
La responsabilité exclusive du producteur de déchets radioactifs apportée par la Convention de Paris du 29 juillet 1960
Par Pauline DESNOUS
Responsable regionale Prevention des risques
GDF Suez
Posté le: 08/09/2012 14:50
L’exploitant d’une installation nucléaire est exclusivement responsable des dommages aux tiers résultant d’un accident nucléaire survenant dans l’installation qu’il possède ou au cours du transport de substances nucléaires à destination ou en provenance de cette installation.
L’exploitant est juridiquement responsable quelles que soient les actions ou omissions à l’origine de l’accident. Pour la victime, ce principe lui évite d’avoir à identifier et à poursuivre les véritables responsables de l’accident, ce qui serait pratiquement impossible étant donné les difficultés à obtenir les preuves nécessaires après un accident.
Afin d’encourager l’investissement dans le secteur nucléaire en pleine expansion, les gouvernements ont introduit le concept de responsabilité exclusive pour les dommages subis par des tiers dite également « canalisation » de la responsabilité sur l’exploitant de l’installation nucléaire où l’accident a eu lieu ou à destination ou en provenance de laquelle des substances nucléaires étaient transportées ; en d’autres termes, l’exploitant de l’installation nucléaire est la seule personne juridiquement responsable pour un tel dommage quels que soient les actes ou omissions à l’origine de l’ accident. Un fournisseur de biens défectueux, par exemple, pourra ne pas être reconnu responsable pour ce dommage même s’il a été négligent ou a commis une faute, à moins qu’il n’ait endossé la responsabilité aux termes d’un contrat avec l’exploitant, auquel cas l’exploitant possède un droit de recours contre le fournisseur/entrepreneur. Il existe également des hypothèses dans lesquelles l’exploitant détient un droit de recours contre un individu qui a commis un acte avec l’intention de commettre un dommage. Indépendamment de son droit de recours, l’exploitant reste exclusivement responsable pour les tiers victimes.
Pour les victimes, la canalisation de la responsabilité sur l’exploitant évite d’avoir à identifier ou à poursuivre tous les défendeurs qui sont potentiellement responsables de l’accident. Il s’agit là d’un avantage non négligeable lorsque l’on considère la difficulté que les victimes pourraient rencontrer pour l’obtention de preuves nécessaires afin d’établir la cause d’un accident. La canalisation évite ainsi aux victimes des enquêtes potentiellement infructueuses et certainement coûteuses, ainsi que les demandes et demandes reconventionnelles. En outre, afin de rendre les demandes des victimes plus faciles a établir, la canalisation a pour effet d’épargner les propriétaires non exploitants ainsi que les fournisseurs de biens, services et technologies d’avoir à défendre des poursuites compliquées et coûteuses, ou d’avoir à acheter des assurances de responsabilité couteuses qui, vu la capacité restreinte du marché pour une telle couverture, pourrait résulter en une disponibilité de couverture moins importante pour répondre aux besoins identiques de l’exploitant.
Les transporteurs, qui ne sont en général pas responsables du conditionnement des substances nucléaires, n’ont normalement pas les compétences spécifiques en matière de manutention de ces substances et seraient autrement également dans l’obligation de contracter une assurance de responsabilité onéreuse pour se prémunir contre ces risques, bénéficient également des avantages des fournisseurs et des entrepreneurs.
Par conséquent la responsabilité pour dommage causé aux tiers incombe à l’exploitant de l’installation nucléaire qui envoie les substances jusqu’à ce que la responsabilité soit alors transférée à l’exploitant d’une autre installation ou que ce dernier ait pris en charge l’expédition.
De manière générale, la « canalisation » de la responsabilité ne porte atteinte à aucun droit en matière de régime public d’assurance médicale, de sécurité sociale, d’indemnisation des travailleurs, ou tout autre dispositif ou système relatif aux maladies professionnelles en vertu du droit national. Si une victime obtient réparation ou est prise en charge sous une autre législation, l’entité ayant fourni les fonds pour une telle réparation ou ayant pris en charge la victime, détiendra, dans certaines circonstances précises, un droit de recours contre l’exploitant.
Les transporteurs bénéficient ainsi des privilèges des fournisseurs, puisqu’ils ne sont pas responsables du conditionnement des substances nucléaires qu’ils transportent, qu’ils ne possèdent pas nécessairement les savoirs spécifiques concernant leur manutention ou qu’ils seraient sinon tenus de souscrire des assurances responsabilité civile onéreuses pour se prémunir contre ces risques.