
L'autorisation d'occupation du Domaine Public Maritime: la fondation instable de l'exploitation des éoliennes maritimes.
Par Nicolas SASTRE
Juriste Environnement/Santé
GDF Suez
Posté le: 11/09/2012 18:38
Les éoliennes offshore s'implantent en mer sur le domaine de l’État et sont donc, à ce titre, soumises aux réglementations issues du Domaine Pubique Maritime.
Par principe, toute utilisation ou occupation du DPM nécessite une autorisation (selon le Décret n° 2012-41 du 12 janvier 2012 relatif aux installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable).
L'outil juridique de droit commun est l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) qui entraine une redevance à la charge du destinataire de l'AOT (CGPPP, art. L. 2122-1 et s. et R. 2122-1 et s.). De plus l'autorité adjudicatrice doit veiller à ce que les caractéristiques des aménagements ne soient pas incompatibles avec les impératifs de protection du site naturel. A défaut, l'autorisation serait annulée de plein droit (CE, 13 nov. 2002, no 219034,  Cne de Ramatuelle). De même, l'occupation du domaine public peut également faire l'objet d'une convention entre la personne publique à une personne privée, ceci se réalisant sous la forme d'une concession accordée pour une utilisation compatible du domaine public (CGCT, art. R. 2122-1).
Les conditions dans lesquelles l'État peut délivrer des concessions d'utilisation des dépendances du DPM situées hors des limites administratives des ports, en application du code du domaine de l’État, sont visées à l’article R. 2124- 1 du CGPPP. La demande de concession doit être adressée au préfet :
L’identité du demandeur ;
La situation, consistance et superficie de l'emprise qui fait l'objet de la demande ;
Des informations sur la destination, nature et coût des travaux projetés s'il y a lieu ;
La cartographie du site d'implantation et plans des installations à réaliser ;
Et calendrier de réalisation de la construction ou des travaux et date prévue de mise en service ;
Selon l'article R. 2124-2 du même code, cette demande doit être accompagnée d'un dossier qui comprend :
Les modalités de suivi du projet et de l'installation ;
Leur impact sur l'environnement et les ressources naturelles ;
Et, le cas échéant, la nature des opérations nécessaires à la réversibilité des modifications apportées au milieu naturel et au site, ainsi qu'à la remise en état, la restauration ou la réhabilitation des lieux en fin de titre ou en fin d'utilisation ;
Une étude d'impact : celle-ci est obligatoire lorsque la récupération de terrains sur le domaine public maritime est d'une emprise supérieure à 2 000 m2. Une étude d'impact peut être d'ailleurs être imposée discrétionnairement par l'administration pour les travaux inférieurs à cette superficie.
Avant approbation par le préfet, le projet donne lieu à une enquête publique menée dans les formes prévues par les articles R. 11-14-3 à R. 11-14-15 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. En ce qui concerne les éoliennes offshore, la hauteur importe peu, l'enquête sera systématiquement requise.
La convention est ensuite approuvée par arrêté préfectoral. Le préfet édicte deux actes bien distincts : un acte administratif unilatéral (un arrêté portant concession du Domaine Public Maritime en dehors des ports289 et un contrat administratif (la convention de la concession du Domaine Public Maritime en dehors des ports).
Attention cependant, n'oublions pas que nous parlons de conventions avec l’État. Tout bon juriste pensera immédiatement aux prérogatives de puissances publiques dont l’État peut faire preuve au sein des contrats administratifs. Ici, nous parlons du domaine public, qui donc possède des attributions particulières issues directement de son "propriétaire". Le DPM ne peut faire l'objet que d'une autorisation d'occupation temporaire, précaire et révocable, c'est-à -dire que l'Etat peut y être mis fin à tout moment si l'intérêt du domaine ou un intérêt général le justifient (CGPPP, art. L. 2122-1 et L. 2122-3). Nous pouvons relever ici une source très importante d’insécurité juridique pour l’exploitant. C'est la conséquence du principe d'inaliénabilité. Selon les textes, l'occupant doit garantir la réversibilité de l'occupation. C'est à dire qu'il s'engage auprès de l'administration à remettre le domaine dans l'état où il était avant l'autorisation.
De son coté, les risques juridiques de la concession méritent aussi d'être soulignés. Elle est conclue pour une durée maximum de trente ans. Pendant cette période, les biens concédés ne sont pas soustraits du DPM et ne peuvent faire l'objet de droits réels. De plus, la convention peut prévoir lorsqu'il s'agit d'une personne physique ou d'une personne morale la constitution de garantie financière destinée à assurer la réversibilité des modifications apportées au milieu naturel.
Outre le fait que l'exploitant se retrouve avec une autorisation de s'installer sur quelque chose qui donc ne lui appartient pas, une autre épée de Damoclès découlant de ce postulat, pend au dessus de la tête de l'exploitant. L’autorisation d’occupation peut être retirée ou suspendue unilatéralement et à tout instant par le préfet. Cette situation peut ne pas choquer certains puisque l’abus ou une annulation insuffisamment justifiée entrainerait une indemnisation de l’exploitant. Cependant ce système n’est pas applicable si ce dernier a commis une faute. Et au regard des textes, la formulation « d’incidences graves et irréversibles sur l’environnement » peut être très (trop ?) facilement étendue aux éoliennes. L’incidence grave peut être reconnue à propos du dérangement causé au niveau de faune et de la flore lors de la construction de l’éolienne, en dépit de toutes les précautions qu’aurait pu prendre le maitre d’œuvre. De même, le qualificatif irréversible peut tout à fait être applicable à la chape de béton qui sert de socle à l’installation. Si l’exploitant se retrouve privé de son autorisation d’occupation du domaine public maritime pour « faute », l’ensemble des frais engagés resteront à sa charge mais s’ajouteront aussi les frais de démantèlement et de remise en état.
En conclusion, si nous devions illustrer cela de manière ludique, nous pourrions dire que l’État ne donne rien à l'exploitant mais en plus le menace de tout. Il y a certes une logique de protection du patrimoine de l’État, mais une telle inégalité n'encourage pas les entrepreneurs de la filière. Les exploitants sont tous conscients de cette insécurité juridique à leur encontre.