I. Reconnaissance du principe de la responsabilité civile des grands émetteurs
A. Faits et portée de la décision du tribunal de Hamm
Un tribunal allemand (cour d'appel de Hamm) a jugé que les grands émetteurs privés de gaz à effet de serre comme RWE peuvent être tenus responsables des dommages liés au réchauffement climatique, même lorsque ces dommages se produisent à des milliers de kilomètres de leur siège.
L’affaire concerne un paysan péruvien, Saúl Luciano Lliuya, qui demandait une contribution proportionnelle aux émissions historiques de RWE (0,47 %) pour financer la prévention des inondations menaçant sa ferme.
B. Un précédent jurisprudentiel à portée transnationale
La cour d'appel a confirmé pour la première fois qu’un émetteur privé peut être poursuivi sur une base civile pour son rôle dans le changement climatique.
Elle a ouvert la voie à l’utilisation des études d’attribution comme preuve, ainsi qu’à une responsabilité proportionnelle aux émissions.

II. Limites de l’engagement juridique et conséquences pratiques
A. Rejet de la demande absence de danger concret
Malgré cette avancée, l’affaire a été rejetée pour absence de risque suffisant : la cour a estimé que la probabilité d’inondation environ 1 % dans les 30 ans était trop faible pour justifier des indemnités.
B. Effets juridiques et symboliques de la décision
• Déclaration provisoire : le tribunal affirme que si les risques étaient avérés, l’émetteur pourrait être tenu de prendre des mesures préventives .
• Impact financier : la procédure a déjà affecté la valorisation boursière de RWE, soulignant le risque juridique comme facteur économique.
• Signal politique et sociétal : toutes les parties (CIEL, Germanwatch, experts) considèrent cette décision comme une étape déterminante, à même d’orienter tant les régulations que les stratégies d’entreprise et des investisseurs.

III- Analyse juridique
A. Base légale reconnue
La cour s’appuie sur l’article 1004 du Code civil allemand (BGB), qui permet à un propriétaire de désigner un « perturbateur » (Störer) requérant la suppression du trouble ou son interdiction
Elle admet que les émissions de RWE constituent un trouble si celles-ci augmentent le risque de dommages climatiques à long terme, et entérine l’idée qu'une part du risque peut être attribuée proportionnellement aux émissions de l'émetteur.
B. Causalité et attribution scientifique
Le tribunal accepte que l’analyse scientifique notamment l'étude de contribution de 0,47 % des émissions globales constitue un lien de causalité pertinent, en dépit de la complexité des phénomènes climatiques. Il repousse l’argument selon lequel l’effet d’un seul émetteur serait trop insignifiant ou dilué.
La décision démontre toutefois que la reconnaissance théorique de la responsabilité ne suffit pas à elle seule : il faut un risque concret, tangible et imminent pour justifier une obligation juridique de mener des travaux de prévention. La jurisprudence établira désormais une balance entre preuve scientifique et seuil juridique de réalisation du risque.

Source :
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