de conception conforme aux exigences, un rapport sur les dangers majeurs, un plan d’intervention d’urgence interne et une synthèse de la politique de l’exploitant en matière de prévention des accidents majeurs. Lorsque d’importantes modifications sont apportées à une installation, ou qu’il est prévu de démanteler l’installation, le rapport sur les dangers majeurs pour ladite installation doit être modifié et soumis à l’autorité compétente. Le rapport sur les dangers majeurs pour une installation destinée à la production fait l’objet d’un réexamen périodique par l’exploitant, tous les 5 ans au moins ou plus fréquemment si l’autorité compétente l’exige.

Préalablement à une opération sur puits, l’exploitant doit adresser à l’autorité compétente une notification contenant des informations détaillées relatives à la conception du puits et à son exploitation. De la même manière, l’exploitant d’une installation qui doit participer à une opération combinée doit adresser préalablement à l’autorité compétente une notification contenant des informations détaillées relatives à l’opération. On entend par « opération combinée », toute opération menée à partir d’une installation non destinée à la production conjointement avec une ou plusieurs autres installations et qui, de ce fait, modifie sensiblement le risque qui pèse sur la sécurité des personnes ou la protection de l’environnement dans l’une quelconque ou dans l’ensemble de ces installations. Les exploitants doivent également mettre en place un programme de vérification par un tiers indépendant et d’examen indépendant des puits.

Le rapport sur les dangers majeurs s’accompagne d’un document synthétisant la politique en matière de prévention des accidents majeurs. Les exploitants doivent y décrire l’organisation mise en place pour la prévention des dangers majeurs dans le cadre d’un système de gestion de la sécurité.

L’exploitant est tenu de se conformer au règlement et aux mesures définies dans le rapport sur les dangers majeurs. En cas de défaut de conformité présentant un danger immédiat pour la santé humaine ou l’environnement, l’exploitation de l’installation ou de la partie concernée doit être suspendue par l’exploitant jusqu’au retour à la conformité.


1.4 La réaction aux situations d’urgence

Immédiatement après la survenue d’un accident majeur, l’exploitant est tenu de notifier à l’autorité compétente les informations utiles, et notamment les circonstances de l’accident et ses conséquences.

L’exploitant doit élaborer des plans d’intervention d’urgence internes tels qu’ils puissent être déclenchés afin de circonscrire l’amorce d’un accident majeur au sein de l’installation et être exécutés en conformité avec le plan d’urgence externe lorsque l’accident a dégénéré au-delà du périmètre de l’installation. L’exploitant doit tester périodiquement l’efficacité des plans d’intervention d’urgence internes.


2. LES POUVOIRS ET OBLIGATIONS DES AUTORITES NATIONALES COMPETENTES


2.1 L’octroi des autorisations

Rappelons que l’octroi des autorisations de mener des activités gazières offshore joue un rôle prépondérant dans la sécurisation de telles activités. Par conséquent, il est primordial que la procédure prenne en compte non seulement les mesures de sécurité et de protection de l’environnement que l’exploitant entend appliquer, mais également sa capacité financière à les mettre en œuvre.

Aussi, le règlement prévoit que les décisions relatives à l’octroi d’une autorisation de mener des activités gazières en mer conformément à la directive 94/22/CE prennent en compte la capacité des demandeurs de satisfaire aux exigences du droit de l’Union. Les autorités compétentes doivent, en particulier, évaluer les performances en matière de sécurité et de respect de l’environnement ainsi que la capacité technique et financière des demandeurs, y compris les éventuelles garanties financières et la capacité à assumer les responsabilités en cas d’accident.

En outre, les Etats membres, doivent veiller à ce que le public soit associé à la procédure à un stade précoce des procédures et qu’il participe de manière effective aux processus d’octroi des concessions.


2.2 Le pouvoir d’évaluation et de surveillance des activités offshore

Il revient aux autorités compétentes d’évaluer et d’accepter les rapports sur les dangers majeurs, évaluer les notifications de conception et évaluer les notifications d’opérations sur puits ou d’opérations combinées, et tout autre document de cette nature qui leur sont soumis. L’autorité compétente peut interdire l’exploitation ou la mise en exploitation de toute installation ou partie d’installation, si les mesures proposées par l’exploitant pour la prévention et l’atténuation des conséquences des accidents majeurs conformément sont jugées nettement insuffisantes. Par ailleurs, si le rapport sur les dangers majeurs ou les notifications susmentionnées ne sont pas soumis à temps, l’autorité compétente peut, dans des circonstances exceptionnelles et si elle juge que la sécurité et la protection de l’environnement ne s’en trouvent pas compromises, accorder une prolongation du délai de soumission.

Par ailleurs, les autorités compétentes doivent assurer la surveillance de la sécurité, de la protection de l’environnement et de la préparation aux situations d’urgence. Pour ce faire, elles sont chargées de réaliser des inspections, de mener des enquêtes et d’adopter des mesures d’exécution appropriées en cas de manquement des exploitants à leurs obligations. Si les résultats d’une inspection, d’un réexamen périodique du rapport sur les dangers majeurs ou des modifications apportées aux notifications montrent que les exigences du règlement ne sont pas remplies, les autorités compétentes doivent interdire l’utilisation ou la mise en service de toute installation ou partie d’installation,

Enfin, les États membres doivent établir un régime des sanctions applicables en cas d’infraction de l’industrie au règlement. Celles-ci doivent être suffisamment effectives, proportionnées et dissuasives.


2.3 La maîtrise des situations d’urgence

En cas d’accidents majeurs occasionnant des dommages humains et environnementaux importants, les États membres doivent procéder à une enquête approfondie. Le rapport d’investigation comprend une évaluation de l’efficacité de la manière dont l’autorité compétente régulait l’installation concernée pendant la période précédant l’accident et, le cas échéant, des recommandations en vue d’une modification appropriée des pratiques. Une synthèse du rapport d’enquête est mise à la disposition de la Commission. A l’issue de l’enquête, l’autorité compétente doit mettre en œuvre les recommandations du rapport d’enquête.

Par ailleurs, les États membres doivent élaborer des plans d’intervention d’urgence externes couvrant l’ensemble des installations gazières en mer2. Ces plans sont élaborés en collaboration avec les exploitants et les États membres limitrophes. Ils sont tenus de tester périodiquement leur état de préparation en vue d’une intervention efficace en cas d’accident.

En cas de survenance d’un accident majeur ou une situation comportant un risque immédiat d’accident majeur, les autorités assistent l’exploitant en cause et prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir une aggravation du risque ou de l’accident. Si l’accident dépasse les capacités d’intervention nationales, un État membre touché peut solliciter une assistance supplémentaire des États membres et de l’Agence européenne pour la sécurité maritime par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile instauré par la décision 2007/779/CE du Conseil.




En conclusion, cette proposition de règlement, si elle venait à être adoptée, viendrait répondre à de nombreuses critiques formulées à l’encontre du cadre juridique existant en renforçant notamment les règles applicables aux exploitants offshore et en assurant une meilleure sécurité et protection de l’environnement. Cette proposition suscite malgré tout encore de nombreuses réactions et pourrait être encore largement amendée avant d’être définitivement adoptée.