Mise en consultation du projet de loi relatif à la participation du public dans le cadre des décisions relatives à l’environnement
Par Elodie PROTAT
Juriste Droit nuclaire et Environnement
CEA Saclay
Posté le: 13/09/2012 9:28
Récemment, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel sont venues censurer des dispositions législatives pour non-respect du principe de participation du public énoncé à l’article 7 de la Charte de l’environnement qui prévoit que “toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement”.
Pour pallier à ces irrégularités, le Gouvernement met en consultation le projet de loi visant à intégrer le principe de participation du public dans les dispositions concernées.
I. Les questions prioritaires de constitutionnalités en cause
A. Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 relative à la participation du public dans le cadre des ICPE soumises à enregistrement
En application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 juillet 2011, par le Conseil d’Etat, de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ces deux questions, posées par l’association France Nature Environnement (FNE), portaient sur la conformité des articles L. 511 2 et L. 512-7 du code de l’environnement tels qu’issus de l’ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l’enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), avec les droits et libertés résultant de la Charte de l’environnement. L’article 7 de la charte de l’environnement institue le droit, pour toute personne, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Les deux QPC ont donné lieu à une seule et unique décision du Conseil constitutionnel, qui conclut à la non-conformité des articles L. 511-2 alinéa 2 et L. 512- 7 paragraphe III du code de l’environnement à la Charte de l’environnement. Conformément à ces dispositions, les projets de prescriptions générales élaborés dans le cadre du régime d’enregistrement de certaines ICPE, font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le Conseil Constitutionnel considère cependant que ni ces dispositions « ni aucune autre disposition législative n’assurent la mise en œuvre du principe de participation du public » issu de l’article 7 de la charte de l’environnement.
En vertu de l’article 62 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel a le pouvoir de fixer la date d’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. Considérant que l’abrogation immédiate des dispositions dont il est question aurait des conséquences « manifestement excessives », il fixe donc la date d’abrogation de ces dispositions au 1er janvier 2013.
B. Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 relative à la participation du public dans le cadre des ICPE soumises à autorisation
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 avril 2012 par le Conseil d'État d'une QPC posée par l'association France Nature Environnement, relative à la conformité de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Aux termes de cette disposition de l'article L. 512-5 du même code, « les projets de règles et prescriptions techniques font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ». Selon l'association requérante, en n'organisant pas la participation du public à l'élaboration des prescriptions générales relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, ces dispositions méconnaissent l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui impose une participation du public dans l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Par cette décision, le Conseil constitutionnel considère que ni les dispositions de l’article L. 512-5 ni aucune autre disposition législative n'assurent la mise en œuvre du principe en cause de participation du public. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence. Dès lors, le Conseil considère que les dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5 sont contraires à la Constitution.
A. La décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012 relative à la participation du public dans le cadre des dispositions prévoyant la destruction d’espèce
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juin 2012 par le Conseil d’État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par plusieurs associations, relative à la conformité du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement aux droits et libertés garantis par la Constitution. L’article L. 411-2 prévoit les modalités de délivrance des dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces faunistiques et floristiques prévues à l’article L. 411-1 du même code et établit notamment que celles-ci sont définies par un décret en Conseil d’État. Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel rappelle que les dispositions de l’article L. 411-1 interdisent toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu, lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation.
Les dérogations à ces interdictions constituent donc des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, soumises à l’article 7 de la Charte de l’environnement qui impose une participation du public dans l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Or, les dispositions du 4° de l’article L. 411-2, en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées ces dérogations, n’assurent pas la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques.
Le Conseil constitutionnel considère donc que le législateur, en adoptant ces dispositions sans prévoir la participation du public, a méconnu l’étendue de sa compétence et que, dès lors, les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 sont contraires à la Constitution. L’abrogation de ces dispositions prendra effet à compter du 1er septembre 2013.
B. La décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012 relative à la participation du public dans le cadre de la protection des captages d’eau
Le même jour, le Conseil constitutionnel est également par le Conseil d’État d'une seconde QPC posée par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Finistère, relative à la conformité du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement aux droits et libertés garantis par la Constitution. L’article L. 211-2 du même code spécifie que les règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales sont déterminées par décret en Conseil d'État. Les dispositions du 5° du II de l’article L. 211-3, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, déterminent les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut délimiter des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement, ainsi que des zones d’érosion et y établir un programme d’action à cette fin. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel indique que les décisions administratives délimitant ces zones et y établissant un programme d’actions constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Elles sont donc soumises à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui impose une participation du public dans l’élaboration de ces décisions.
Or, les dispositions contestées n’assurent pas la mise en œuvre de ce principe de participation du public. Dès lors, le Conseil conclut que le législateur, en adoptant ces dispositions sans prévoir la participation du public, a méconnu l’étendue de sa compétence et qu’en conséquence, les dispositions du 5° du II de l’article L. 211-3 sont contraires à la Constitution. L’abrogation de ces dispositions prend effet à compter du 1er janvier 2013.
II. Le projet de loi du gouvernement
Le projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public apporte donc les corrections nécessaires au code de l’environnement, pour les abrogations prenant effet au 1er janvier 2013, c'est-à-dire à l’exclusion de celles relatives à la destruction d’espèces de l’article L. 411-2. En effet, cette censure portait sur la participation du public à l'élaboration de décisions individuelles, or le projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour assurer la participation du public à l'élaboration des décisions individuelles.
En revanche, le projet de loi modifie l'article L. 120-1 du code de l'environnement, à vocation transversale et qui, en l'absence de procédure particulière, organise la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. Ainsi, le nouvel article L. 120-1 du code de l’environnement définirait : « I. […] les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions des autorités de l’Etat et de ses établissements publics ayant une incidence sur l’environnement, autres que les décisions individuelles, lorsqu'elles ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.
« II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 120-2, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation non technique, est rendu accessible au public par voie électronique. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa publication intégrale par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et heures où l'intégralité du projet peut être consultée.
« Au plus tard au début de la consultation, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues par l’autorité administrative compétente pour prendre la décision.
« Le public dispose, pour formuler ses observations, d’un délai qui peut être modulé en fonction de la nature du projet et qui ne peut être inférieur à quinze jours.
« Le projet ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en compte des observations formulées par le public. Ce délai ne peut être inférieur à deux jours francs à compter de la date de clôture de la consultation.
« Dès la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision publie, par voie électronique, une synthèse des observations du public.
« III. - Les dispositions du II ne s'appliquent pas lorsque l'urgence justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public ou par le respect des engagements internationaux de la France ne permet pas l'organisation d'une procédure de consultation du public. Les délais prévus au II peuvent être réduits lorsque l'urgence, sans rendre impossible la participation du public, le justifie.
« IV. - Les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 ».
Par ailleurs, le texte prévoit "qu'une procédure permettant de recueillir les observations du public devra être suivie en toute hypothèse. Il introduit une obligation de publier une synthèse de ces observations afin de permettre à toute personne de constater dans quelle mesure elles ont été prises en compte par la décision adoptée.
Ainsi, il modifie les articles L. 512-7 du code de l’environnement relatif aux ICPE soumises à enregistrement, l’article L. 211-3 du même code relatif à la protection des captages d’eau.
Ce projet de loi vise à "permettre aux citoyens de s'impliquer de façon concrète et utile dans le processus d'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement" selon le Gouvernement mais surtout à pallier aux abrogations du Conseil Constitutionnel.