
L'impact de la loi Grenelle 2 sur le contrat d'entreprise dans la construction
Par Romain PLATEL-PARIS
Juriste en charge de l'environnement, securite, qualite et Marketing
PSA
Posté le: 09/09/2012 19:14
La loi « Grenelle 2 » par l’introduction d’obligations inédites en terme de performance énergétique impacte l’ensemble des contrats de construction.
L'article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, introduit par la loi « Grenelle 2 », dispose que « des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er Janvier 2012 ». Néanmoins, l’objectif d’amélioration de la performance énergétique n’a pas encore été fixé par décret, seul un rapport attestant de la volonté des acteurs de la construction de fixer les baisses de consommation d’énergie à 25% minimum à fin 2014 par rapport à une année de référence choisie entre 2006 et 2001, et avant réévaluation de l’objectif à la hausse en 2015.
De plus, toujours introduit par la loi « Grenelle », l’article L.111-10-2 du Code de la construction et de l’habitation dispose qu’à « l’issue de l’achèvement des travaux de réhabilitation thermique de bâtiments existants […], le maître d’ouvrage fournit à l’autorité qui a délivré l’autorisation de construire un document attestant que la réglementation thermique a été prise en compte par le maître d’œuvre ou, en son absence, par le maître d’ouvrage ».
1) Le contrat de louage d’ouvrage classique
Ces deux obligations notables ont une influence certaine sur le contrat d’entreprise dans le domaine de la construction. En effet, les parties à ce type de contrat sont libres de le rédiger comme bon leur semble, d’y inclure des obligations que la loi ne prévoit pas mais ce, dans la limite des dispositions d’ordre public auxquels le contrat ne peut déroger ou contrevenir. En conséquence, les obligations précitées constituant des dispositions d’ordre public au vue de la force et de la valeur donnée au texte par le législateur, elles doivent être intégrées au contrat de louage d’ouvrage, ce qui n’était éventuellement le cas auparavant que si les parties le souhaitaient. A titre d’exemple, l’attestation de prise en compte de la réglementation thermique et les diverses annexes au contrat devront incorporer les normes prévues par la loi, les transformant en stipulation contractuelle et donc en norme de droit privé dont la violation pourra être sanctionnée civilement en sus des sanctions pénales prévues.
Ainsi, dès l’origine et durant toute la réalisation du contrat, les constructeurs seront soumise à l’obligation légale devenue stipulation contractuelle de performance énergétique et en conséquence à fournir un ouvrage conforme à ces stipulations et par extension au cahier des clauses techniques particulières de l’architecte ou à la notice descriptive. Toute violation de ces annexes relatives entre autres à la performance énergétique relève ici du régime du défaut de conformité.
L’inconvénient du défaut de conformité réside dans son caractère apparent ou non au moment de la réception des travaux, caractère dont dépendra, avec la notification de réserves, la nature de la responsabilité engagée par le maître d’ouvrage lors de l’introduction de son action, à savoir de droit commun ou spécifique des constructeurs.
Néanmoins, par l’introduction de l’obligation de la fourniture d’une attestation de prise en compte de la réglementation thermique, le législateur a offert au maître d’ouvrage un outil supplémentaire afin de constater l’éventuel défaut. En premier lieu, si aucune attestation n’est rédigée, cette carence constituera en elle-même un défaut de conformité si le maître d’œuvre était responsable de sa rédaction. Ensuite, si elle est effectivement rédigée cette fois par le maître d’ouvrage, elle sera jointe à la déclaration d’achèvement des travaux, c'est-à-dire qu’elle sera effectuée nécessairement préalablement aux opérations de réception et que son rédacteur vérifiera en toute logique la performance énergétique réelle de l’ouvrage. Le maître d’ouvrage sera donc très certainement en mesure de constater les défauts de conformité apparents et d’émettre les réserves afférentes par la suite, dans la mesure où les contrôles auront été réalisés de façon efficiente.
Par ailleurs, il semble évident que dans la mesure où les obligations introduites par la loi « Grenelle 2 » sont d’ordre public, il ne peut être joint au contrat de louage d’ouvrage de clause limitative ou exclusive de responsabilité du constructeur concernant la performance énergétique lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cela relèverait alors de la clause abusive au même titre que la jurisprudence Chronopost relative aux clauses limitatives de responsabilité contraires à une obligation essentielle. Il serait en effet incohérent que le constructeur s’engage sur la performance de l’ouvrage à réaliser et exprime néanmoins dans le même temps son souhait de se voir exonérer de sa responsabilité en cas d’échec.
2) Le contrat de performance énergétique
Par ailleurs, en dehors du contrat de louage d’ouvrage classique prévu par l’article 1779 du Code civil, une directive européenne introduit le contrat de performance énergétique et incite à son utilisation. La directive n°2003/32/CE du 05 Avril 2006 par son article 3 définit donc ce contrat comme « un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur d’une mesure visant à améliorer l’efficacité énergétique, selon lequel des investissements dans cette mesure sont consentis afin de parvenir à un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique qui est contractuellement défini ».
Cependant, malgré l’incitation du droit européen, le droit français n’a pas encore opéré la transposition de cette notion qui demeure en effet trop large. Le rapport sur la question rendu par Maître Olivier ORTEGA en Mars 2011 à la demande du Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, définit, lui, ce contrat comme « tout contrat conclu entre le maître d’ouvrage d’un bâtiment et une société de services d’efficacité énergétiques visant à garantir, par rapport à une situation de référence contractuelle, une diminution des consommations énergétiques du bâtiment ou du parc de bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux, fournitures ou services ». En conséquence, ce contrat n’est applicable qu’aux bâtiments existants.
Selon ce rapport, le contrat de performance énergétique doit être constitué de quatre éléments distincts et cumulatifs. Tout d’abord, l’objet du contrat doit consister en une diminution des consommations énergétiques du bâtiment concerné au moyen d’un investissement matériel ou immatériel destiné à modifier les caractéristiques énergétiques du bâtiment et au final à entraîner la diminution des consommations attendue. Dans la mesure où, dans ce cadre, le maître d’ouvrage peut désigner autant le propriétaire que l’utilisateur, le bailleur ou le preneur, le coût des travaux pourra indifféremment être supporté par l’un d’entre eux. Par ailleurs, la principale obligation, celle ayant le plus de répercussion sur le contrat, est la garantie de performance énergétique par laquelle le constructeur, c'est-à-dire la société de services d’efficacité énergétiques, s’engage à ce que le résultat des travaux de réhabilitation entraîne une baisse déterminée de la consommation et, dans le cas contraire, à indemniser le maître d’ouvrage proportionnellement. De fait, ce dernier sera indemnisé de la différence entre performance contractuellement garantie et performance constatée après les travaux. En dernier lieu, le contrat doit prévoir, durant toute sa durée, des mesures relatives à la performance de l’ouvrage.
Si en principe, la garantie de performance énergétique offerte par un tel contrat consiste en une obligation de résultat au vue de la réparation par équivalent au dommage subi du fait de la divergence entre performance attendue et obtenue, il reste à déterminer son régime d’application et s’il relève de la garantie décennale prévue à l’article 1792 du Code civil.