L’intelligence artificielle connaît un essor remarquable dans le domaine médical. En santé, elle s’appuie sur des algorithmes d’apprentissage automatique pour analyser d’importantes quantités de données médicales, permettant ainsi de recommander les traitements les plus adaptés à chaque patient. Grâce à ces technologies avancées, les médecins et les professionnels de santé bénéficient d’un soutien précieux dans leur prise de décision et leur pratique quotidienne. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle s’est progressivement intégrée à l’ensemble des systèmes, et tout particulièrement à ceux du secteur médical. L’adoption de cet outil numérique joue un rôle majeur qu’il serait difficile d’ignorer, tant il transforme les méthodes de travail et améliore la qualité des soins. Cependant, malgré ses nombreux avantages, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) soulève parfois des questions et des défis, notamment en ce qui concerne l’éthique, la confidentialité des données ou encore la fiabilité des algorithmes. Face à cette situation, une problématique essentielle se pose : quelles sont les apports de l’intelligence artificielle et les limites qu’elle soulève dans la relation de soin ?
Pour répondre de façon concrète à cette préoccupation nous analyserons successivement les apports de l’intelligence artificielle dans la relation de soin (I) avant de voir les risques et limites auxquels elle est confrontée (II).

I- LES APPORTS DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LA RELATION DE SOIN

L’IA constitue une aide précieuse pour les professionnels médicaux car elle participe à la diagnostication des patients et intervient également dans la personnalisation des soins (A). De même elle permet aux praticiens de gagner du temps (B).

A- L’intelligence artificielle, outil au service de la diagnostication et de la personnalisation de soins

L’IA transforme en profondeur la santé, elle permet aux médecins de poser des diagnostics plus précis et rapides, d’interpréter des images médicales ou de proposer des choix thérapeutiques personnalisées en analysant d’énormes volumes de données. Elle influence considérablement la relation entre patient et praticien. Elle joue un rôle d’assistance dans les diagnostics et participe à la prise de décision du praticien. En effet, les diagnostics sont traditionnellement effectués par le médecin en fonction de ses connaissances médicales et de son expérience mais avec l’essor du numérique ces dernières décennies, la santé a dû inclure le numérique dans tous ces domaines. Aujourd’hui, l’IA vient enrichir cette démarche. Selon le Dr Guillaume Herpe, directeur de recherche de Léo Mabit « L’IA agit davantage comme un filet de sécurité que comme une aide au diagnostic. Cette fonctionnalité est particulièrement précieuse lors des gardes, où les radiologues sont soumis à une forte charge mentale élevée et à la fatigue ». L’intervention de ce professionnel de la santé montre effectivement l’influence importante de l’IA dans le domaine de la radiologie.

Également, la transformation numérique des systèmes de santé est bénéfique en comparaison de ce qui se passait dans nos hôpitaux. Tel est le cas du CHU de Poitiers qui utilise un outil d’IA pour détecter les complications graves des traumatismes crâniens, à savoir des saignements intracrâniens. Selon Léo Mabit l’IA détecte globalement bien les hémorragies. On remarque couramment que le médecin reste au cœur de la décision, mais il est désormais assisté par des outils numériques qui renforcent la qualité de sa prise en charge. Cela peut rassurer le patient, qui bénéficie d’un suivi plus rigoureux et personnalisé. Selon une étude publiée dans ScienceDirect, l’IA propose un diagnostic médical proche de celui d’un médecin humain dans 84,2% des cas. Les résultats proposés par l’IA permettent à un professionnel de santé de confirmer ou modifier son diagnostic. Comme autre illustration, l’Institut Curie s’allie à google pour passer les cancers féminins au crible de l’IA.

B- L’intelligence artificielle, levier d’optimisation du temps médical

L’arrivée de l’IA dans le monde médical change la donne, notamment en allégeant la charge administrative qui pèse sur les soignants. Grâce à des outils capables de gérer automatiquement la saisie des données, le classement des documents, la prise de rendez-vous ou encore la facturation, les professionnels de santé peuvent se concentrer sur leur cœur de métier. Par exemple on voit des chatbots qui répondent aux questions des patients et les oriente dans leurs demandes. Ce gain de temps se traduit directement dans la relation avec les patients. En étant moins accaparés par les tâches administratives, les soignants peuvent passer plus de temps à écouter, examiner et accompagner les personnes qu’ils prennent en charge. Dans certaines structures, l’utilisation d’outils d’IA pendant les consultations a permis de réduire le temps passé sur les dossiers médicaux, renforçant ainsi la qualité des échanges avec les patients.

L’IA permet aussi d’augmenter la capacité de prise en charge des établissements de santé. En optimisant les processus, elle facilite l’accès aux soins, notamment pour les dépistages et les diagnostics. Des systèmes de tri automatisés sont déjà utilisés dans les services d’urgence pour orienter les patients plus efficacement, ce qui améliore la fluidité et l’équité des soins. Enfin, en réduisant la charge mentale liée à l’administratif, l’IA contribue à améliorer le bien-être des soignants. Moins de stress, moins de fatigue, et une meilleure organisation du travail : autant de bénéfices qui participent à prévenir l’épuisement professionnel. Dans certains hôpitaux, la gestion automatisée des plannings a permis de mieux répartir les tâches et d’alléger la pression sur les équipes.

II- LES LIMITES DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LA RELATION DE SOIN

Même si les avantages de l’IA sont multiples il arrive qu’elle soit source de détérioration de la qualité de la relation soignant-patient (A) qui pourrait conduire aussi à un affaiblissement des compétences professionnels et à une reconfiguration des régimes de responsabilité (B).

A- Une possible détérioration de la qualité de la relation soignant-patient

Si l’intelligence artificielle offre de nombreux avantages dans le domaine de la santé, elle soulève aussi des inquiétudes légitimes, notamment en ce qui concerne la qualité de la relation entre le soignant et le patient. En effet, elle ne peut pas remplacer l’empathie, l’écoute et la confiance, éléments essentiels de la relation de soin. Le dialogue singulier entre patient et soignant reste irremplaçable. L’un des principaux reproches faits à l’IA est qu’elle ne peut pas reproduire ce qui fait la richesse d’un échange humain : l’écoute attentive, l’empathie, la capacité à rassurer ou à comprendre au-delà des mots. Ces éléments sont pourtant essentiels dans la relation de soin. Un patient ne vient pas seulement chercher un diagnostic ou un traitement, il a aussi besoin d’être entendu, compris, et soutenu.

Or, aucune machine, aussi performante soit-elle, ne peut remplacer cette dimension profondément humaine. Les systèmes d’IA peuvent s’avérer plus efficaces que les soins prodigués par des êtres humains, mais aussi fournir des soins de moindre qualité avec moins d’interaction humaine. L’IA se base essentiellement sur des données chiffrées, des antécédents médicaux, des résultats d’examens, des algorithmes. Mais la santé d’un individu ne se résume pas à des chiffres. L’état émotionnel, le contexte social, les croyances, les peurs ou encore les conditions de vie du patient jouent un rôle fondamental dans sa prise en charge. En se focalisant uniquement sur ce qui est mesurable, l’IA risque de passer à côté de ces éléments pourtant cruciaux. Par exemple, un algorithme peut recommander un traitement optimal sur le plan médical, sans tenir compte du fait que le patient n’a pas les moyens financiers ou le soutien familial pour le suivre correctement.

B- L’affaiblissement des compétences et responsabilité des professionnels médicaux

Une dépendance excessive à l’IA pourrait freiner le développement des compétences cliniques et éthiques des professionnels, voire déplacer la responsabilité du soin vers les systèmes technologiques. À force de s’appuyer sur des systèmes automatisés pour poser des diagnostics, proposer des traitements ou même prendre des décisions éthiques, il existe un risque réel que les professionnels de santé perdent peu à peu certaines compétences clés. L’intuition clinique, le raisonnement critique, la capacité à évaluer une situation complexe ou à faire preuve de discernement sont des savoir-faire qui se développent avec l’expérience. Si l’IA devient le principal outil de décision, ces compétences risquent de s’atrophier.

Par ailleurs, cette dépendance technologique pourrait aussi brouiller les lignes de responsabilité. Les systèmes auxquels nous confions le soin de prendre des décisions et formuler des recommandations susceptibles de changer le cours de nos vies, reposent sur les avancées technologiques dans le temps, mais ils sont numériques, distribués et souvent imperceptibles. Selon la résolution adoptée par le Parlement européen le 16 février 2017 « la création, à terme, d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués, puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenus de réparer tout dommage causé à un tiers ». Selon un auteur la personnalité attribuée à certains objets intelligents ne règlerait rien des questions qui se posent en termes de sécurité et de responsabilité.

BIBLIOGRAPHIE

LEQUILLERIER Clémentine, L’impact de l’intelligence artificielle sur la relation de soin », Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie / Numéro 17 - 2017.

LOISEAU Grégoire, Responsabilité », Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie / Numéro 17 - 2017.

https://www.chu-poitiers.fr/radiologie-lia-un-filet-de-securite/

https://www.univadis.fr/viewarticle/quels-sont-apports-lintelligence-artificielle-sant%