
Créance environnementale dans la procédure collective
Par Bo HAN
Posté le: 31/08/2012 10:05
Le droit de la procédure collective et le droit de l’environnement poursuivent des objectifs distincts, voire contradictoires. Le premier s’attache à la sauvegarde ou au redressement de l’entreprise en protégeant l’intérêt du personnel et des créanciers tandis que le second tend à assurer la protection de l’environnement. La réconciliation de ces deux droits représente un défi.
La publication récente du juin 2012 du guide du Ministère de l’Ecologie à destination des administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et de l’inspection des installations classées semble l’occasion d’approfondir les obligations environnementales des professionnels dans le cadre des procédures collectives.
A partir de l’ouverture de la procédure collective, les organes de la procédure deviennent destinataires des arrêtés préfectoraux, lorsque le débiteur est dessaisi de ses prérogatives. Bien que n’étant pas l’exploitant de l’installation classée, le liquidateur devra conduire la procédure de cessation d’activité prévue par le Code de l’environnement.
Le liquidateur doit notifier la cessation d’activité dans les meilleurs délais. Cette notification doit comprendre les mesures de mises en sécurité, telles l’évacuation et l’élimination des produits dangereux, la gestion des déchets présents sur le site, les interdictions ou limitations d’accès au site, la suppression des risques d’incendie ou d’explosion, ainsi que la surveillance des effets de l’installation sur son environnement.
Le liquidateur a l’obligation de mettre en sécurité le site dont il a la charge. L’action du liquidateur doit en premier lieu se concentrer sur certaines mesures d’urgence.
Quant à la remise en état du site pollué, si les fonds disponibles le permettent, elle doit être réalisée en fonction de l’usage futur du site tel qu’il résulte de l’autorisation ou de la consultation prévue au R 512-46-26 ou R. 512-39-2 du Code de l’environnement.
S’il ne remplit pas ses obligations, le liquidateur s’expose aux sanctions administratives applicables aux exploitants. En effet, le préfet doit prendre un arrêté de mise en demeure. Si le liquidateur n’exécute pas la mise en demeure, le préfet prend un arrêté de consignation.
L’arrêté de consignation fait naître une créance environnementale, qui s’intègre dans le classement des créances.
Si la créance peut être qualifiée de postérieure au jugement d’ouverture, elle bénéficie d’une priorité de paiement.
Dans un arrêt Société d’utilisation du phénol du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a décidé que « la créance du trésor était née de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture ».
La Cour retenait que l’arrêté préfectoral avait fait naître la créance et ensuite accordant ainsi à la créance environnementale un traitement préalable et privilégié. Cette solution pragmatique allait dans le sens d’une protection accrue de l’environnement qui résulte que la protection l’emportant sur les intérêts individuels de l’entreprise et des autres créanciers concernés par la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans la procédure collective.
La réforme des procédures collectives, issue de la loi du 26 juillet 2005 quant à elle, remette en cause ce traitement favorable de la créance environnementale par rapport aux autres créances déjà super privilégiées.
En effet, depuis cette réforme, dont la vocation était de réduire la plupart des créances privilégiées, une créance doit remplir un critère supplémentaire très important (outre ceux de la régularité et de la postériorité au jugement) pour être qualifiée de « postérieure » :
- celui de l’utilité pour le déroulement de la procédure.
Concernant les procédures de sauvegarde ou de redressement, « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance » (articles L. 622-17 et L. 631-14 Code du commerce).
De même, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, « sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant ce maintien de l'activité ».
Or, peut-on considérer une créance de dépollution comme étant « née pour les besoins du déroulement de la procédure » ? Comment définir la créance née pour le déroulement de la procédure ?
Les réponses sont loin d’être évidentes, dans la mesure où l’obligation de remise en état semble davantage liée à l’objectif de protection de l’environnement et de la société qu’aux besoins de la procédure.
L’utilité de la créance pour le déroulement de la procédure devra donc être appréciée au cas par cas.
Si la dépollution ou la remise en état partielle se révélait nécessaire pour pouvoir céder l’entreprise à un repreneur, cette mesure pourrait répondre aux besoins de la procédure, puisqu’elle favoriserait le paiement d’un prix et le règlement des créanciers.
Si la dépollution était imposée par le préfet comme condition à la continuation de l’activité, cette créance pourrait également répondre au besoin du déroulement de la procédure, dans la mesure où elle contribuerait à la mise en place d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.