A. Les sanctions par renvoi : un mécanisme inefficace et dilatoire

Le droit OHADA repose sur une approche civiliste où les sanctions pénales ne sont pas directement intégrées dans les Actes uniformes mais sont renvoyées aux législations nationales des États membres. Cette technique juridique crée une inégalité de traitement entre les pays et conduit à une insécurité juridique pour les justiciables. En effet, un même acte frauduleux peut être sévèrement puni dans un État et bénéficier d’une indulgence dans un autre. Ce morcellement empêche toute véritable harmonisation et laisse une large marge d’interprétation aux juridictions nationales, nuisant ainsi à l’efficacité des poursuites.

Par ailleurs, ce système de renvoi dilue, affaiblit, rend inefficace les sanctions.

B. Une répression pénale en décalage avec les standards internationaux et un encouragement indirect aux paradis fiscaux et à la criminalité financière

-Comparé aux systèmes occidentaux ou à des juridictions spécialisées comme la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis, le droit pénal des affaires OHADA apparaît largement insuffisant. Les peines prévues dans certains États membres sont souvent légères et rarement appliquées avec rigueur. La fraude fiscale, le blanchiment d’argent, les détournements de fonds ou les délits d’initié ne sont pas réprimés avec l’ampleur requise pour dissuader les criminels en col blanc.

Les dirigeants d’entreprises impliqués dans des malversations bénéficient fréquemment de la clémence des tribunaux nationaux, contribuant ainsi à une impunité systémique. En l’absence d’un véritable parquet économique supranational et de mécanismes d’entraide judiciaire performants, les poursuites transfrontalières restent difficiles, facilitant ainsi la fuite des capitaux et la fraude à grande échelle.

-Un encouragement indirect aux paradis fiscaux et à la criminalité financière
L’absence de répression efficace encourage les pratiques de contournement fiscal et l’évasion des capitaux vers des juridictions plus favorables. Les entreprises et les acteurs économiques profitent des failles du système pour transférer illicitement des fonds vers des paradis fiscaux. En l’absence d’un cadre strict, les multinationales opérant dans l’espace OHADA exploitent ces faiblesses pour optimiser leur fiscalité au détriment des économies locales.


Bibliographie

Ouvrages généraux sur le droit OHADA et le droit pénal des affaires:
1. Issa-Saïdou, D., Droit pénal des affaires dans l’espace OHADA, Éditions L'Harmattan, 2014.
2. Jean-Baptiste Racine, Droit pénal des affaires, Dalloz, 2022.
3. Bougouma, Abdoulaye, La répression des infractions au droit des affaires OHADA : entre droit pénal et sanctions civiles, Revue burkinabè de droit, 2016.
4. Kouassi, Paulin, L’espace OHADA et la lutte contre la criminalité économique : entre idéal juridique et réalité institutionnelle, L'Harmattan, 2017.

Articles et contributions scientifiques:
5. Adama Moussa, Le droit pénal des affaires dans l’espace OHADA : bilan et perspectives, Revue Africaine de Droit des Affaires (RADA), n° 86, 2021.
6. Florent Loyseau de Grandmaison, L’inachèvement du droit pénal OHADA, Journal africain de droit des affaires, 2019.

Sources juridiques et institutionnelles:
7. Actes Uniformes OHADA (notamment : Droit commercial général, Droit des sociétés commerciales, etc.)
8. Rapports de la Commission de l’Union africaine sur la lutte contre la corruption et la criminalité économique, 2020-2023.
9. Rapports de la Banque africaine de développement sur la gouvernance économique et la lutte contre la corruption dans l’espace OHADA.