L'Intelligence artificielle en Droit : opportunités et défis éthiques
Par Diane G.
grignondumoulindiane@hotmail.fr
Posté le: 23/12/2024 16:06
Le terme “IA”, inventé dans les années 1950, fait référence à la simulation de l’intelligence humaine par des machines. Il recouvre un ensemble de capacités en constante évolution au fur et à mesure que de nouvelles technologies sont développées.
Face à l’expansion de cette dernière, l’Union européenne a adopté en février 2024 le Règlement IA, première loi mondiale visant à encadrer les systèmes d'intelligence artificielle. Ce texte s’applique à l'ensemble des États membres de l’Union, imposant une série d’obligations en fonction des niveaux de risque associés aux différents systèmes. Le Règlement IA de 2024, qui entrera pleinement en vigueur en 2026, complète le RGPD en imposant des règles strictes quant aux données personnelles et à l’utilisation éthique des IA, contribuant ainsi à la sécurité des informations et à la protection des individus. En complément du RGPD, le Règlement IA prévoit des sanctions financières significatives pour les violations des règles applicables aux systèmes d'IA, renforçant ainsi la nécessité d’une utilisation conforme et éthique dans tous les domaines d'application, y compris le juridique.
Les systèmes dits « à haut risque », notamment ceux utilisés pour le recrutement ou l'évaluation des employés, font l’objet d’un encadrement spécifique. Cela inclut des obligations de transparence, des exigences de qualité pour les données utilisées et des mesures de contrôle renforcées. Ces systèmes sont soumis à des audits et à une supervision régulière pour garantir qu’ils respectent les standards fixés par le Règlement IA.
Outre les systèmes à haut risque, le Règlement IA encadre également les systèmes à usage général, ceux-ci ayant un impact potentiel large et systémique. Des organes de gouvernance sont mis en place pour assurer la bonne application du texte, avec des contrôles réguliers pour s’assurer de la conformité. Ces mesures incluent des audits de performance, des examens de conformité et des amendes en cas de non-respect.
Pour PwC, l’IA devrait d’ailleurs devenir un levier majeur de la gestion des risques d’ici 2027. De ce fait, la question se pose de l’intégration croissante de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine juridique, car bien qu’elle présente des avantages notables en termes de productivité et de stratégie, soulève-t-elle des défis éthiques et techniques que le droit doit anticiper et encadrer afin de prévenir les risques inhérents ?
I. Les Opportunités de l’Intelligence Artificielle dans le Domaine Juridique
A. Gains de productivité et amélioration des pratiques juridiques
L'introduction de l'intelligence artificielle permet une automatisation accrue des tâches routinières et répétitives dans le domaine juridique, telles que la recherche de jurisprudence, la rédaction de documents juridiques standards ou la gestion des dossiers. Cette automatisation favorise un gain de temps considérable, en particulier pour les juristes, qui peuvent désormais consacrer davantage d’attention aux tâches nécessitant une expertise approfondie.
Des outils de recherche basés sur l’IA offrent une précision et une rapidité accrues pour retrouver des précédents juridiques pertinents ou analyser des documents. Cette efficacité améliore l’accès à l’information juridique pour les praticiens. Par exemple, grâce à des outils d’apprentissage automatique, il est possible d’identifier les points clés dans des contrats ou de repérer rapidement les clauses problématiques, permettant aux juristes de négocier de manière plus informée. Un autre apport concerne la veille juridique ainsi que l’analyse des textes, leur synthèse, leur comparaison qui permettra de générer sous diverses formes des alertes, exégèses, newsletters, articles internes, formations, etc. La traduction est elle aussi concernée dans un contexte international.
B. Optimisation de la stratégie juridique par la prédiction et l’analyse
L’IA offre des possibilités sans précédent en matière de prédiction des issues judiciaires. Grâce aux analyses de données de décisions antérieures, les professionnels du droit peuvent estimer les chances de succès d’une action en justice. Cette analyse prédictive est particulièrement utile pour les avocats qui souhaitent affiner leur stratégie ou pour leurs clients, qui peuvent évaluer les risques d’un litige avant de s’engager dans une procédure judiciaire. Les cabinets d'avocats utilisent l'apprentissage automatique pour décrire les données et prédire les résultats, la vision par ordinateur pour classer et extraire les informations des documents, et le langage naturel pour interpréter les demandes d'information.
En parallèle, l’IA permet d’analyser des documents juridiques de manière approfondie. Par exemple, elle peut repérer les risques juridiques dans un contrat en identifiant des clauses problématiques ou en fournissant une vue d’ensemble des termes les plus favorables et défavorables pour une négociation. Ainsi, l’IA constitue un outil d’aide à la décision et à la stratégie juridique. Dans ce cas de figure, l’IA assiste les professionnels du droit dans la formulation de courriers, de notes internes, de contrats, ou de clauses spécifiques. Elle permet également de détecter les clauses qui ne correspondent pas aux normes et politiques contractuelles établies par l’entreprise.
II. Les Enjeux et Limites Éthiques et Juridiques de l’Intelligence Artificielle en Droit
A. Les défis éthiques et le risque de biais algorithmiques
L'utilisation de l’IA dans les processus juridiques soulève d’importantes questions éthiques, notamment en ce qui concerne les biais algorithmiques. Les systèmes d’IA reposent sur des données d’apprentissage qui peuvent contenir des préjugés historiques ou systémiques, et ces biais peuvent se retrouver dans les décisions ou les recommandations faites par ces outils. Par exemple, un modèle d’IA ayant appris sur des cas de décisions judiciaires antérieures peut perpétuer des biais raciaux ou de genre, ce qui pose un problème d’équité.
Il en découle une question fondamentale de responsabilité pour les professionnels du droit qui utilisent ces outils. En effet, bien que l'IA puisse produire des analyses ou des prédictions, l'interprétation et la validation de ces résultats reviennent aux praticiens. Une analyse fondée sur des outils d'IA biaisés pourrait engager leur responsabilité professionnelle, notamment s’ils ne détectent pas les erreurs ou les biais.
B. Enjeux écologiques et risques de cybersécurité
L'usage massif de l'intelligence artificielle dans le domaine juridique a également un coût environnemental. Les technologies de machine learning nécessitent des centres de données puissants qui consomment une grande quantité d'énergie, contribuant ainsi à l'empreinte carbone globale. L’empreinte carbone du secteur numérique pourrait ainsi tripler d’ici 2050 si des mesures correctives ne sont pas adoptées.
Par ailleurs, l’IA dans le domaine juridique pose des risques en matière de cybersécurité. Avec la prolifération des outils d'IA générative, la création de faux documents ou de contenu trompeur devient plus facile, augmentant le risque de désinformation et de manipulation.
L’intelligence artificielle représente ainsi un tournant décisif pour le secteur juridique, augmentant l’efficacité et transformant les pratiques des professionnels du droit. Cependant, les défis éthiques, techniques et environnementaux associés nécessitent une régulation forte pour éviter les dérives. Le Règlement IA de l’Union européenne constitue ainsi une réponse pionnière à ces enjeux, assurant une régulation adaptée et encourageant une utilisation responsable de l’IA. Néanmoins, pour que l’IA puisse pleinement jouer son rôle d’outil d’aide à la décision, les professionnels du droit devront rester vigilants et développer une expertise spécifique pour contrôler et valider les informations produites par ces nouvelles technologies.