Pour rappel, le principe de liberté de prescription énoncé à l’article R 4127-8 du Code de la santé publique donne au prescripteur une latitude maximum quand à la détermination des médicaments à prescrire pour soigner le patient. Néanmoins, à la suite du scandale Mediator, la question de l’encadrement des prescriptions hors-AMM a été remise sur le devant de la scène. En effet, le rapport de l‘Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de juin 2011 fustige le nombre de médicaments prescrit en dehors de leur autorisation de mise sur le marché pendant des périodes longues. Il préconise que leur durée soit limitée de 3 à 5 ans. Si la prescription hors-autorisation de mise sur le marché se justifie, pourquoi ne pas modifier l’autorisation de mise sur le marché ? Ce type de prescription méconnue du grand public recouvre pourtant une ampleur considérable en ce qui concerne le volume des ventes de médicaments. L’AMM délivrée par les autorités compétentes nationales ou communautaires est limitée à un ou plusieurs indications thérapeutiques dans un souci de sécurité des patients. Le non-respect de celles-ci entraine quasi nécessairement des risques pour la santé du patient.
Dès lors, la réforme envisagée par la loi du 29 décembre 2011 a profondément modifié les conditions de prescription hors autorisation de mise sur le marché et de leur remboursement éventuel afin de limiter ces cas (I). Les entreprises exploitantes sont elle aussi mise à contribution dans ce dispositif afin restreindre les prescriptions contraires aux recommandations des autorités (II).

I/Encadrement des prescriptions hors-AMM

Le nouvel article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique, autorise une prescription non conforme à son AMM d’une spécialité pharmaceutique :
« en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation. »Cette possibilité n’est alors plus ouverte que dans deux cas limitativement définis : « lorsque l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans. »
Les RTU sont définies par l’ANSM en concertation avec l’entreprise exploitante (notamment en ce qui concerne le coût de suivi du patient) conformément au Décret n°2012-742 du 9 Mai 2012. D’autres institutions peuvent être associées à la prise de décision : le centre de référence pour les maladies graves ou l’Institut National Du Cancer.
La délivrance d’une autorisation de mise sur le marché pour l’indication encadrée par la RTU met fin à celle-ci.
« Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. »
La formulation choisie pour ce cas tend à responsabiliser le prescripteur. Le recours à une prescription non conforme à l’autorisation de mise sur le marché doit être motivé et nécessite une information du malade concernant tous les éléments qui le concerne notamment sur les risques ainsi que les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie. L’ordonnance doit mentionner : « Prescription hors AMM ».

On s’intéresse ensuite au conditions de remboursement des prescriptions hors-autorisation de mise sur le marché.
L’utilisation de spécialités pharmaceutiques pour une prescription qui n’est pas couverte par une AMM demeure en principe non remboursable. L’article L. 162-4 du Code de la sécurité sociale (CSS), relatif au remboursement des médicaments, complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les spécialités pharmaceutiques mentionnées au 1°, l’inscription de la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » prévue à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique dispense de signaler leur caractère non remboursable. » Ainsi la mention « prescription hors AMM » sur une ordonnance empêche a priori tout remboursement.
Cependant, l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi du 29 décembre 2011 ouvre le droit au remboursement pour les prescriptions hors AMM est possible, dés lors qu’elles ont fait l’objet d’une RTU.
Cette possibilité n’est ouverte qu’à titre dérogatoire et pour une durée limitée.
La lecture des deux textes combinés laisse planer un doute. Le prescripteur doit-il faire figurer la mention « prescription hors AMM » lorsque celle-ci fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation ? Si la réponse est positive, cela pourrait légèrement compliquer le travail des organismes de sécurité sociale.

II/ Prévention des prescriptions contraires aux recommandations de l’ANSM

Autre élément majeur de réforme en ce qui concerne la prescription, le
Législateur a souhaité limiter l’usage des médicaments lorsque celui-ci ne rentre pas dans le champ de leur autorisation de mise sur le marché, et plus particulièrement dans le cas où les autorités sanitaires ont effectués des recommandations contraires.
L’insertion de l’article L. 162-17-4-1 abonde dans ce sens, puisqu’il prévoit, pour les conventions que les titulaires d’AMM concluent avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’ajout éventuel d’un engagement du titulaire à prendre les moyens de limiter la prescription des médicaments hors autorisation de mise sur le marché effectuée pour un usage contestable. Cela passe notamment par « des actions d’information spécifiques mises en œuvre par l’entreprise ou le groupe d’entreprises en direction des prescripteurs. » Le second rapport de
L’IGAS proposait quand à lui de supprimer la visite médicale arguant de son caractère essentiellement promotionnelle. La loi a de son côté choisi de s’orienter vers une phase de test de visite médicale collective à l‘hôpital.
Le deuxième paragraphe ouvre la possibilité pour le CEPS de prononcer à l’encontre des entreprises n’ayant pas respecté cet engagement, des pénalités financières reconductibles chaque année en l’absence de réaction de la part des entreprises contrefaisantes.
« Le montant de cette pénalité ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise ou le groupe d’entreprises au titre du ou des médicaments objets de l’engagement souscrit durant les douze mois précédant la constatation du manquement. Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité du manquement. »
Dès lors, cet engagement paraît assez contraignant pour les entreprises, et la perspective d’un engagement volontaire de la part de celles-ci assez restreinte.
La réforme de l’encadrement des prescriptions hors AMM donne lieu à une prise d’engagement plus forte de la part des entreprises en théorie.
La pratique devrait suivre la même logique si les mesures de sanction prévues sont effectivement appliquées. Il est néanmoins regrettable que la réforme n’intègre pas le médecin prescripteur dans ce nouveau système.