
Compensation - Mise en place des mesures compensatoires
Par Juliette Collard
Posté le: 12/06/2025 14:41
La notion de compensation nait en droit français avec la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 qui introduit l’étude d’impact. Cette évaluation doit alors notamment comprendre des mesures pour supprimer, réduire et compenser les impacts environnementaux. La compensation vise alors les impacts résiduels résultant d’un dommage à l'environnement.
Puis, la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité est venue encadrer la compensation écologique. Le tryptique « éviter, réduire, compenser » (ci-après « ERC ») devient un élément central de l’évaluation environnementale. En effet, celui-ci est intégré à l’article L. 110-1 du code de l'environnement qui définit dorénavant le principe de prévention comme impliquant « d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites ».
Aussi, cette loi consacre la définition de la compensation à l’article L. 163-1 du code de l'environnement (CE).
« Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification.
Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé. »
Cette définition clarifie le cadre juridique de la compensation qui était auparavant fragmenté sur divers régimes juridiques tels que les zones Natura 2000, les trames vertes et bleues ou encore la compensation forestière qui prévoyaient des modes de compensation différents.
Mise en place
Le tryptique ERC se retrouve dans l’étude d’impact. Les mesures de compensation doivent alors être inscrites dans l’étude d’impact et réfléchies dans le cadre de l’évaluation environnementale.
Selon l’ article L. 122-1 du CE , l’évaluation environnementale est “un processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé ci-après "étude d’impact", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l’examen par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuée et du maître d’ouvrage”.
L’évaluation environnementale désigne donc l’entièreté des processus permettant d’améliorer la qualité du projet et son insertion dans l'environnement.
Finalement les composantes de l’évaluation environnementale sont l’étude d’impact et l’enquête publique.
L’étude d’impact est le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement. Elle n’est donc plus qu’une partie du processus de l’évaluation environnementale, et non plus l’outil d’évaluation global des incidences des projets sur l'environnement.
Le contenu de l’étude d’impact est détaillé aux articles L. 122-3 et R. 122-4 du CE. Elle doit alors comprendre « Une description des caractéristiques du projet et des mesures envisagées pour éviter, les incidences négatives notables probables sur l'environnement, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites ; »
Ces articles instaurent la séquence ERC. Les mesures d’évitement, de réduction et de compensation sont toutes définies distinctement et doivent être mises en place de manière clairement distincte, une mesure de réduction ne pouvant pas contrebalancer une insuffisance des mesures de compensation par exemple. La définition de la compensation est inscrite à l’article L. 163-1 du CE comme vu ci-dessus. Les mesures compensatoires ont pour objet d’apporter une contrepartie aux effets négatifs, directs ou indirects, du projet qui n’ont pas pu être évités ou suffisamment réduits.
Les mesures compensatoires s’intègrent donc à l’étude d’impact, ainsi, elles sont fondées sur l’analyse de l’état initial de l'environnement. Cela implique un risque puisque si l’état initial ne prend pas en compte toute la biodiversité présente dans le périmètre du projet, les mesures de compensation n’auront pas besoin de compenser véritablement tous les impacts du projet. Une mauvaise analyse de l’état initial ne permettra pas l’élaboration de mesures de compensation adéquates .
Pour garantir leur effectivité, les mesures de compensation doivent répondre à quatre (4) principes :
i. Absence de perte nette de biodiversité, voire gain de biodiversité
Il s’agit de l’objectif principal de la compensation, intégré dans le CE par la loi Biodiversité de 2016. Ce principe est le but des mesures, celles-ci doivent permettre un équilibre entre l’impact du projet et l’état compensé. L’objectif serait de compenser au point où il n’aurait aucun impact ou aucune perte de biodiversité. La perte et la destruction de la biodiversité observées dans un espace donné seront compensées par une certaine protection ou restauration de la biodiversité ailleurs, le résultat sera donc nul.
Sur le plan pratique, une des difficultés d'application de ce principe réside dans le fait que la biodiversité ordinaire est souvent exclue du mécanisme de la compensation au profit de la biodiversité dite « extraordinaire ». En outre, l'absence de perte nette de biodiversité dépend du travail réalisé par le bureau d'études dans le cadre de l'état initial de la zone impactée par le projet. En effet, les insuffisances de cette recherche peuvent aboutir à une minimisation des impacts et une surestimation des bénéfices apportés par les mesures de compensation, aboutissant, à une perte nette de biodiversité.
Les principes suivants découlent de l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité et permettent sa mise en œuvre effective.
ii. Equivalence écologique
Le principe de l'équivalence écologique vise à assurer que les gains issus liés aux actions de compensation contrebalancent effectivement les pertes liées à la mise en œuvre du projet, plan ou programme à l'origine des dommages en cause.
iii. Additionnalité
Ce principe implique que la gain écologique inhérent aux mesures compensatoires n’aurait pas pu être atteint sans la mise en œuvre de ces mesures. La compensation ne doit pas être utilisée pour répondre à d’autres obligations environnementales qui auraient le même objectif de plus-value écologique. L’obligation de mise en œuvre de mesures compensatoires doit donc être additionnée à d’autres obligations environnementales également prévues.
iv. Caractère satisfaisant de la compensation
Ce critère se retrouve à l’article L. 163-1 du CE qui dispose que « si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état ». Aussi, l’administration doit vérifier ce caractère satisfaisant qui conditionne l’autorisation du projet.
Enfin, « les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci » . Cette exigence de proximité permet de limiter au mieux les dommages causés sur le site et le juge peut opérer un contrôle strict sur la localisation des mesures .