
Les règles internationales et européennes applicables à l’exploitation gazière en mer
Par Marine BATTEZ
Juriste en Droit des Affaires et Environnement
STORENGY-GDF SUEZ
Posté le: 09/09/2012 18:31
Compte tenu des risques liés à l’exploration-production de gaz naturel en mer pour l’intégrité de l’environnement comme pour la protection des populations, en témoigne la multiplication des accidents en la matière, un corpus de règles internationales et européennes vient réglementer l’exploitation des forages gaziers.
1.LES REGLES INTERNATIONALES LIEES A L'EXPLOITATION GAZIERE OFFSHORE
La Convention de Montego Bay fixe un cadre général selon lequel il est de la compétence exclusive des Etats côtiers d’autoriser les forages gaziers. L’article 56 relatif aux droits, juridiction et obligations de l'Etat côtier prévoit que l’Etat côtier a, dans la zone économique exclusive, « des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques ».
En outre, l’Etat côtier a le droit exclusif, dans la zone économique exclusive, d'autoriser et réglementer la construction, l'exploitation et l'utilisation d'installations et d'ouvrages affectés aux fins prévues à l'article 56 ou à d'autres fins économiques. Autrement dit, il revient à l’Etat côtier d’autoriser et réglementer les plateformes offshore qui tendent à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques. Enfin, l’article 81 ajoute que l'Etat côtier a le droit exclusif d'autoriser et de réglementer les forages sur le plateau continental, quelles qu'en soient les fins.
Par conséquent, pour obtenir l’autorisation d’exploiter et connaître les règles applicables régissant la construction, l’exploitation et l’utilisation des plateformes offshores, l’exploitant de gaz naturel devra appliquer la réglementation établie par l’Etat côtier. Il est par conséquent intéressant d’analyser l’état de la réglementation européenne en la matière.
2.LES REGLES EUROPENNES LIEES A L'EXPLOITATION GAZIERE OFFSHORE
L’Union ne possède pas de législation sectorielle spécifique pour l’exploitation de gaz en mer. Toutefois, il existe des textes plus large qui s’appliquent, souvent partiellement, au secteur offshore.
2.1 La sécurité des équipements et du personnel
La directive cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 modifiée traite de la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Elle établit les règles de base en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et en particulier à éliminer les facteurs de risque de maladie et d’accident professionnels. Elle s'applique à tous les secteurs d'activités privés et publics. Elle fixe des obligations à l’égard des employeurs en termes de sécurité et de santé au travail et de mise en place des moyens et de mesures de protection des travailleurs.
La directive 92/91/CEE du Conseil du 3 novembre 1992, modifiée par la Directive 2007/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007, détermine les prescriptions minimales à respecter afin d’améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs des industries extractives par forage. Cette directive constitue le principal instrument de la législation de l’Union en ce qui concerne la protection des travailleurs offshore et leur environnement de travail. Afin d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs, la directive fait peser sur l’employeur de nombreuses obligations en terme notamment de conception, d’équipement, d’entretien et d’exploitation du lieu de travail, de mise en place d’installations de premier secours, de consignes de sécurité et d’une évaluation des risques. L’employeur est également tenu de prendre les mesures nécessaires en ce qui concerne la protection contre les incendies, les explosions et les atmosphères nocives, de mettre en place des moyens d’évacuation et de sauvetage, des systèmes de communication, d’avertissement et d’alarme. Il doit en outre informer les travailleurs des mesures à prendre en ce qui concerne la santé et la sécurité sur le lieu de travail et doit assurer une surveillance appropriée de la santé des travailleurs. L’article 10 cite un certain nombre de prescriptions minimales à prendre.
La directive 94/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mars 1994, modifiée par le Règlement 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil du 29 septembre 2003, énonce les exigences essentielles que doivent respecter les appareils et les systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles. La directive s'applique aux appareils et aux systèmes de protection, à savoir les matériels de surface et minier, électriques et non électriques utilisés en atmosphère explosible ainsi qu'aux dispositifs en dehors des atmosphères explosibles, mais ayant une incidence sur les appareils qui y sont installés. Toutefois, il est à noter ici que la directive ne s’applique pas aux navires de mer et aux unités mobiles offshore. Ces appareils et systèmes de protection doivent satisfaire aux exigences essentielles de sécurité et de santé et font l’objet à cette fin d’une évaluation de la conformité.
Enfin, la Directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 mai 1997, modifiée par le Règlement 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil du 29 septembre 2003, soumet la conception et la fabrication d'équipements sous pression à des exigences essentielles en matière de sécurité. En effet, dans le cadre de la conception et de la construction de la plateforme offshore et de ses équipements, l’opérateur devra veiller à respecter les exigences posées par la directive.
2.2 La responsabilité environnementale
La directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale traite la question de la responsabilité des dommages causés à l’environnement. Uniquement certains dommages causés à l’environnement sont susceptibles d’être réparés. Les dommages causés par le gaz marin entrent dans le champ d’application de la directive. Ainsi, l’exploitant de gaz naturel causant des dommages environnementaux à des espèces et habitats naturels protégés, ou aux eaux, a la stricte responsabilité de prévenir ces dommages, de les réparer et d’en supporter tous les coûts. Toutefois, l’applicabilité territoriale de la directive est limitée au littoral et à la mer territoriale en ce qui concerne les dommages affectant les eaux, et ne couvre par conséquent pas toutes les eaux marines dans le ressort des États membres.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il semblerait que la directive 2008/98/CE relative aux déchets s’applique pleinement aux marées noires. Par voie de conséquence, on pourrait imaginer que le gaz naturel qui s’échapperait d’une installation en mer soit couvert par la définition des déchets applicables dans l’Union européenne, ce qui soumettrait le pollueur à l’obligation de dépolluer.
2.3 L’octroi des autorisations d’exploiter
La directive 94/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, sur les conditions d'octroi et d'exercice des autorisations de prospecter, d'exploiter et d'extraire des hydrocarbures. Selon cette directive, chaque État membre dispose de droits exclusifs sur les ressources en hydrocarbures situées sur son territoire. Par conséquent, il appartient à chaque État membre de déterminer, d'une part, les espaces géographiques où peuvent être exercés les droits de prospecter, explorer ou extraire le gaz naturel et d'habiliter, d'autre part, des entités à exercer ces droits. En outre, les autorisations doivent être octroyées de manière transparente, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. L'ensemble des informations relatives à l'autorisation est publié au Journal officiel de l'Union européenne au moins 90 jours avant la date limite du dépôt des demandes.