Objectifs de développement durable : Les Sustainability-linked bonds peinent à exister sur le marché de la dette durable
Par Kouamé Konan Elysée Kouassi
Stagiaire, chargé de supervision conformité à l'international
Crédit Agricole SA
Posté le: 01/09/2024 3:31
Apparus comme une innovation majeure dans le paysage de la finance durable, les Sustainability-Linked Bonds (SLB), ou obligations liées à la durabilité, sont des instruments de dette dont les conditions financières sont liées à l'atteinte d'objectifs de développement durable précis. Cependant, leur développement soulève de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne leur cadre réglementaire, leur crédibilité et leur impact réel sur la transition écologique.
Bien qu’existant, le cadre réglementaire entourant les SLB est en constante évolution, avec des initiatives internationales visant à harmoniser les pratiques et à renforcer la transparence. Les principes des Obligations Vertes, élaborés par l'ICMA, ainsi que des réglementations comme la SFDR en Europe, ont jeté les bases d'un encadrement solide. Néanmoins, des défis persistent, notamment en matière de définition précise des objectifs de durabilité, de vérification indépendante de l'atteinte de ces objectifs et de comparaison entre les différents cadres d'émission. La problématique réside dans la nécessité de concilier l'attrait financier des SLB avec leur impact réel sur la transition écologique. Si ces instruments offrent aux entreprises une opportunité de financer leur croissance tout en améliorant leur profil ESG, il est essentiel de s'assurer que les objectifs fixés sont ambitieux, mesurables et alignés avec les enjeux environnementaux et sociaux actuels.
I/ Présentation des Sustainability-linked bonds
Définition
Un SLB est une obligation classique dont les caractéristiques financières, principalement le taux d'intérêt, sont liées à l'atteinte d'objectifs de performance en matière de développement durable (ESG) définis par l'émetteur. Ces objectifs peuvent concerner différents domaines tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'amélioration de la diversité au sein de l'entreprise ou encore l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie.
Fonctionnement
L'émetteur qui peut être une entreprise, une banque ou encore un État définit un ou plusieurs objectifs de développement durable qu'il souhaite atteindre. Ces objectifs doivent être clairs, mesurables et alignés avec les meilleures pratiques en matière de durabilité.
Les modalités de l'obligation sont structurées de manière à ce que le coût de la dette (le taux d'intérêt) soit lié à l'atteinte de ces objectifs. Par exemple, si l'émetteur atteint ses objectifs, il bénéficiera d'un taux d'intérêt plus faible. À l'inverse, s'il ne les atteint pas, le taux d'intérêt pourra être ajusté à la hausse.
Un tiers indépendant, notamment une agence de notation est généralement chargé de vérifier si l'émetteur atteint bien ses objectifs. Cette vérification permet d'assurer la crédibilité des SLB et de donner confiance aux investisseurs.
Les critères d'éligibilité aux SLB évoluent en permanence pour s'adapter aux enjeux environnementaux et sociaux. Outre les critères communs aux obligations vertes de matérialité, de mesurabilité et d’ambition, les principaux sont des objectifs de développement durable précis et mesurables, des coûts de financement liés à la réalisation de ces objectifs, une vérification indépendante et une transparence totale sur ses performances.
II/ Les défis rencontrés par les Sustainability-linked bonds
Malgré leur potentiel, les SLB sont confrontés à plusieurs défis qui limitent leur développement sur le marché de la dette durable. Ils ont attrait notamment à la définition et la mesure des objectifs de développement, la comparabilité et le cadre réglementaire.
La définition précise et la mesure des ODD peuvent être subjectives et varier d'un émetteur à l'autre, rendant difficile la comparaison entre les différents SLB.
Certains ODD sont complexes à mesurer, notamment ceux liés à des aspects sociaux ou environnementaux intangibles.
La diversité des cadres d'émission et des méthodologies de mesure rend difficile la comparaison entre les différents SLB.
L'absence de standards internationaux harmonisés complique l'évaluation de la qualité des SLB.
Le cadre réglementaire entourant les SLB est en constante évolution, ce qui peut créer de l'incertitude pour les émetteurs et les investisseurs.
L'absence d'une réglementation internationale harmonisée peut entraver le développement du marché des SLB à l'échelle mondiale. De nouvelles directives, comme la CSRD, viennent complexifier le paysage réglementaire et les exigences à respecter pour les émetteurs de SLB.
Pour surmonter ces défis, il est nécessaire de:
Renforcer la transparence en invitant les émetteurs à fournir des informations détaillées et vérifiables sur leurs objectifs et sur les progrès réalisés.
Développer des standards internationaux clairs et harmonisés pour améliorer la comparabilité des SLB.
Mettre en place des mécanismes de vérification indépendants pour garantir la crédibilité des SLB.
Sensibiliser les investisseurs aux enjeux liés aux SLB et disposer des outils nécessaires pour évaluer leur qualité.
Encourager la collaboration entre les émetteurs, les investisseurs, les régulateurs et les agences de notation afin de développer un marché des SLB crédible et durable.
Adopté récemment, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est un pas en avant important pour renforcer l'harmonisation des normes et la transparence des informations ESG. Cependant, des progrès restent encore à faire pour. Cela passe par préciser certains concepts commee la notion de "matérialité" qui est encore complexe et fait l'objet de débats.
Définir des méthodologies communes pour mesurer les impacts des activités des entreprises sur l'environnement et la société et renforcer la vérification indépendante.