Le dialogue social, en tant que processus d’échanges entre les employeurs et les représentants des salariés, connaît une transformation importante à l'ère de la transition écologique. L’intégration des enjeux environnementaux dans les relations de travail est désormais une obligation juridique imposée par des textes législatifs et réglementaires, tant au niveau national qu'européen. La transition écologique, définie par des objectifs de développement durable et de réduction de l'empreinte carbone, affecte non seulement la stratégie des entreprises mais également les rapports sociaux au sein de celles-ci. Les parties prenantes du dialogue social – les employeurs, les représentants des salariés et l'État – sont désormais tenues de contribuer à la mise en œuvre de cette transition en intégrant ces nouvelles exigences dans leurs pratiques de négociation collective. La législation encadrant le dialogue social impose ainsi de nouvelles responsabilités, tant dans la gestion des entreprises que dans la défense des droits des salariés, et renforce le rôle des institutions de régulation publiques.

Le présent développement vise à analyser ces nouvelles dynamiques juridiques en abordant, d’une part, les nouvelles obligations des employeurs et des représentants des salariés dans le cadre du dialogue social et, d’autre part, le rôle de l'État en tant que régulateur de ce dialogue à l’ère de la transition écologique.

I. Les nouvelles obligations des employeurs et des représentants des salariés dans le cadre du dialogue social à l'ère de la transition écologique

La transition écologique impose aux entreprises d’intégrer des enjeux environnementaux dans leur stratégie de gestion et leurs relations sociales. Les nouvelles obligations juridiques imposées par la législation européenne et nationale redéfinissent les responsabilités des employeurs et renforcent le rôle des représentants des salariés dans le dialogue social.

A. L'élargissement des obligations des employeurs : intégration des enjeux écologiques dans la gestion d’entreprise

L'intégration des enjeux de la transition écologique dans la gestion des entreprises est désormais une exigence légale pour les employeurs. En vertu du Code du travail, notamment de l’article L. 2312-8, les employeurs ont l’obligation d’informer régulièrement le Comité Social et Économique (CSE) sur les conséquences environnementales de leurs décisions stratégiques. Cette consultation inclut désormais les décisions portant sur la transition énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la gestion durable des ressources. Cette évolution est renforcée par la législation européenne, notamment le règlement CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), transposé en droit français par l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023. Ce texte impose aux entreprises de publier un rapport de durabilité, qui doit rendre compte des impacts de leurs activités sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ce rapport, qui doit être discuté dans le cadre du dialogue social, constitue un outil essentiel pour assurer la transparence et la conformité des entreprises avec les objectifs de développement durable fixés par les pouvoirs publics.

Les entreprises doivent, en outre, respecter des exigences croissantes en matière de responsabilité environnementale, comme le prévoit le Code de commerce, à travers les articles L. 232-6-3 et L. 233-28-4. Ces articles précisent que les grandes entreprises doivent inclure des informations relatives à leur impact environnemental dans leur rapport de gestion. Le commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant est chargé de vérifier la conformité des informations publiées par les entreprises, ce qui assure une meilleure fiabilité des données transmises au CSE et aux partenaires sociaux.

L'inclusion de ces nouvelles obligations environnementales dans le dialogue social marque un tournant dans la gestion des entreprises, en faisant de la transition écologique un enjeu central de la négociation collective. Les employeurs doivent désormais négocier avec les représentants des salariés sur la manière d’adapter leurs pratiques aux défis climatiques, en intégrant des critères écologiques dans les accords collectifs portant sur la stratégie d'entreprise, la gestion de l'emploi ou les conditions de travail. Ces discussions peuvent aboutir à la conclusion d’accords collectifs spécifiques portant sur la mise en œuvre de politiques de développement durable ou de gestion énergétique.

B. Le renforcement du rôle des représentants des salariés dans la protection de l’environnement

Les représentants des salariés, en particulier les syndicats, voient leurs prérogatives considérablement élargies en matière d'intégration des enjeux écologiques dans le dialogue social. Le Code du travail, à travers l’article L. 2312-17, confère au CSE le droit d'être consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, y compris sur les décisions ayant un impact environnemental. Les représentants du personnel peuvent ainsi exiger des informations sur les mesures mises en place par l’entreprise pour réduire son empreinte carbone ou pour adapter ses activités aux nouvelles normes environnementales. Cette consultation est essentielle pour garantir que les salariés soient pleinement informés des impacts environnementaux des décisions de l’entreprise et puissent participer activement à la transition écologique.

Les syndicats peuvent également mobiliser des experts environnementaux, comme le prévoit l’article L. 2315-92 du Code du travail, pour les accompagner dans l’analyse des rapports de durabilité et dans la formulation de recommandations. Cette expertise permet aux représentants des salariés d’adopter une approche technique des enjeux environnementaux et de mieux comprendre les implications des décisions stratégiques de l’entreprise sur l’environnement. Cela confère aux syndicats un rôle essentiel dans la négociation des conditions de travail en lien avec la transition écologique, notamment en ce qui concerne la santé et la sécurité des travailleurs face aux risques environnementaux.

Le rôle des syndicats s’étend également à la formation et à l’accompagnement des salariés dans le cadre des changements induits par la transition écologique. Les nouveaux métiers liés à l’économie verte, ainsi que les évolutions technologiques imposées par les objectifs de durabilité, nécessitent des compétences nouvelles que les syndicats peuvent négocier dans le cadre des accords de formation professionnelle. En intégrant les questions de formation dans le dialogue social, les syndicats jouent un rôle clé dans l’adaptation des salariés aux nouvelles exigences du marché du travail à l’ère de la transition écologique.


II. Le rôle de l'État en tant que régulateur du dialogue social dans le cadre de la transition écologique

L’État, en tant que garant du respect des obligations environnementales, intervient de manière croissante dans la régulation du dialogue social à l’ère de la transition écologique. À travers la législation et l’action de ses institutions, l’État encadre la mise en œuvre des pratiques de développement durable au sein des entreprises.

A. La législation environnementale : cadre d’intervention de l'État dans le dialogue social

L'État, en tant que régulateur du dialogue social, intervient principalement à travers la mise en place d’un cadre juridique destiné à encourager la transition écologique dans les entreprises. Les pouvoirs publics jouent un rôle de premier plan en adoptant des lois et règlements qui imposent aux entreprises d’intégrer des critères écologiques dans leurs stratégies de gestion. La loi Climat et Résilience (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) est l’une des réformes législatives phares en matière de transition écologique, en modifiant le Code du travail pour introduire des obligations spécifiques de prise en compte des impacts environnementaux dans les négociations collectives.

Cette loi impose aux entreprises de discuter de ces questions lors des consultations récurrentes avec le CSE.

L'État a également introduit des dispositions relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), notamment dans le cadre des marchés publics et des appels d’offres, en exigeant que les entreprises soumissionnaires respectent des critères environnementaux stricts. En outre, la législation européenne, à travers des règlements comme le CSRD, impose aux entreprises européennes de se conformer à des normes de durabilité strictes. Ces textes confèrent à l'État le pouvoir d’intervenir directement dans les processus de dialogue social pour s’assurer que les entreprises respectent leurs obligations environnementales.

B. Les institutions publiques comme garantes du respect des obligations écologiques dans le dialogue social

L'État intervient également à travers ses institutions de régulation pour garantir que les entreprises respectent leurs obligations en matière de transition écologique. L’inspection du travail, en particulier, a un rôle de contrôle dans la vérification de la conformité des entreprises avec les dispositions du Code du travail en matière de durabilité.

Les inspecteurs du travail peuvent ainsi s’assurer que les employeurs respectent leurs obligations d’information et de consultation du CSE sur les questions environnementales, et que les négociations collectives prennent en compte les impacts écologiques des décisions de l’entreprise.

De plus, le rôle des commissaires aux comptes est renforcé dans ce contexte, puisqu’ils sont chargés de vérifier la conformité des rapports de durabilité des entreprises avec les exigences légales. Cette mission est encadrée par le Code de commerce, notamment les articles L. 232-6-3 et L. 233-28-4, qui imposent aux commissaires aux comptes de certifier que les informations publiées par les entreprises en matière de durabilité sont conformes aux standards fixés par la loi.

Ces institutions publiques assurent ainsi une régulation efficace du dialogue social à l'ère de la transition écologique, en garantissant que les entreprises intègrent réellement les enjeux environnementaux dans leurs stratégies de gestion.