Le jeudi 3 avril 2025, le Parlement européen a voté en faveur du report des dates d'application des nouvelles obligations en matière de devoir de vigilance et de publication d'informations sur la durabilité. Cette décision a été adoptée avec une large majorité de 531 voix pour, 69 contre et 17 abstentions, reflétant la volonté de la Commission européenne de simplifier la réglementation afin de renforcer la compétitivité des entreprises européennes.
Ce report, souvent désigné sous le terme de « Stop the clock » du paquet Omnibus, vise à différer l'application des obligations de reporting instaurées par les directives CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). La Commission européenne avait présenté ce paquet Omnibus le 26 février, s'inscrivant dans la continuité des recommandations du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne remis en septembre 2024 à Ursula von der Leyen. L'objectif principal est de réduire les contraintes administratives pesant sur les entreprises, notamment les PME, et de favoriser la croissance.
Le paquet Omnibus comprend, outre le texte « Stop the clock », une seconde directive dite « content », modifiant le champ d'application et le contenu des obligations en matière de devoir de vigilance concernant les droits sociaux et environnementaux, ainsi que la publication d'informations sur le développement durable. Les discussions sur cette directive doivent débuter au sein de la commission des affaires juridiques du Parlement européen avant un vote en plénière, sans calendrier précis à ce stade.
Avec le vote du 3 avril, la directive CSRD voit son calendrier d'application repoussé de deux ans pour les entreprises concernées par les deuxièmes et troisièmes vagues. Ainsi, les entreprises de plus de 250 salariés ne devront publier leurs données sociales et environnementales qu'à partir de 2028, sur la base de leur exercice financier précédent. Les PME cotées ne seront concernées qu'à partir de 2029. Ce report offre un répit aux entreprises concernées, qui pourrait être définitif selon les modalités adoptées dans le cadre de la directive « content ».
Transposée en droit français dès décembre 2023, la directive CSRD suscite de vives inquiétudes parmi les milieux d'affaires français. Initialement, les grandes entreprises françaises devaient publier dès 2025 leur premier rapport de durabilité, portant sur l'exercice 2024. Celles de la deuxième vague avaient jusqu'en 2026 pour se conformer à cette obligation. Dans l'incertitude, plusieurs entreprises, notamment des assureurs, avaient opté pour la prudence au lendemain de la présentation de l'Omnibus par la Commission, préférant poursuivre leurs travaux de reporting en attendant d'y voir plus clair. Après le vote de cette semaine, les experts les incitent au contraire à « lever le pied ». « Il est maintenant certain que le cadre de reporting en vigueur ne sera pas celui prévu initialement en 2023, souligne un expert. Il serait donc prématuré de finaliser des travaux sur une réglementation qui va évoluer. »
En revanche, les entreprises françaises de la première vague, qui rendent actuellement leurs premiers rapports de durabilité, se retrouvent face à de nouvelles incertitudes. « Une série d'indicateurs est en cours d'intégration progressive dans le cadre de reporting, et la Commission semble avoir omis cet aspect », alerte un spécialiste du secteur de l'assurance. La France aurait tenté d'obtenir un gel de ces indicateurs afin d'assurer une stabilité aux entreprises concernées.
Afin de réduire les erreurs dues à l'incertitude, le gouvernement français a dépénalisé les sanctions relatives à l'audit des informations de durabilité. Ainsi, la nullité des assemblées générales en cas de non-désignation ou de non-convocation d'un auditeur ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2027. Pour les entreprises désignant un auditeur cette année sans certitude sur leur statut futur, « il est recommandé d'anticiper différents scénarios avec leur auditeur », conseille le Trésor.
Les entreprises concernées par la directive CS3D bénéficient également d'un report. Sa transposition, initialement prévue pour 2026, est repoussée au 26 juillet 2027. Ce report concerne les grandes entreprises de la première vague, soit celles de plus de 5 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net supérieur à 1,5 milliard d'euros, ainsi que les entreprises non européennes dégageant un chiffre d'affaires équivalent au sein de l'UE. Elles ne seront tenues de se conformer à la réglementation qu'à partir de 2028, tout comme les entreprises de la deuxième vague (plus de 3 000 salariés et 900 millions d'euros de chiffre d'affaires).
Le Conseil de l'UE a déjà validé le projet de loi Omnibus sans modification. Une fois l'approbation formelle du Parlement acquise, la décision entrera en vigueur.

Source :

https://www.rse-magazine.com/green-deal-en-pause-bruxelles-freine-sur-la-csrd-et-la-vigilance
https://www.dentons.com/en/insights/articles/2025/april/4/eu-omnibus-changes-to-eu-csrd-and-csddd
https://www.sesamm.com/blog/eu-delays-csddd-and-csrd
https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/csrd-cs3d-report-stop-the-clock-valide-eurodeputes
https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/10/le-projet-de-loi-europeen-de-simplification-omnibus-est-une-reorientation-strategique-qui-redonne-aux-entreprises-plus-de-flexibilite-et-de-responsabilite_