
Encore une confirmation de la responsabilité du propriétaire du terrain pour les déchets entreposés
Par Bo HAN
Posté le: 06/08/2012 18:34
Le Conseil d’Etat par l’arrêt du 26 juillet 2011 annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux « considérant que le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l'absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain ».
En d’autres termes, le propriétaire d’un terrain peut, sous deux conditions, être regardé comme le détenteur des déchets sur sa place et doit être responsable de leur élimination : les déchets ne doivent avoir aucun autre détenteur connu et le propriétaire du terrain doit avoir fait preuve de négligence à l’égard de ces déchets.
Si ces deux conditions sont réunies, le maire peut imposer au propriétaire d’un terrain d’éliminer des déchets qui y seraient entreposés et ce même si ceux-ci sont issus de l’exploitation d’une installation classée dont le propriétaire n’est pas l’exploitant.
La Cour de Cassation a récemment encore confirmé ce principe par son arrêt de la chambre civile 3 du mercredi 11 juillet 2012, N° 11-10478, cette décision qui rejoint la récente jurisprudence du Conseil d’Etat du 23 novembre 2011 stipule : le maire, au titre de la police des déchets, peut imposer l’évacuation des déchets au propriétaire d’un terrain pollué, en l’absence de détenteur connu, en particulier s’il avait fait preuve de négligence.
A la suite du Conseil d'Etat, la Cour de cassation vient de préciser sa position quant à la responsabilité du propriétaire d'un terrain sur lequel ont été abandonnés des déchets issus de l'exploitation d'une installation classée (ICPE). Aux termes de l'arrêt rendu ce 11 juillet : le propriétaire du terrain est responsable des travaux de remise en état "à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance.
Dans la présente affaire, l'exploitante d'une ICPE avait loué un terrain à Mmes Z et X. Le bail a été résilié et l'exploitante mise en liquidation judiciaire. A la suite de la disparition de cet exploitant, des produits chimiques ont été identifiés sur le site. Le Préfet a alors demandé à l'ADEME d'évacuer ces déchets.
L'ADEME a assigné les propriétaires du terrain pour obtenir le remboursement des travaux de dépollution réalisés par ses soins. La Cour d'appel de Toulouse a rejeté sa demande. L'ADEME a alors formé un pourvoi en cassation dont procède l'arrêt ici commenté.
La Cour de cassation va, à son tour, rejeté le pourvoi formé par l'ADEME :
"Mais attendu qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541 1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n̊ 75 442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance ; qu’ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que si Mmes Z... et X... étaient propriétaires du terrain sur lequel des déchets avaient été abandonnés par l’exploitant, elles ne pouvaient pas se voir reprocher un comportement fautif, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elles n’étaient pas débitrices de l’obligation d’élimination de ces déchets et tenues de régler à l’ADEME le coût des travaux"
En premier lieu, il convient de souligner qu'au cas présent, étaient en cause des déchets issus de l'exploitation d'une ICPE ce qui représente bien entendu une question de droit très spécifique à la frontière des polices de l'ICPE et des déchets. Toutefois, la solution retenue par la Cour de cassation semble être rédigée en termes suffisamment généraux pour concerner le régime de responsabilité du propriétaire du terrain, que les déchets proviennent ou non d'une ICPE.
En second lieu, la Cour de cassation fixe la règle : le responsable d'un terrain où des déchets ont été entreposés peut être qualifié de "détenteur" desdits déchets et, à ce titre, responsable de leur élimination. Par voie de conséquence, tous les propriétaires doivent être d'une particulière vigilance quant aux produits et substances situés sur leurs biens : ils peuvent être à l'origine de leur recherche en responsabilité.
En troisième lieu, la Cour de cassation fixe les conditions d'application de cette règle : la responsabilité du propriétaire du terrain ne peut être recherchée à raison de la présence de déchets sur son bien qu'à deux conditions :
•Le propriétaire du terrain démontre être étranger au fait de l'abandon des déchets
•Le propriétaire du terrain démontre n'avoir pas permis cet abandon ou facilité par négligence ou complaisance
Ces deux conditions sont cumulatives : le propriétaire dont la responsabilité est recherchée ne peut se contenter de rapporter la preuve de l'absence d'abandon. Il doit en outre démontrer n'avoir pas eu un "comportement fautif" à savoir : permettre ou faciliter l'abandon des déchets par négligence ou complaisance.
Dans la présente espèce, un comportement fautif ne pouvait être reproché au propriétaire du terrain. Le pourvoi de l'ADEME est donc rejeté.
En quatrième lieu, il est intéressant de rapprocher cet arrêt de celui rendu par le Conseil d'Etat, le 26 juillet 2011 (Wattelez II) et de celui rendu à sa suite, par la Cour administrative d'appel de Bordeaux, le 1er mars 2012.
Rappelons que l'arrêt du Conseil d'Etat précisait :
« Considérant que le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L.541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur le terrain »