
Le bail commercial et l'annexe environnementale
Par Romain PLATEL-PARIS
Juriste en charge de l'environnement, securite, qualite et Marketing
PSA
Posté le: 05/09/2012 0:01
1) Le cadre légal de l’annexe environnementale
L’article 8 de la loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a introduit l’obligation, à compter du 1er Janvier 2012, d’insérer aux baux des locaux de plus de 2000 mètres carrés à usage de bureaux ou de commerces, une annexe environnementale dont un décret en date du 30 Décembre 2011, modifié par un décret du 19 Avril 2012, est venu fixer le contenu.
Ce décret prévoit qu’en vertu des articles R.137-1 et R137-2 du Code de la construction et de l’habitation, l’annexe devra comporter un ensemble d’éléments fournis mutuellement par le bailleur et par le preneur. Ils devront ainsi s’échanger :
« La liste, le descriptif complet ainsi que les caractéristiques énergétiques des équipements existants dans le bâtiment et relatifs au traitement des déchets, au chauffage, au refroidissement, à la ventilation et à l'éclairage à la ventilation et à l'éclairage ainsi qu’à tout autre système lie aux spécificités du bâtiment
Les consommations annuelles énergétiques réelles des équipements et systèmes dont il a l'exploitation
Les consommations annuelles d'eau des locaux loués et des équipements et systèmes dont il a l'exploitation
La quantité annuelle de déchets générée par le bâtiment si le bailleur en assure le traitement et, le cas échéant, la quantité qu'il a fait collecter en vue d'une valorisation ou d'un traitement spécifique ».
En outre, le preneur et le bailleur devront réaliser un bilan périodique de l’évolution de la performance énergétique et environnementale des locaux loués et sur cette base, s’engager sur un programme d’actions destinées à améliorer cette performance. Cette exigence ne pourra toutefois être remplie convenablement que si les parties au bail ont une connaissance suffisamment poussée du local afin de déterminer les sources d’économie d’énergie disponibles ou la viabilité financière d’une réhabilitation.
L’annexe pourra également prévoir les obligations qui s’imposeront au preneur afin de limiter la consommation énergétique des locaux loués. Le bailleur pourra ainsi fixer, au vue des équipements installés, des consignes et modes opératoires à respecter afin de limiter cette consommation.
Cette « annexe verte » implique également que le preneur et le bailleur échangent obligatoirement l’ensemble des informations dont ils disposent relativement aux consommations énergétiques des locaux loués. Il en découle par ailleurs que le preneur doit garantir au bailleur l’accès au local pour tout travaux visant à améliorer ses performances énergétiques.
2) La mise en œuvre de l’annexe environnementale
Ces trois points démontrent l’implication, la coopération et la concertation qui doit nécessairement s’installer entre le bailleur et le preneur afin d’améliorer effectivement la performance énergétique du local commercial. La liberté laissée aux parties relativement à la nature et la forme du programme d’action, à la périodicité des bilans, aux objectifs et moyens à mettre en œuvre reste cependant à double tranchant, pouvant encourager les vocations par son ouverture, comme les décourager de par son caractère trop peu coercitif.
D’autres questions sont également à soulever. La concertation entre les parties au bail commercial pourra par exemple amener le bailleur à décider d’une éventuelle réhabilitation du local loué. Une réhabilitation étant extrêmement onéreuse et les économies en découlant profitant exclusivement, le cas échéant, au preneur du local, ces économies peuvent-elles être partagées entre preneur et bailleur ? Hors les dispositions d’ordre public relatives au bail commercial, les parties sont libres de déterminer les modalités de répartition des économies d’énergie. La réponse se trouve donc une nouvelle fois dans la concertation et la négociation.
L’ensemble de ces dispositions ont pris effet le 1er Janvier 2012 concernant les baux conclus à cette date et, concernant les baux en cours, prendront effet le 14 Juillet 2013.
Il est à noter que le champ d’application de cette annexe est relativement limité dans la mesure où il ne concerne que les baux des locaux de plus de 2000 mètres carrés à usage de bureaux ou de commerce. Le texte ne s’intéresse qu’à la surface du local objet du bail alors qu’il aurait pu, en prenant en compte la surface de l’immeuble siège du local, étendre son champ d’application. De ce fait, fort peu de baux commerciaux dans les grandes villes et notamment dans Paris seront soumis à l’obligation d’établir une annexe environnementale.
Ainsi le but poursuivi par cette « annexe verte » est d’améliorer les performances environnementales du local commercial durant toute la durée de sa location.
Toutefois, comme affirmé plus haut, l’efficacité de ce type de bail est conditionnée par la volonté des parties de participer à l’effort collectif de réduction de la consommation énergétique. En effet, actuellement, le défaut d’établissement de l’annexe environnementale ne semble pas pouvoir être sanctionné malgré son caractère apparemment obligatoire au vue de la formulation de l’article L.125-9 du Code de l’environnement selon lequel « les baux […] comportent une annexe environnementale », à savoir qu’un bail commercial conclu sans comporter d’annexe environnementale ne sera pas considéré comme nul. Plus loin encore, l’obligation d’information des consommations semblant être annuelle et non pas limitée à une fourniture unique au moment de la conclusion du bail commercial, le manquement par l’une des parties à son obligation n’aura semble-t-il aucune conséquence sur le bail.
Le décret du 30 Décembre 2011 et plus encore, l’annexe « verte » qu’il définit, s’avère donc « précis, pragmatique mais plus incitatif que directif ». Il « devrait pouvoir être adopté par le plus grand nombre, contribuer à l’optimisation des performances environnementales des immeubles importants […] restructurés ou anciens, et participer à la profonde évolution des mentalités observé ces deux dernières années »*.
*(M-O.VAISSIÉ, La teneur de l’annexe environnementale, Rev.loyers 2010/91)