
Droit minier : Distinction entre le stockage géologique de dioxyde de carbone à destination industrielle et à destination environnementale
Par Juliette Collard
Posté le: 12/06/2025 14:30
A priori, la réglementation encadrant les stockages géologiques de CO₂ se trouve dans le Code de l’environnement (ci-après le « CE ») et dans le Code minier (ci-après le « CM »). La distinction entre les deux destinations de stockage se dessine en articulant les dispositions des deux codes (A). Cette distinction et articulation incomplète est à l’origine certaines incertitudes (B).
A) Distinction et articulation entre le Code de l’environnement et le Code Minier
Dans le Code minier, l’article L. 211-1 opère un renvoi au Code de l’environnement pour l’ensemble des opérations relatives au stockage géologique de dioxyde de carbone :
« Ne sont pas soumis au régime légal prévu par les dispositions du présent livre : (…)
2° La création, les essais, l'aménagement et l'exploitation des formations souterraines présentant les qualités requises pour le stockage géologique sûr et permanent de dioxyde de carbone issu notamment de procédés de captage régies par les dispositions de la section 6 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement ».
La phase d’exploitation est donc régie par le Code de l’environnement, à la section 6 du Chapitre IX, du titre II du livre II. Le premier élément de distinction entre deux destinations de stockage apparaît à ce stade, à l’article L. 229-32 du CE :
« L'exploitation de sites de stockage géologique de dioxyde de carbone afin de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et l'accès des tiers à ces sites et au réseau de transport qui les desservent sont régis par les dispositions de la présente section. Celle-ci ne s'applique pas au stockage souterrain de dioxyde de carbone à destination industrielle régi par l'article L. 211-2 du code minier ».
Dans le Code minier, l’article L. 211-2 dispose que :
« Sont seuls soumis au régime légal prévu par les dispositions du présent livre la recherche, la création, les essais, l'aménagement et l'exploitation de cavités souterraines naturelles ou artificielles ou de formations souterraines naturelles présentant les qualités requises pour constituer des réservoirs étanches ou susceptibles d'être rendus tels, en vue du stockage de gaz naturel, d'hydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux, d'hydrogène ou de produits chimiques à destination industrielle ou énergétique. »
Ici, on constate que le dioxyde de carbone est absent de la définition donnée par l’article L. 211-1 du CM. Ainsi, une distinction est opérée entre les destinations de stockage géologique de dioxyde de carbone ; le code de l’environnement encadre l’exploitation des stockages à destination environnementale et renvoi au code minier pour les stockages industriels ; pourtant aucune mention n’est faite du dioxyde de carbone dans l’article précité.
Deux interprétations sont possibles :
(1) Si on interprète la liste donnée par l’article L. 211-1 du CM de manière restrictive, alors il existe un vide juridique pour les stockages géologiques de CO₂ à destination industrielle.
(2) Si on interprète la liste donnée par l’article L. 211-1 du CM de manière large, alors le renvoi au code minier pour les stockages géologiques de CO₂ à destination industrielle est valable et ce dernier est régi par le livre 2 du CM.
B) Conséquences de la distinction opérée
Il n’existe à ce jour aucune définition codifiée ni de la destination environnementale, ni de la destination industrielle. D’après notre analyse, il existe néanmoins des indices pour les différencier :
(1) Les stockages géologiques de CO₂ à destination environnementale.
La Directive 2009/31/CE précise que « l’étape de sélection du site de stockage est essentielle pour garantir que le CO₂ stocké sera confiné parfaitement et en permanence ». Ainsi, il semblerait que la destination environnementale résulte d’une séquestration sûre et permanente du CO₂ (donc absence de cyclage).
(2) Les stockages géologiques de CO₂ à destination industrielle.
Dans le document précité relatif au développement de la stratégie CCUS par la France, il existe une partie dédiée à la valorisation du CO₂, pour des usages liés à la décarbonation des secteurs comme la chimie, ou le transport maritimes ou aériens (E-fuels). On peut imaginer que le stockage géologique à destination industrielle recouvrerait des opérations de cyclage (injection et soutirage), permettant notamment le transport du CO₂ des zones de productions aux zones de valorisation.
Pourquoi opérer une telle distinction ? Il n’existe pas de dossier législatif accessible au public concernant la transposition par ordonnance de la directive 2009/31/CE dans le Code de l’Environnement. Aucune explication n’est donnée concernant cette formulation de l’article L. 229-32 du CE. Toutefois, les éléments analysés ci-dessus laissent penser que cette distinction entre deux destinations s’opère sur plusieurs critères :
- La finalité des activités de stockage,
- La temporalité du stockage.
A la lecture des articles de doctrine, de la législation en vigueur, mais aussi au regard de l’ensemble des projets déjà développés dans le cadre de stratégies CCUS, sur le plan national et international, les projets de stockages géologiques de CO₂ sont toujours envisagés comme solutions de séquestration de CO₂ (destination environnementale). Les procédés de cyclage sont mentionnés de manière anecdotique et ne sont pas réglementés.