L’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, pris en application de l'article L. 593-4 du code de l'environnement, a pour vocation de redéfinir les règles générales applicables à l'ensemble des installations nucléaires de base (INB). Dans le cadre de la refonte du régime, il intègre dans son annexe II des textes constitutifs de la règlementation ICPE et soumet aux ICPE de l’INB l’application de ces textes spécifiques. Cette intégration constitue une réelle nouveauté pour le régime.

I. Les nouvelles exigences mises en œuvre par l’arrêté INB

A. Les nouvelles exigences propres aux INB

L’arrêté INB remplace plusieurs arrêtés. Tout d’abord, l’arrêté « Qualité », relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l'exploitation des installations nucléaires de base du 10 août 1984 avec pour objectif de renforcer les exigences jugées trop imprécises, notamment concernant la surveillance des intervenants extérieurs et le traitement des non-conformités. Ensuite, il remplace également l’arrêté du 26 novembre 1999 fixant les prescriptions techniques générales relatives aux limites et aux modalités des prélèvements et des rejets soumis à autorisation, effectués par les installations nucléaires de base, dit arrêté « environnement », ainsi que l’arrêté Arrêté du 31/12/99 fixant la réglementation technique générale destinée à prévenir et limiter les nuisances et les risques externes résultant de l'exploitation des installations nucléaires de base, dit l’arrêté « RTGE ».
Ainsi, il fixe les règles pour la prise en compte des risques et inconvénients que présente l’INB vis-à-vis de la protection des intérêts de sécurité, santé et salubrités publiques et de protection de la nature et de l’environnement, protégés au titre de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi TSN. L’application de cette règlementation doit être proportionnée en fonction des risques et inconvénients, ceux-ci devant être aussi faibles que possibles à des conditions économiquement acceptables, en tirant parti des meilleures techniques disponibles. Pour cela, l’exploitant est tenu d’établir une politique en matière de protection des intérêts affirmant explicitement la priorité accordée à la protection de ces intérêts, en premier lieu par la prévention des accidents et la limitation de leurs conséquences au titre de la sûreté nucléaire, par rapport aux avantages économiques ou industriels procurés par l’exploitation de son installation.
il intègre, en les durcissant les niveaux de référence WENRA (harmonisation des réglementations européennes) concernant le management de la sûreté, la conception, l’exploitation et l’organisation de crise.
De plus, l’arrêté élargit également à l’ensemble des marchandises dangereuses les exigences portant sur le transport interne, initialement uniquement applicables aux matières radioactives. Ensuite, il durcit certaines exigences, dans un contexte post-Fukushima notamment sur la surveillance des intervenants extérieurs par l’exploitant, la gestion et le traitement des écarts de conformité, les cumuls plausibles d’agressions externes ou internes.
En ce qui concerne la gestion des déchets, l’arrêté INB introduit de nouvelles exigences ou le durcissement de celles formulées dans l’arrêté « RTGE », entrainant des impacts organisationnels et une évolution des règles d’exploitation. Enfin, il applique aux équipements nécessaires des sites nucléaires, des textes spécifiques à la réglementation ICPE et IOTA, sauf à démontrer que d’autres moyens permettent d’atteindre un niveau de protection au moins équivalent.

B. L’intégration des textes ICPE à l’annexe II de l’arrêté INB.

L’article 4.3.1 de l’arrêté du 7 février 2012 relatif aux installations nucléaires de base, dit « arrêté INB », stipule que « I. ― Les textes cités en annexe II s'appliquent aux équipements et installations mentionnés au premier alinéa de l'article L. 593-3 du code de l'environnement. Toutefois, l'exploitant peut mettre en œuvre des dispositions différentes, précisées dans les pièces constituant les dossiers mentionnés aux articles 8, 20, 37 et 43 du décret du 2 novembre 2007 susvisé, s'il démontre qu'elles permettent d'assurer un niveau de protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement au moins équivalent ». Les textes cités en annexe II reprennent des arrêtés relatifs à des ICPE particulières, caractérisées par leur classification au titre de la nomenclature ICPE. Il s’agit pour l’essentiel d’activités soumises au régime de déclaration pour lesquelles les arrêtés définissent des prescriptions générales. Ainsi par exemple nous pouvons citer, l’arrêté du 13 juillet 1998 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 1111 (très toxiques [emploi ou stockage des substances et préparations) ou encore de l’arrêté du 16 juillet 1997 relatif aux installations de réfrigération employant l'ammoniac comme fluide frigorigène ainsi que l’arrêté du 6 novembre 2007 relatif à la prévention des risques présentés par les dépôts et ateliers utilisant des peroxydes organiques. Néanmoins, certains arrêtés concernent également des installations soumises à des procédures d’enregistrement et d’autorisation tels que l’arrêté du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés de liquides inflammables exploités dans un stockage soumis à autorisation au titre de la rubrique n° 1432 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement. Ces textes fixant le régime de certains types d’ICPE sont donc directement inclus dans l’arrêté INB de par leur intégration dans l’annexe II. Cette disposition permet d’appliquer la règlementation ICPE, à savoir les arrêtés de prescriptions ICPE, aux équipements et installations d’une INB qui sont nécessaires à son exploitation. Avant cet arrêté, ces équipements et installations étaient directement soumis au régime de l’INB car les prescriptions qui leur étaient applicables étaient définies dans le décret de création de l’INB. Aujourd’hui, les décrets de création de INB devront intégrer ces textes. Il s’agit ici d’une application « par défaut », dans un certain nombre de domaines, de la réglementation applicable aux ICPE.

II. Le principe de l’application de la règlementation relative aux installations classées aux installations nucléaires de base


A. L’existence d’un conflit de loi ?

Ces dispositions intégrant l’application de textes ICPE dans le régime des INB posent un problème de droit et plus particulièrement de hiérarchie des normes. En effet, l’article 28 IV. de la loi TSN prévoit expressément que les dispositions du titre Ier du livre V du code de l’environnement, qui constituent le fondement légal du régime des ICPE, ne sont pas applicables aux INB. Par conséquent, la disposition de cet arrêté prévoyant l’application, par renvois, de ces textes peut paraitre non conforme à la lettre de la loi, sans parler du détournement de son esprit. En effet, cette exigence semble revenir sur l’article 28 de la loi TSN et désormais l’article L. 593-1 du code de l’environnement, qui prévoient expressément que les dispositions applicables en matière d’ICPE ne sont pas applicables aux INB. Ainsi cette disposition est incompatible avec l’indépendance des corpus législatifs et réglementaires applicables aux INB et aux ICPE, laquelle est justifiée par la spécificité des INB et des risques que comporte leur exploitation. Aussi, intégrer l’application du droit des ICPE aux INB, comme le fait cet arrêté, pourrait supposer une restructuration législative et non pas simplement la publication d’un simple arrêté.
Cette disposition implique que les équipements et installations ICPE concernés par la liste faite en annexe II de l’arrêté, qui sont nécessaires au fonctionnement d’une INB, ne seront plus seulement soumis uniquement au régime de l’INB mais également au régime défini par ces arrêtés, à savoir le régime ICPE. Des dispositions ICPE sont ainsi intégrées au régime de l’INB. Le décret d’autorisation de l’INB inclura le référentiel de ces textes ICPE et y fera référence pour ces installations. Mais cette annexe pose également un problème d’application pratique. En effet, cet arrêté va créer des différences de régimes au sein des INB. Ainsi, désormais, au sein d’une INB, il faudra distinguer les ICPE nécessaires et non nécessaires et, au sein des ICPE nécessaires, il faudra distinguer celles qui sont soumises à des textes listés en annexe 2 de l’arrêté de celles qui ne le sont pas. Par ailleurs, en fonction des installations et au moment de leur création, il faudra toujours se référer à cette liste pour voir si les installations créées relèvent des installations soumises aux nomenclatures énumérées par l’arrêté.
Cette disposition contestable du point de vue juridique montre ainsi une volonté du pouvoir exécutif et de l’ASN, qui ont participé à l’élaboration de ce texte, de soustraire certaines installations au régime de l’INB. Néanmoins, cette disposition indique que l’exploitant peut mettre en œuvre des dispositions différentes à la condition que celles-ci soient au moins équivalentes aux dispositions desdits arrêtés. Cette possibilité offerte à l’exploitant laisse penser que le régime INB serait, de manière générale, moins protecteur des intérêts de protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou de la protection de la nature et de l'environnement que les prescriptions générales ICPE mises en place par ces textes. Aussi, cette intégration semble témoigner d’une volonté d’encadrer de manière plus uniforme et mieux définie certaines catégories d’installations classées au sein de différentes INB qui peuvent être soumises à des prescriptions générales différentes en fonction de leur activité principale. De ce fait, ces dispositions peuvent être justifiées par la volonté de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, précités. Néanmoins, en impliquant un effacement du régime INB face à celui des ICPE, nous pouvons nous demander si la distinction entre les équipements et installations nécessaires et non nécessaires est toujours justifiable et si toutes les ICPE exploitées dans le périmètre d’une INB ne sont pas vouées à être règlementées par le régime ICPE, bien qu’elles soient nécessaires à son fonctionnement. En effet, les autres équipements, non mentionnés par cette annexe, restent aujourd’hui soumis au régime des INB. Il y a donc une nouvelle différence de régime à prendre en compte. Mais cette disposition, un peu confuse, laisse en suspend la question de l’avenir du régime applicable aux ICPE au sein des INB.

B. Des textes figés à la date de publication de l’arrêté INB

L’autre particularité de cette annexe II est que les textes qui y sont recensés sont figés dans le temps, à la date de publication de l’arrêté, à savoir le 7 février 2012. En effet, les références aux annexes précisent que ces textes son applicables « dans [leur] rédaction en vigueur à la date de publication du présent arrêté ». Par conséquent, tant que ce texte sera en vigueur, les ICPE nécessaires au fonctionnement de l’INB et soumises aux nomenclatures visées par cette annexe seront soumises aux dispositions de ces textes à la date du 7 février 2012. Cette disposition va ainsi poser un autre problème pratique d’application des textes dans le temps. En effet, des installations non nécessaires au fonctionnement de l’INB mais soumis à un régime fixé par ces textes ne seront pas soumis à ce blocage dans le temps des textes listés en annexe II. Par conséquent, si les textes évoluent, ces installations seront soumises aux nouvelles versions de ces textes. Or, les équipements nécessaires au fonctionnement de l’installation soumis à ces mêmes textes se verront appliquer la version figée au 7 février 2012. Cette disposition pose donc principalement des problèmes d’application pratique pour les exploitants et les opérationnels de terrain qui peut être, par ailleurs, difficile à justifier. Sur un même site, deux règlementations différentes pourront donc se voir appliquées à des installations différentes mais exerçant la même activité.