
Ecologie : le Sénat modifie la loi sur le « zéro artificialisation nette » après des débats assez animés dans l’hémicycle.
Par Gédéon Gbato
Posté le: 18/03/2025 15:03
1. Introduction
Dans le cadre de la transition écologique, le législateur français a instauré un dispositif structurant : le « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN). Ce mécanisme s’inscrit dans une trajectoire de sobriété foncière, imposant une réduction progressive de l’artificialisation des sols, afin de préserver les espaces agricoles, naturels et forestiers (ENAF). Il repose notamment sur un objectif intermédiaire : réduire de 50 % la consommation d’espaces sur la période 2021-2031, comparée à la décennie précédente (2011-2021).
Cependant, la mise en œuvre opérationnelle de cet objectif s’est révélée source de fortes tensions entre l’État et les collectivités territoriales. Le Sénat, dans sa séance du 13 mars 2025, a modifié une disposition clé du dispositif ZAN, en reportant à 2034 l’échéance initialement prévue pour cet objectif intermédiaire.
2. L’adaptation du calendrier législatif : un compromis entre exigences environnementales et réalités locales
Portée par la proposition de loi « TRACE » (Territoires Ruraux et Aménagement Cohérent de l’Espace), initiée par les sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR) et Guislain Cambier (UC), la réforme initiale visait la suppression pure et simple de l’objectif de réduction de moitié de l’artificialisation d’ici 2031. Un amendement adopté à l’initiative de la rapporteuse Amel Gacquerre a toutefois introduit une solution intermédiaire : le report de l’échéance à 2034, avec une plus grande liberté laissée aux régions pour définir leurs propres trajectoires.
Ainsi, les collectivités pourront fixer des seuils de réduction inférieurs à ceux prévus initialement, sans pour autant remettre en cause l’objectif final de neutralité foncière d’ici 2050.
3. La gouvernance territoriale au cœur des débats parlementaires
Les discussions ont mis en évidence une revendication récurrente des élus locaux : la territorialisation de la sobriété foncière. Le Sénat, par la voix de plusieurs parlementaires, a dénoncé une centralisation excessive de la politique foncière et une méconnaissance des spécificités locales par l’administration centrale.
Le sénateur Jean-Baptiste Blanc a rappelé les réticences de longue date du Sénat face à ce qu’il qualifie de « condescendance administrative » et de « fausse pudeur gouvernementale » en matière d’écologie.
4. Les controverses politiques : entre soupçons de dérive politicienne et enjeux de cohérence nationale
Les débats ont été marqués par des oppositions vives entre la majorité sénatoriale et les élus écologistes. Ces derniers ont exprimé leurs inquiétudes quant au « détricotage » du dispositif ZAN, qu’ils estiment susceptible de rendre inopérant l’objectif global de sobriété foncière. Certains sénateurs ont dénoncé une manœuvre politicienne, notamment en lien avec la position controversée de l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, qui avait publiquement annoncé son refus d’appliquer le ZAN.
Les critiques à l’égard de cette inflexion ont été rejetées par la présidente de la commission des Affaires économiques, la sénatrice Dominique Estrosi Sassone (LR), qui a dénoncé une posture « idéologique » et « obstructionniste » des groupes écologistes.
5. Le maintien du mode de calcul actuel : un enjeu d’opérationnalité
Parallèlement au report de l’objectif intermédiaire, les sénateurs ont également entériné le maintien du mode actuel de calcul de l’artificialisation, fondé sur la consommation des ENAF. Ce choix s’oppose à l’introduction prévue, à partir de 2031, de méthodes plus technologiques (télédétection, intelligence artificielle).
Le maintien de la méthode actuelle permettrait, selon le gouvernement, une meilleure prise en compte des spécificités locales, notamment les constructions dites « en dents creuses » en zone urbaine. Cette souplesse est perçue comme un assouplissement significatif, visant à éviter que certaines opérations de densification urbaine soient injustement comptabilisées comme consommation foncière.
6. Conclusion
Les modifications apportées au dispositif ZAN traduisent un rééquilibrage entre impératifs écologiques et faisabilité territoriale. Le report de l’échéance intermédiaire et l’assouplissement du mode de calcul illustrent la volonté du législateur de répondre aux attentes des territoires, sans remettre en cause l’objectif final de neutralité foncière. Néanmoins, ces évolutions posent la question de la cohérence nationale des politiques d’aménagement du territoire et de la capacité à atteindre les objectifs climatiques dans un cadre juridico-politique de plus en plus fragmenté.
Sources :
https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/ecologie-le-senat-modifie-la-loi-sur-le-zero-artificialisation-nette-apres-des-debats-houleux
https://www.leprogres.fr/environnement/2025/03/13/zero-artificialisation-nette-des-sols-le-senat-supprime-un-objectif-de-sobriete-fonciere
https://www.banquedesterritoires.fr/trajectoire-de-reduction-de-lartificialisation-le-senat-imprime-sa-marque-dans-un-nouveau-texte
https://www.paysantarnais.com/artificialisation-des-sols-le-senat-supprime-un-objectif-de-sobriete-fonciere