Introduction

L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en septembre 2019 a constitué un choc environnemental majeur en France, révélant les risques associés aux installations industrielles classées et posant de nombreuses questions quant à la responsabilité des entreprises impliquées. Au-delà des dégâts matériels et sanitaires, cette catastrophe a mis en lumière la nécessité d’une vigilance accrue et d’une responsabilisation juridique effective des acteurs industriels. Le cadre juridique français, notamment en matière de responsabilité pénale, se trouve ainsi renforcé et précisé, dans un souci de meilleure prévention des risques industriels et de protection des populations. Ce contexte soulève deux enjeux essentiels : la nature et l’étendue de la responsabilité pénale des entreprises industrielles, puis les mesures juridiques et organisationnelles à mettre en œuvre pour prévenir de tels désastres.

I. La responsabilité pénale des entreprises industrielles : cadre et évolutions récentes

Depuis la réforme du droit pénal des personnes morales en 1994 (art. 121-2 du Code pénal), les entreprises peuvent être directement poursuivies pour des infractions commises dans le cadre de leurs activités. Cette responsabilité se double d’une obligation de prévention des risques, notamment environnementaux, renforcée par la réglementation relative aux Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE). La directive européenne Seveso III impose une gestion rigoureuse des risques technologiques, avec des plans de prévention et d’intervention adaptés.

La jurisprudence française, et notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2019 (n° 19-84.645), a confirmé l’application stricte de cette responsabilité pénale. Elle précise que le manquement grave aux obligations de sécurité, même en l’absence d’intention coupable, engage la responsabilité des entreprises et de leurs dirigeants. Cette évolution traduit une volonté de renforcer la sanction des négligences lourdes, tout en incitant à une meilleure anticipation et gestion des risques industriels.

II. Prévention et vigilance : outils juridiques et pratiques pour limiter les risques industriels

Au-delà de la sanction, le droit français et européen encouragent l’adoption de mesures préventives robustes. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) imposent aux exploitants d’identifier, d’évaluer et de réduire les risques. Le Code de l’environnement prévoit également des obligations strictes en matière d’information du public et de transparence.

La gestion des risques industriels ne se limite pas à la conformité réglementaire, elle repose sur une culture de vigilance intégrée au management des entreprises. La participation des salariés, la formation continue, la maintenance rigoureuse des installations et la mise en place de procédures d’alerte sont autant d’éléments essentiels. Le dialogue avec les autorités publiques et les riverains constitue un pilier de cette vigilance partagée.

Conclusion
L’affaire Lubrizol a agi comme un révélateur puissant des failles et des forces du système juridique français en matière de prévention des risques industriels. La responsabilité pénale des entreprises, désormais fermement établie, constitue un levier de dissuasion et d’amélioration continue. Cependant, la vraie clé réside dans une vigilance constante et une gouvernance éthique, plaçant la sécurité des populations et la protection de l’environnement au cœur des préoccupations industrielles.