Réunis en séance publique, le 27 janvier 2025, les députés ont adopté à l'unanimité des présents (131 votes pour) la proposition de loi (PPL) contre toutes les fraudes aux aides publiques, en particulier sur MaPrimeRénov' et les certificats d'économies d'énergie (CEE), octroyés pour les travaux de rénovation énergétique des logements. Le député Thomas Cazenave (Ensemble pour la République, Gironde), ancien ministre des Comptes publics, est à l'origine de ce texte, déposé en octobre dernier, et en est le rapporteur. Les députés de la commission des affaires économiques avaient approuvé le texte, le 27 novembre 2024, en l'enrichissant de plusieurs amendements. L'Assemblée, en séance publique, y a aussi ajouté de nouvelles dispositions.

Suspendre les aides en cas de suspicion de fraude

Parmi les mesures (1) , le texte permet de suspendre ou de refuser l'octroi d'une aide publique, dès lors que des indices sérieux de fraude sont identifiés. La suspension pourra être prononcée pour une durée maximale de trois mois, « offrant aux administrations le temps nécessaire pour examiner les soupçons », estime le rapporteur. Dans l'hémicycle, Thomas Cazenave et le député Antoine Golliot (Rassemblement national, Pas-de-Calais), ont défendu un amendement qui relève aussi le montant des pénalités lorsqu'une aide publique a été obtenue frauduleusement. Le texte porte désormais le taux de pénalité de 40 % à 50 % du montant des aides versées en cas de manquement délibéré, et de 80 % à 100 % en cas de manœuvre frauduleuse. « Nous souhaitons envoyer un signal très fort aux entreprises fraudeuses », soutient M. Cazenave. La proposition de loi renforce aussi la coordination entre les différentes administrations qui versent les aides, telles que l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et les services d'enquête (Tracfin et la Mission interministérielle de coordination antifraude - Micaf).

À des fins de prévention de la fraude, un autre amendement, présenté par Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, vise à autoriser l'accès de plusieurs organismes verseurs d'aides publiques (tels que l'Anah et l'Ademe) au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). « L'accès au Ficoba est très efficace pour lutter contre les usurpations de RIB qui conduisent à des détournements d'argent vers des comptes qui ne sont pas ceux des bénéficiaires des aides », a-t-elle expliqué.

Interdire le démarchage téléphonique non consenti

Parmi les autres mesures, le texte initial prévoyait l'interdiction du démarchage téléphonique pour les travaux de rénovation énergétique et d'adaptation d'un logement au handicap et à la vieillesse. Les députés ont également confirmé, dans l'hémicycle, l'interdiction du démarchage téléphonique commercial, sans le consentement préalable du consommateur. Contre l'avis du rapporteur, cette mesure avait été ajoutée en commission par la députée Delphine Batho (groupe Écologiste et social, Deux-Sèvres). La PPL « consacre l'interdiction du démarchage téléphonique, sauf consentement exprès ou dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours », se félicite-t-elle. Un autre amendement, défendu par Thomas Cazenave, rétablit dans le texte, l'interdiction du démarchage commercial par SMS ou sur les réseaux sociaux. Il élargit en outre cette interdiction aux prestations de service proposées par MonAccompagnateurRénov'.

La qualification RGE passée au crible

Autre mesure qui a suscité de vifs débats entre parlementaires. Ainsi, est maintenue dans le texte l'interdiction aux entreprises qui n'ont pas la qualification Reconnu garant de l'environnement (RGE) de sous-traiter des chantiers de rénovation thermique. Cette disposition avait été introduite en commission par le député Jean-Pierre Vigier (groupe Droite républicaine, Haute-Loire). « On demande aux entreprises artisanales du bâtiment d'obtenir le label RGE, de se conformer à des normes strictes et de former leurs salariés pour accéder à ces marchés. Il n'est donc pas acceptable que des sociétés non RGE puissent capter les aides, en sous-traitant le travail à des entreprises certifiées », a réitéré ce dernier en séance.

Le rapporteur voulait revenir sur cette disposition, qui risque d'écarter les distributeurs (négoces ou grandes surfaces de bricolage) du dispositif MaPrimeRénov', et rendrait inéligibles à ces aides les Français qui souhaiteraient être accompagnés par un distributeur pour leur projet de rénovation. « Il faudra trouver des dispositifs à l'intention des grandes enseignes, par exemple un système de cotraitance, comme l'a suggéré M. Vigier, ou la création de filiales afin d'obtenir le label. En tout cas, les dispositions prévues par l'article ne leur bloquent pas l'accès à ce marché », a répondu le député David Taupiac (groupe Liot, Gers).

La sous-traitance limitée

Un autre amendement de M. Vigier, adopté, prévoit également de limiter à deux rangs le niveau de sous-traitance sur les chantiers RGE, pour permettre au propriétaire de bénéficier des aides MaPrimeRénov' et de MaPrimeAdapt, versées par l'Anah. Ces mesures sont saluées par les fédérations du bâtiment, FFB et Capeb. « Ces décisions représentent un pas essentiel dans la lutte contre la fraude, qui a considérablement contribué à affecter les budgets dédiés à la rénovation, ainsi que la confiance des ménages et des professionnels envers ces dispositifs d'accompagnement », se réjouit Jean-Christophe Repon, président de la Capeb.

Un autre amendement, présenté par Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce et de l'Artisanat, vise à rendre obligatoire l'information du consommateur sur l'obtention du label RGE. « Cette information devra être complétée par la transmission au consommateur d'une preuve de la bonne détention, à la date de signature du contrat, du signe de qualité nécessaire pour obtenir les aides et ce, pour la ou les catégorie(s) de travaux afférente(s) ».

En revanche, les députés ont supprimé la disposition qui prévoyait de limiter les acomptes versés par les particuliers aux professionnels qui interviennent sur les chantiers de rénovation énergétique. « On se mêle là des relations contractuelles ; or le droit n'autorise pas le législateur à statuer sur le montant minimum ou maximum de l'acompte qu'un particulier doit verser à un professionnel. Nous devons lutter contre la fraude, mais sans empêcher les artisans de travailler », a précisé Mme Louwagie.

Par ailleurs, un amendement, présenté par Delphine Batho, vise également à encadrer les entreprises mandataires, habilitées par l'Anah, qui perçoivent les aides publiques pour le compte des bénéficiaires. Soutenu par la ministre, le texte prévoit « explicitement que tout mandataire ne respectant pas les engagements et garanties fixés par décret, ne pourra se voir désigner en cette qualité auprès de l'Anah, pour le compte d'un usager bénéficiaire de MaPrimeRénov' ».

CEE : renforcer les contrôles et les sanctions

Enfin, l'article 4 cible les fraudes aux certificats d'économies d'énergie (CEE). Il prévoit la suspension préventive de l'instruction d'un dossier de demande de CEE, en cas de suspicion de fraude. « Dès qu'un doute sérieux émerge sur une demande, son traitement pourra être immédiatement interrompu, limitant ainsi le risque de délivrance indue de certificats. L'article prévoit ensuite des sanctions anticipées », explique le rapporteur.

Désormais, des pénalités pourront être appliquées, avant même la délivrance des certificats, si une fraude est détectée. En séance publique, un amendement, défendu par le député Paul Midy (Ensemble pour la République, Essonne) rehausse le plafond des sanctions pécuniaires applicables aux demandeurs de CEE. Son montant pourra ainsi aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes, contre 4 % aujourd'hui, et jusqu'à 12 % en cas de nouveau manquement, contre 6 % aujourd'hui. « Par cohérence, ce rehaussement du plafond s'applique également aux sanctions pécuniaires, affectant les acquéreurs de CEE n'ayant pas fait procéder aux vérifications imposées lors de l'acquisition des certificats, ou l'ayant fait de façon incomplète », ajoute cet amendement.

Le rapporteur précise aussi, dans le texte, que le volume de CEE qui peut être annulé pour sanctionner un manquement « est égal à celui de l'opération concernée par le manquement, et non égal au seul volume concerné par le manquement ». Par ailleurs, un autre amendement adopté vise à obliger les demandeurs de CEE à signaler au Pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE), les entreprises qui ne respectent pas la réglementation.

C'est maintenant au tour du Sénat d'examiner cette proposition de loi pour parvenir à décourager les arnaqueurs.


SOURCES:
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-45505-assemblee-nationale-adoption-proposition-loi-fraudes-aides-publiques.pdf