
Transparence des liens d'intérêts : les apports de la loi du 29 décembre 2011
Par Augustin LABBE DE LA GENARDIERE
Posté le: 25/08/2012 17:59
Depuis l'adoption de la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, les laboratoires pharmaceutiques représentés par le LEEM sont dans l’expectative.
Le Législateur a intégré dans la loi de nouvelles exigences à leur égard en vue de renforcer la pharmacovigilance. Plus marquant encore, le texte prévoit pour les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé l’obligation de publier toutes les conventions passées avec les professionnels et les établissements de santé (I) ainsi qu’une extension du principe d’interdiction des avantages, prévu à l'origine pour les professionnels de santé, aux associations les regroupant, dont les sociétés savantes, ainsi qu'aux étudiants (II).
I/ Publication des conventions
L’article 1453-1 du Code de Santé publique au sein duquel cette mesure est explicitée sème le doute dans le milieu pharmaceutique quand à ces modalités d’application.
Cette obligation rappelle celle inscrite dans le Physician Payment Sunshine Act des États-Unis de 2010. Cependant le champ d’application de l’article est considérablement élargi. Les entreprises mentionnées à l’article L.5311-1 du Code de santé comprennent tout aussi bien les entreprises commercialisant des produits de santé sanitaire à usage humain que celles commercialisant des produits à finalité cosmétique.
Tout d’abord, le premier paragraphe de l’article impose la publication des conventions conclues avec neuf types de personnes physiques ou morales :
- les professionnels de santé relevant de la quatrième partie du Code de la santé publique ;
- les associations de professionnels de santé ;
- les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du Code de la santé publique ainsi que les associations et groupements les représentants ;
- les associations d’usagers du système de santé ;
- les établissements de santé relevant de la sixième partie du Code de la santé publique;
- les fondations, les sociétés savantes, et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits ou prestations mentionnés au premier alinéa;
- les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne ;
- les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance ;
- les personnes morales assurant la formation initiale des professionnels de santé mentionnés au 1° ou participant à cette formation.
Ensuite, en ce qui concerne les avantages en nature ou en espèces dispensés par les entreprises aux personnes précitées, la même obligation de publication s’applique dès lors que ceux-ci dépassent un seuil significatif.
Enfin, le non-respect de cet obligation de publication est puni de 45 000 € d'amende dès lors que les entreprises omettent sciemment de rendre publics l'existence des conventions mentionnées à l'article L. 1453-1.
II/Extension du principe d'interdiction des avantages
Ce principe est contenu à l’article L. 4113-6 du Code de la Santé Publique. Il s'apparente à un dispositif anti-cadeaux et vise à prévenir les conflits d'intérêts pouvant résulter de l'octroi de certains avantages offerts par les laboratoires pharmaceutiques aux professionnels de santé.
Selon le premier alinéa de l'article, le principe
d'interdiction s'applique aux membres des professions médicales tels que professionnels de santé, étudiants se destinant aux professions de santé ainsi qu’aux associations représentant les professionnels de santé ou les étudiants.
Il leur est interdit de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte.
La principale interrogation qui se pose relativement à cet aliéna concerne le types d'associations (« associations de professionnels de santé » , « associations d’usagers du système de santé ») concernés par le dispositif, ce qui devrait être clarifié dans les décrets à venir.
Par dérogation à ce principe, l'alinéa 2 de l'article autorise les avantages prévus par conventions lorsque celles-ci ont pour objet explicite et but réel des activités de recherche ou d'évaluation scientifique. Elles doivent alors être soumises pour avis au conseil départemental de l'ordre compétent.
De même, conformément à l'alinéa 3, ce principe ne s'applique pas non plus à l'hospitalité offerte lors de manifestations de promotion ou à caractère exclusivement professionnel et scientifique dès lors qu'elle est prévue par une convention passée entre l'entreprise et le professionnel de santé. Cette convention doit néanmoins avoir été soumise pour avis au conseil départemental de l'ordre compétent avant sa mise en application.
Ensuite l'alinéa 4 impose que toutes les conventions conclues entre les professionnels de santé ou les étudiants et les laboratoires concernés sont soumises à avis préalable du Conseil de l’Ordre compétent.
La loi prévoit donc des dérogations au principe d'interdiction pour certaines conventions conclues avec des professionnels de santé ou des étudiants mais aucune disposition relative aux associations.
Une première réponse à ce problème a été apporté par la Direction Générale de la Santé, dans une lettre du 25 janvier 2012 adressée au LEEM, dans laquelle l'autorité nationale précisait que « l’intention du législateur est que les étudiants (…), les membres des professions médicales et les associations les représentant bénéficient tous du même traitement que ce soit pour le principe de l’interdiction, des dérogations et de la transparence. »
On peut en déduire que les dispositions des alinéas 2, 3 et 4 s'applique aux associations.
L'objectif de ce nouveau dispositif est donc de permettre une plus grande transparence des liens d'intérêts et d'accorder au Conseil de l’Ordre compétent une meilleure traçabilité des opérations réalisées.