
ZAN : deux visions opposées au Parlement, le gouvernement à la croisée des chemins
Par Gédéon Gbato
Posté le: 24/05/2025 1:31
Article :
I. L'opposition de deux propositions de loi autour du Zéro Artificialisation Nette (ZAN)
Depuis l’adoption de la loi Climat et résilience (2021), l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050 divise les parlementaires. Tandis que le Sénat, à travers la proposition de loi « TRACE » (mars 2024), cherche à assouplir les obligations en supprimant la borne intermédiaire de 2031, une coalition transpartisane de députés a présenté le 21 mai une contre-proposition renforçant la trajectoire écologique.
Le texte des députés maintient l’objectif de 2031 et introduit une nouvelle étape en 2041, imposant une réduction plus progressive mais structurée de la consommation foncière. Il défend un aménagement plus équitable du territoire par la mutualisation de la « garantie communale » d’un hectare et la création d’un système de dotations incitatives pour les communes vertueuses.
II. Une fiscalité verte au cœur de la transition foncière
La proposition portée notamment par Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy vise à introduire une fiscalité différenciée en faveur de la préservation des sols : fin des exonérations pour les constructions neuves, exonérations pour les terres agricoles écologiquement engagées, surtaxes sur les friches et logements vacants, et hausse ciblée de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
L’objectif est clair : faire de la fiscalité un levier pour soutenir les communes économes en foncier et réorienter les ressources vers des établissements publics fonciers. Toutefois, ces mesures risquent d’entrer en conflit avec les orientations du gouvernement, peu enclin à alourdir la pression fiscale, malgré l’urgence écologique soulignée par le ralentissement insuffisant de l’artificialisation (-4,8 % seulement en 2023).
Analyse juridique de l’actualité
1. Un affrontement parlementaire révélateur d’une tension institutionnelle
Le ZAN, principe désormais inscrit dans la loi, illustre une rare intrusion du droit environnemental dans le droit de l’aménagement du territoire. Les débats entre Assemblée nationale et Sénat témoignent de divergences profondes sur le rythme et les modalités de sa mise en œuvre. Le Sénat, représentant des collectivités, prône la souplesse locale et la concertation ; l’Assemblée, influencée par la dynamique écologique, insiste sur la rigueur du calendrier.
Cette confrontation soulève la question de la hiérarchie des normes et des compétences entre collectivités territoriales et législateur national, dans le respect des engagements climatiques de la France.
2. Une fiscalité environnementale en construction
La fiscalité envisagée par les députés pose les jalons d’un droit fiscal écologique, incitatif et punitif à la fois. Ce tournant s’inscrit dans une logique de fiscalité comportementale, où l’usage du sol devient un indicateur de performance environnementale.
Mais le Conseil constitutionnel pourrait être amené à se prononcer sur la proportionnalité des mesures, notamment les surtaxes envisagées, au regard des principes d’égalité devant l’impôt et de libre administration des collectivités locales.
Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/05/22/zero-artificialisation-nette-le-gouvernement-face-a-deux-propositions-de-loi-opposees_6607692_3244.html