
Incendies et accidents dans les centres de traitement des déchets : un nouveau cadre réglementaire pour renforcer la prévention
Par Juliette Collard
Posté le: 08/07/2025 9:45
Depuis plusieurs années, les installations de tri et de traitement des déchets sont confrontées à une augmentation préoccupante des incidents techniques, notamment des incendies. Ce phénomène, observé de manière continue depuis 2010, suscite l’inquiétude des pouvoirs publics. En novembre 2024, le ministère de la Transition écologique alertait à ce sujet, en soulignant que « le nombre d'accidents, en particulier d'incendies, survenant dans les installations de tri et de traitement de déchets est en augmentation depuis 2010. Ces incidents peuvent avoir des impacts environnementaux ou sanitaires et causent des pertes économiques de plus en plus importantes ».
Ces sinistres peuvent en effet entraîner la libération de polluants dans l’environnement (fumées toxiques, écoulements de liquides polluants, émissions de particules fines, etc.) et poser des risques significatifs pour la santé des riverains et des travailleurs. En parallèle, les conséquences économiques sont également lourdes pour les exploitants : dégradation d'équipements, interruptions d'activité, coûts de dépollution, hausse des primes d'assurance, voire fermeture administrative temporaire. Le bilan 2024 établi par l’inspection des installations classées confirme cette tendance : le secteur de la gestion des déchets figure au deuxième rang des secteurs les plus accidentogènes en France.
Des mesures réglementaires renforcées
Face à cette situation, les autorités ont jugé nécessaire d’adapter le cadre réglementaire afin de renforcer la prévention des risques dans ces installations. À l’issue d’une consultation publique lancée à l’automne 2024, deux nouveaux arrêtés ministériels ont été publiés respectivement les 31 mai et 20 juin 2025 au Journal officiel. Ces textes, datés des 5 et 6 mai 2025, visent à modifier et compléter les dispositifs existants en matière de sécurité dans le domaine des déchets, notamment en ce qui concerne le risque incendie et l’accidentologie.
Ces deux arrêtés interviennent à la suite de l’examen des projets de texte par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) lors de sa séance du 10 décembre 2024. Le CSPRT, composé de représentants de l’État, d’experts techniques, d’élus et d’associations, a notamment proposé plusieurs ajustements pris en compte dans la version définitive des arrêtés.
Un champ d’application étendu à plusieurs types d’installations
Le premier arrêté du 5 mai 2025 modifie l’arrêté du 22 décembre 2023 relatif à la prévention du risque d’incendie dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), soumises à autorisation. Il concerne notamment les installations répertoriées sous les rubriques suivantes :
2710 : collecte de déchets apportés par le producteur initial,
2712 : regroupement de véhicules hors d’usage,
2718 : tri de déchets dangereux,
2790 : traitement de déchets dangereux,
2791 : traitement de déchets non dangereux.
Le second arrêté du 6 mai 2025 vise plus largement les installations soumises à différents régimes (autorisation, enregistrement, déclaration) relevant de nombreuses rubriques, parmi lesquelles :
2711 : transit de déchets d’équipements électriques et électroniques,
2713 : tri de métaux ou de déchets métalliques,
2714 : tri de déchets de papier, plastique, bois, etc.,
2716 : tri de déchets non dangereux non inertes,
2781 : méthanisation de déchets non dangereux,
2783 : déconditionnement de biodéchets,
2792 : traitement des déchets contenant des PCB/PCT,
2794 : broyage de déchets végétaux non dangereux.
Des modifications réglementaires de grande ampleur
Ces deux arrêtés modifient pas moins de 18 arrêtés ministériels de prescriptions générales. Les changements apportés sont à la fois techniques, terminologiques et organisationnels. Ils comprennent notamment :
La révision de plusieurs définitions clés (comme celles d’« entreposage extérieur » ou de « petits îlots »),
Des clarifications rédactionnelles pour une meilleure compréhension des obligations,
L’ajout de dispositions sur des sujets sensibles tels que l’état des stocks, les plans de défense contre l’incendie, les règles de tri et de stockage des batteries, ou encore les délais de stockage de ces dernières.
Consultation publique : plusieurs ajustements intégrés
À la suite de la consultation publique, plusieurs suggestions formulées par les parties prenantes (professionnels du secteur, collectivités, associations, citoyens, etc.) ont été intégrées. Parmi les modifications notables :
°L’exclusion des alvéoles situées sous les cabines de tri des mesures relatives au risque incendie, sous réserve de garanties compensatoires,
°L’adoption d’une définition des batteries conforme à la réglementation européenne,
°La redéfinition de la notion de « zone de réception de déchets »,
°Des assouplissements pour les locaux techniques ne contenant pas de déchets (dans les rubriques 2711, 2713, 2714, 2718),
°L’application aux installations existantes des prescriptions relatives au déconditionnement des biodéchets (rubrique 2783).
Par ailleurs, à la demande du CSPRT, certaines précisions ont été apportées, notamment sur la définition de l’« entreposage extérieur » et sur les conditions d’étanchéité des zones de stockage des batteries, un point critique pour éviter les départs de feu.
Une entrée en vigueur progressive mais imminente
Les mesures contenues dans l’arrêté du 5 mai 2025 sont applicables depuis le 1er juin 2025, à l’exception des dispositions relatives aux zones d’entreposage tampon du processus de tri, qui entreront en vigueur au 1er janvier 2026. Quant à l’arrêté du 6 mai 2025, ses dispositions s’appliquent depuis le 21 juin 2025, avec là aussi une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2026 pour les prescriptions concernant les zones d’entreposage tampon.
Conclusion
Ces nouvelles mesures s’inscrivent dans une volonté de renforcer la sécurité industrielle face à une accidentologie croissante dans le secteur des déchets. Elles témoignent de l’attention croissante portée à ces installations classées, à la croisée des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques. Le renforcement du cadre réglementaire est une étape essentielle pour prévenir les accidents, améliorer la résilience des installations, et garantir une gestion plus sûre et durable des déchets en France.