Issu d’une affaire somme toute banale affaire d’importation, l’arrêt Cassis de Dijon a engendré le principe de reconnaissance mutuelle (1), lançant ainsi l’Europe vers le marché unique (2).

1) La création par la Cour de Justice de l’Union Européenne du principe de reconnaissance mutuelle.

La reconnaissance mutuelle, premier pas vers la libre circulation et le marché unique, trouve son origine jurisprudentielle dans l’arrêt 120/78 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, anciennement Cour de Justice de la Communauté Européenne, le 20 février 1979. Etonnamment cet arrêt n’a fait que très peu de bruit à l’époque en comparaison avec son importance.
En l’espèce, au début des années 1970, la société française L’Héritier Guyot, fabricant de la crème de cassis de Dijon, a voulu exporter son produit vers le marché allemand. Les autorités allemandes s’y sont opposées, prétextant que la proportion d’alcool dans le « Cassis de Dijon » était nettement plus élevée que le niveau autorisé par la législation allemande pour ce type de boisson. La société a alors porté l’affaire devant la CEDH qui a répondu comme suit le 20 février 1979 :
« En l'absence d'une réglementation commune de la production et de la commercialisation de l'alcool, il appartient aux États membres de régler, chacun sur son territoire, tout ce qui concerne la production et la commercialisation de l'alcool et des boissons spiritueuses […] Il n'y a aucun motif valable d'empêcher que des boissons alcoolisées, à condition qu'elles soient légalement produites et commercialisées dans l'un des États membres, soient introduites dans tout autre Etat membre ».
La Cour a donc pris le parti de la libre circulation, soutenant que dans la mesure où cette liqueur était licitement produite et vendue en France, la législation allemande apportait une restriction à la libre circulation des marchandises, restriction qui n'était en l'occurrence pas justifiée par un intérêt général.
Bien que peu médiatisé à l’époque, cet arrêt a été sans conteste un tournant dans l’histoire de la Communauté européenne.

2) Le principe de reconnaissance mutuelle, étape charnière de la mise en place de la Nouvelle Approche

Cette jurisprudence fournit les éléments clés de la reconnaissance mutuelle et donc de ce fait les fondements de la Nouvelle Approche. Concrètement trois points sont à soulever.
Tout d’abord, cet arrêt donne le point de départ de la libre circulation des produits dans l’Union européenne. En effet il est possible de conclure de cette décision que les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un pays doivent, en principe, pouvoir circuler librement dans l’ensemble de la Communauté si ces produits respectent des niveaux de protection équivalents à ceux imposés par l’Etat membre exportateur. Sur ce point là, la décision « cassis de Dijon » est extrêmement novatrice.
Deuxièmement il est possible de ressortir de l’arrêt qu’en l’absence de mesures communautaires, les Etats membres sont libres de légiférer sur leur territoire.
Enfin, cet arrêt pose des limites aux entraves résultant des différences entre les législations des Etats membres, qui peuvent être faites aux échanges. Elles ne peuvent être acceptées que sous certaines conditions. Notamment, il faut qu’elles soient indispensables pour satisfaire à des exigences absolues comme la santé, la protection des consommateurs ou la sécurité. Dans cette hypothèse, l’entrave doit être non seulement justifiée, mais également proportionnelle.
Mais, les restrictions à la libre circulation des marchandises admises par les articles 28 et 30 du traité instituant la Communauté européenne peuvent être évitées voir supprimées par le biais de l’harmonisation technique prévue par la Nouvelle Approche.
Cependant même une fois l’acte unique adoptée, la mise en place de l’harmonisation a été un long chemin.