Le Règlement pour une Industrie Zéro Net : Nouvelles Obligations de Durabilité et de Résilience pour les Marchés Publics
Par Lie Marie Karelle Sahi
Posté le: 22/09/2024 9:17
Le règlement (UE) 2024/1735, adopté le 13 juin 2024, marque une nouvelle étape dans l’évolution du cadre juridique relatif à l’industrie et aux marchés publics européens en matière de durabilité. S’inscrivant dans l’objectif de transition écologique de l’Union européenne, ce règlement instaure des obligations strictes pour les acheteurs publics et les autorités concédantes, en particulier dans les secteurs des technologies dites "zéro net" telles que les technologies solaires, éoliennes, et de stockage de l’énergie. En renforçant les exigences environnementales et en réglementant les conditions d'approvisionnement, ce texte entend à la fois soutenir les objectifs climatiques de l’Union tout en assurant la résilience et l’autonomie de l’écosystème industriel européen. Il modifie ainsi en profondeur les pratiques des pouvoirs adjudicateurs en imposant des critères de durabilité stricts pour les marchés concernés.
Dès son entrée en vigueur le 29 juin 2024, le règlement prévoit des obligations claires et progressives, tant en matière de passation des marchés publics que de respect des conditions contractuelles, touchant tant à la durabilité environnementale qu’à la provenance des technologies utilisées. Une analyse des principales dispositions de ce texte met en lumière les exigences imposées aux acteurs de la commande publique et les modalités d'application spécifiques, notamment dans le cadre des relations avec des pays tiers.
I. Un cadre juridique renforçant la durabilité des marchés publics dans le secteur des technologies zéro net
Le règlement (UE) 2024/1735, en son article 25, introduit des obligations nouvelles en matière de durabilité pour les acheteurs publics et les autorités concédantes, notamment en ce qui concerne les marchés publics liés aux technologies dites "zéro net". Les articles 25 et suivants du règlement imposent l’application d’exigences minimales obligatoires en matière de durabilité environnementale, qui doivent être respectées par les pouvoirs adjudicateurs dès lors que les marchés publics concernent des technologies telles que le solaire, l’éolien, ou encore le stockage d’énergie. Ces exigences, dont les modalités exactes seront définies par la Commission européenne d’ici au 30 mars 2025, constituent une innovation majeure dans le cadre de la passation des marchés publics. Jusqu’au 30 juin 2026, ces obligations ne s’appliquent qu’aux marchés conclus par les centrales d’achat et à ceux dont la valeur excède 25 millions d’euros, tandis qu’à partir du 1er juillet 2026, elles s’étendront à l’ensemble des marchés publics dépassant les seuils européens.
Ces exigences se traduisent par l’obligation, pour les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, d’intégrer dans les marchés publics des critères environnementaux, sociaux ou liés à la cybersécurité, qui peuvent prendre la forme de conditions d’exécution des contrats. Par exemple, les autorités concédantes pourront imposer aux titulaires des marchés des obligations spécifiques, telles que la conformité aux exigences en matière de cybersécurité, prévues par le règlement sur la cyberrésilience, ou encore des pénalités en cas de retard dans la livraison des composants relatifs aux technologies "zéro net".
Ces conditions contractuelles, applicables depuis le 29 juin 2024, visent à garantir que les contrats de la commande publique respectent non seulement les impératifs de durabilité, mais aussi les objectifs de sécurité et de fiabilité imposés par l'Union européenne. L’incorporation de ces exigences dans les marchés publics confère un caractère contraignant aux objectifs de transition écologique, en assurant que les technologies utilisées dans les marchés publics respectent les critères de durabilité fixés au niveau européen.
II. Des contraintes spécifiques d'approvisionnement imposées par le règlement pour limiter la dépendance aux pays tiers
Outre les exigences environnementales et sociales, le règlement (UE) 2024/1735 introduit des règles strictes concernant l’approvisionnement des technologies "zéro net" en provenance de pays tiers. En effet, l’article 25 du règlement impose aux pouvoirs adjudicateurs de veiller à ce que la part des technologies ou de leurs composants provenant de pays extérieurs à l’Union européenne ne dépasse pas un certain seuil. Si, au moment de la procédure de passation d’un marché, plus de 50 % des composants spécifiques d’une technologie "zéro net" proviennent d’un pays tiers, ou si cette part augmente d’au moins 10 points de pourcentage deux années consécutives pour atteindre 40 %, les pouvoirs adjudicateurs doivent inclure dans leurs contrats une série de mesures restrictives. Parmi ces mesures, figure l’obligation pour le titulaire du marché de ne pas obtenir plus de 50 % de la valeur de la technologie à partir de pays tiers, ainsi que de garantir que les principaux composants ne proviennent pas à plus de 50 % d'un même pays tiers. Ces dispositions s’appliquent également aux sous-traitants, renforçant ainsi les obligations de transparence et de contrôle pour les entités adjudicatrices.
Ces contraintes s’inscrivent dans la stratégie de l’Union européenne visant à réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis de pays tiers pour les technologies stratégiques, en particulier dans le contexte de la transition énergétique. Elles visent également à garantir une certaine résilience de l’écosystème industriel européen, en imposant une diversification des sources d'approvisionnement. Afin d’assurer le respect de ces règles, le règlement prévoit que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des preuves de conformité aux obligations d’approvisionnement tout au long de la durée du marché. En cas de non-respect, des pénalités financières d’au moins 10 % de la valeur du marché peuvent être imposées, ce qui renforce le caractère contraignant de ces dispositions. Toutefois, l’article 25 du règlement introduit certaines dérogations, permettant aux pouvoirs adjudicateurs de s’affranchir de ces contraintes lorsque des différences de coûts estimées supérieures à 20 % sont constatées entre des technologies d’origine européenne et celles provenant de pays tiers. Ces dérogations, encadrées par les articles 25, paragraphes 8 et suivants, visent à préserver la compétitivité des entreprises européennes tout en tenant compte des réalités économiques du marché.
Ainsi, le règlement (UE) 2024/1735 apporte des réponses concrètes aux défis de durabilité et de résilience auxquels sont confrontés les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la commande publique. En imposant des critères stricts en matière de durabilité environnementale et de provenance des technologies, ce texte renforce le cadre juridique européen en faveur d’une transition écologique tout en assurant la compétitivité et l’autonomie de l'industrie européenne. Les acheteurs publics devront ainsi intégrer ces nouvelles exigences dans leurs processus de passation et d'exécution des marchés, sous peine de sanctions financières significatives.
sources:https://www.economie.gouv.fr/daj/publication-reglement-europeen-industrie-zero-net
https://www.actu-environnement.com/ae/news/reglement-zero-net-climat-ue-apports-industrie-44708.php4
https://www-actualitesdudroit-fr.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/browse/environnement-qualite/environnement/45291/reglement-pour-une-industrie-zero-net-de-nouvelles-obligations-pour-les-acheteurs-et-les-autorites-concedantes
Règl. (UE) 2024/1735, 13 juin 2024