Les obligations réelles environnementales, un outil de protection original de la biodiversité
Par TANO JOSEPH KOBENAN
Posté le: 22/09/2024 3:37
La préservation de la biodiversité est l’un des points clé du défi environnemental, derrière la lutte contre le réchauffement climatique, pour lequel le monde se mobilise à l’action.
La biodiversité ou la diversité biologique se définit selon l’article 2 de la convention de 1992 des Nations Unies sur la diversité biologique comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes » .
Malheureusement la biodiversité s'appauvrit à un rythme alarmant, avec environ un million d'espèces menacées d'extinction à travers le monde , une croissance du phénomène d'artificialisation des sols. Entrainant ainsi un risque de sécurité alimentaire, de dérèglement du climat, ainsi que de destruction du système écosystémique.
Face à cette urgence, le monde et particulièrement la France met en œuvre plusieurs outils de protection de la biodiversité au nombre desquels des stratégies, des inventaires, des mesures de protection des espèces protégées, des zones de protection ainsi que des contrats.
Ainsi nous portons un intérêt particulier sur l’utilisation du contrat, instrument de droit privé comme moyen de protection de la biodiversité.
La contractualisation en la matière peut se faire, dans le cadre des contrats Natura 2000 ou par la formalisation des obligations réelles environnementales (ORE).
Les obligations réelles environnementales (ORE) ont été créées par l’article 72 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016. Cet outil foncier novateur permet à des propriétaires immobiliers de conclure un contrat portant sur la mise en d’actions en faveur de la biodiversité.
Selon l’article L 132-3 du code de l’environnement « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques […] ».
Il ressort de cette disposition que les obligations réelles environnementales sont un dispositif foncier de protection de la biodiversité.
En effet, c’est un contrat à part entière qui permet à un propriétaire de bien immobilier, avec possibilité de moyenner une contrepartie, d’attacher des obligations visant à protéger la biodiversité à son fond. C’est une démarche volontaire, qui repose exclusivement sur la volonté des parties.
En clair la nature de l’obligation ainsi que l’étendue dépend de la libre appréciation des parties pourvu qu’elle ait pour but le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. Ces obligations viennent se grever au fond. Elles s’appliquent aux propriétaires actuels et se transmettent aux acquéreurs futurs. Cet instrument est mis en œuvre uniquement que par le propriétaire du bien immobilier, au sens du code civil. Ce qui exclut la possibilité pour l’usufruitier ou le locataire de le faire. De plus, sa mise en œuvre ne doit pas préjudicier au droit des tiers acquis sur le bien immobilier. Dans le cas où le bien immobilier est mis en location, le propriétaire doit requérir l’accord du locataire. L’article L 132-3 du code de l’environnement précise qu’une demande d’autorisation adressée au locataire restée sans réponse après deux mois vaut acceptation.
S’agissant de la durée, elle est déterminée et prévue dans le contrat. Il est en de même pour les cas de résiliation.
Comme tout contrat portant sur un bien immobilier, il doit être fait en la forme authentique et enregistré au service de la publicité foncière. Cette exigence de forme a pour objectif la publicité dès de l’existence de ces obligations auprès des tiers. Son défaut, poserait logiquement un problème d’opposabilité au tiers.
Ensuite, les parties se doivent de respecter leurs différents engagements pris. Le propriétaire doit même en œuvre les moyens pour la réalisation des obligations réelles environnementales définies dans le contrat. Le cocontractant également doit s’acquitter de ce à quoi il s’est engagé envers le propriétaire du bien. Son engagement n’est pas forcément pécuniaire, il peut porter sur une assistance en matière de protection sur la biodiversité ou sur la réalisation de travaux.
Les engagements ne doivent pas être illusoires, irréels. Elles doivent permettre un gain de biodiversité.
Enfin le contrat ORE peut être utilisé à des fins de compensation, article L 132-3 du code de l’environnement. En effet, les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont des mesures d’action préventive et de correction des atteintes à biodiversité. Elles sont rendues obligatoires par certains textes pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux, d’ouvrage, d’activités ou par l’exécution d’un document de planification.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la séquence "éviter - réduire - compenser" (ERC), selon laquelle la compensation intervient pour des atteintes prévisibles à la biodiversité qui ne peuvent ni être évitées, ni être réduites de manière suffisante (à défaut de pouvoir être évitées). Ainsi, un promoteur peut recourir à ce mécanisme pour compenser les impacts résiduels de son projet. Cela pourrait nécessiter selon le cas, l’intervention d’un opérateur de compensation.
Au-delà de la satisfaction personnelle liée à la participation de l’effort de protection de l’environnement et du bénéfice des engagements du cocontractant, le propriétaire bénéficie de l’exonération des taxes de publicités foncières relatives à l’acte. Il peut notamment avoir l’avantage de l’exonération de la taxe foncière des propriétés non bâties, suivant la politique de la commune de la situation du bien.
En somme, on retient que le contrat ORE occupe aujourd’hui une place importante dans le dispositif de protection de la biodiversité. Selon le rapport du gouvernement sur la mise en œuvre du contrat ORE, remis au parlement le 15 avril 2021, c’est un outil en pleine croissance sur le territoire Français.
Encore une fois, l’instauration de ce mécanisme dénote de la volonté de l’Etat Français d’utiliser l’engagement citoyen comme moyen efficace pour relever les défis environnementaux.
C’est un mécanisme intéressant en ce qu’il permet de manière souple, sur une base volonté à la réalisation d’actions en faveur de la biodiversité.
Une vulgarisation optimale et un meilleur suivi des contrats existants permettront sans doute d’atteindre des résultats positifs conséquents sur la protection de biodiversité.
Sources :
- Code de l’environnement
- La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016
- Code civil
- Guide des obligations réelles environnementales
- Rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre du mécanisme d’obligations réelles environnementales et sur les moyens d’en renforcer l’attractivité, 15 avril de 2021.
- https://www.ofb.gouv.fr/
- https://www.vie-publique.fr/rapport/279397-mecanisme-d-obligations-reelles-environnementales
- https://outil2amenagement.cerema.fr/actualites/rapport-sur-la-mise-en-oeuvre-des-obligations-reelles-environnementales-ore#:~:text=Accueil-,Un%20rapport%20sur%20la%20mise,des%20obligations%20r%C3%A9elles%20environnementales%20(ORE)&text=En%202021%2C%20le%20Gouvernement%20a,'en%20renforcer%20l'attractivit%C3%A9.