Inaction climatique : revirement dans l'affaire Shell
Par Diane G.
grignondumoulindiane@hotmail.fr
Posté le: 08/01/2025 13:25
En 2021, le tribunal de première instance de La Haye avait rendu un jugement historique, condamnant Shell à réduire ses émissions de CO2 de 45% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Cette décision, saluée comme une avancée majeure en matière de justice climatique, a été partiellement annulée en appel.
La cour d'appel a estimé que Shell était déjà sur la bonne voie concernant la réduction de ses émissions directes.
En revanche, elle a cassé la décision initiale qui imposait à l'entreprise un objectif chiffré de réduction pour les émissions indirectes (scope 3), considérant que les données étaient "insuffisantes" pour justifier une telle contrainte. Cette décision soulève plusieurs points juridiques importants. Tout d'abord, la cour a reconnu que les entreprises ont une obligation générale de lutter contre le changement climatique et de réduire leurs émissions. Cependant, elle a jugé qu'il n'était pas du ressort d'un tribunal civil de fixer des objectifs de réduction précis pour une entreprise individuelle, en l'absence de normes légales ou scientifiques spécifiques. La cour a également souligné que l'imposition d'un objectif de réduction à une seule entreprise, sans qu'il s'applique à l'ensemble du secteur, pourrait créer une distorsion de concurrence.
Cette considération met en lumière la tension entre la nécessité d'une action climatique urgente et les principes de concurrence équitable. Malgré ce revirement, la décision de la cour d'appel n'est pas dénuée de portée pour la justice climatique. Elle a en effet réaffirmé que les tribunaux sont compétents pour ordonner à des entreprises privées d'accélérer leurs stratégies de décarbonation. De plus, la cour a conclu que l'exploration et les nouveaux investissements dans les énergies fossiles pouvaient être juridiquement considérés comme incompatibles avec l'Accord de Paris.
Cette décision ouvre donc la voie à de futurs contentieux climatiques, tout en posant des limites quant à la capacité des tribunaux à imposer des objectifs chiffrés spécifiques. Elle souligne également l'importance croissante du rôle des investisseurs et des actionnaires dans la contrainte des entreprises à respecter leurs obligations climatiques.