La France condamnée à une amende de 1,5 milliard d’euros au titre de la « taxe plastique » de l'Union européenne.
Par Amandine Carassou
Juriste contrat en alternance
CS GROUP
Posté le: 21/08/2024 15:07
La France vient d’être condamnée à régler une amende de 1,5 milliard d’euros à l’Europe pour l’année 2023 du fait de son retard sur le recyclage de ses emballages plastiques.
Les emballages plastiques représentent un enjeu majeur sur plusieurs volets, environnemental, économique, social et politique. Selon l’OCDE, chaque année, l’humanité produit plus de 350 millions de tonnes de déchets plastiques. Ces derniers sont pour 19% incinérés, alors que près de 50% finissent en décharge, 22 % sont abandonnés et seulement 9% sont effectivement recyclés.
Il n’est plus à démontrer les conséquences néfastes sur l’environnement du plastique. En effet, le plastique est responsable d’une dégradation des écosystèmes, de la pollution des océans ou encore d’émissions de gaz à effet de serre.
L’Europe ayant bien saisi les enjeux et la nécessité d’une réponse rapide et forte, il a été décidé d’instaurer une contribution plastique depuis le 1er janvier 2021 cela afin d’une part d’alimenter les caisses de l’Union européenne mais également d’autre part inciter les États membres à recycler davantage. Cette mesure a été mise en place au sein du plan de relance européen qui a été adopté en juillet 2020. Afin de la calculer et de l’appliquer, les États membres sont sommés de transmettre tous les ans à l’Office européen des statistiques (l’Eurostat), leurs données sur la production mais également sur le recyclage des déchets d’emballages plastiques. Puis, la taxe est calculée en fonction du volume des déchets d’emballages en plastique non recyclés produits en douze mois.
Dans quelle mesure la taxe plastique à l’échelon européen s’avère-t-elle pertinente pour la protection de l’environnement ?
Bien que cette taxe soit animée par des intentions très louables (I), il apparaît que cette approche pourrait s'éloigner de l'objectif véritable de protection de l'environnement (II).
I. La taxe plastique européenne, un instrument aux objectifs louables
La taxe plastique introduite joue un rôle crucial en dissuadant l'utilisation du plastique par les divers acteurs (A) tout en apportant une réponse aux multiples défis liés à la réduction de son emploi (B).
A. Un levier de dissuasion bienvenu contre l'utilisation du plastique
Contribuant directement aux ressources propres de l’UE, cette contribution nationale permet, outre un apport financier important pour l’économie de l’Europe, d’inciter les États membres à prendre des mesures vertueuses contre la pollution du plastique. A titre d’illustration, la France dans le cadre du plan « France 2030 », va mobiliser 300 millions d’euros dans l’objectif d’investir davantage dans la chaîne de recyclage et d’incorporation des matières plastiques. Cela a ainsi permis à l’Etat français d’orienter ses investissements afin de contribuer à des comportements plus verts. La France a décidé de se concentrer sur le recyclage chimique. Il s’agit d’utiliser un solvant afin de décomposer les molécules de plastique afin de revenir aux composants pétrochimiques de bases et refaire du plastique. Cette méthode permet de recycler des matériaux qui ne peuvent pas être traités par le recyclage mécanique traditionnel. En plus de l’innovation accrue que cette taxe a pu engendrer, les entreprises ont-elles-mêmes ressenti une certaine pression afin de trouver des alternatives aux plastiques non recyclés.
En outre, des initiatives législatives ont également vu le jour, la loi AGEC (LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire), par exemple a permis de transformer le modèle économique français afin de le rendre circulaire, en réduisant le gaspillage ainsi que les déchets et en allongeant la durée de vie des produits. Par ailleurs, cette même loi prévoit d’ici le 1er janvier 2025 notamment le recyclage de 100% des emballages plastiques à usage unique. A titre d’illustration, l’Espagne a quant à elle introduit une taxe nationale spécifique sur les emballages plastiques non réutilisables. L’Espagne a ainsi été au-delà en introduisant des régulations nationales spécifiques. Par ailleurs, la réduction de l’usage du plastique se comprend aisément au regard des questions qu’il soulève.
B. Des enjeux complexes liés à la réduction du plastique
La réduction de l’utilisation du plastique, à laquelle la taxe plastique contribue, est un enjeu majeur eu égard aux graves conséquences qu’elle engendre. En effet, il a déjà été évoqué que l’utilisation du plastique engendre des conséquences environnementales néfastes. Cela n’est plus à démontrer, le plastique est responsable de la pollution des sols, des cours d’eau, de la destruction des habitats et de l’extinction des espèces. Le plastique se transforme en microplastiques, lesquels s’infiltrent dans les sols et altèrent les écosystèmes de manière durable. Aussi appelés les polluants éternels, les microplastiques sont responsables de la pollution des océans, engendrant une perturbation importante de la chaîne alimentaire marine. De plus, le plastique est également responsable d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Étant un dérivé du pétrole, il possède une empreinte carbone importante.
Par ailleurs, la faune et flore ne sont pas leurs seuls éléments impactés par la pollution du plastique. Il y a également des conséquences sur la santé humaine. Les microplastiques, précédemment cités, contaminent les chaînes alimentaires et les poissons et autres organismes marins, lesquels sont ensuite consommés par les humains. Les effets ne sont pas encore tous connus, mais il est déjà prouvé que cela pourrait engendrer des perturbations endocriniennes et des risques de cancers. En outre, des études se multiplient et altertent que l’eau potable est également contaminée par les microplastiques.
II. Les limites révélées face à l’objectif de préservation de l’environnement
La taxe plastique, bien que constituant un outil vers une réduction de l’usage du plastique, demeure un instrument insuffisant pour atteindre de manière optimale les objectifs environnementaux fixés (A), d’autant plus qu’elle risque de détourner l’attention des efforts de fond qu’il est nécessaire de faire afin de parvenir à une véritable transition écologique (B).
A. Une réponse partielle aux défis environnementaux
Les écologistes émettent des critiques vis-à-vis de l’absence de solution à la source du problème du plastique. A titre d’illustration, Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) confiait dans un entretien au Monde : « nous focaliser sur un objectif 100% recyclé en 2025 détourne notre attention de toutes les autres mesures à prendre, qui sont à la portée de tous, dès maintenant, pour réduire notre consommation de plastique ». Elle poursuit en indiquant qu’une solution intéressante serait le « décyclage » et non le recyclage, « c’est-à-dire que l’on ne ferme pas la boucle, on ne fait pas disparaître le déchet, mais on le stocke sous la forme d’un autre objet : un vêtement, un cintre, un pot de fleurs ou en matériau de construction, qui un jour ou l’autre deviendra un déchet et continuera à se dégrader en micro et nanoparticules ».
La taxe plastique n’a qu’un impact marginal sur la réduction globale de l’utilisation du plastique, sans s’intéresser au problème de fond qui est la production même de plastique. Dans le même sens, elle pourrait même avoir des réactions négatives des entreprises, qui répercuteraient les coûts supplémentaires sur les consommateurs sans pour autant réduire leur dépendance au plastique. La taxe plastique ne s’attaque qu’à une partie du problème en omettant d’autres aspects tout autant fondamentaux.
B. Un objectif environnemental détourné, les limites de l’approche fiscale
Dans le prolongement du développement précédent, la taxe plastique risque de détourner l’attention de mesures plus ambitieuses et nécessaires afin d’atteindre un véritable objectif de protection environnementale. Les entreprises risquent de ne pas revoir leurs modèles de production et de consommation mais plutôt de trouver des solutions superficielles qui ne s’attaquent pas aux causes profondes de la pollution plastique à l’instar de la surproduction et de la culture de l’usage unique.
Cette mesure fiscale peut également être prise en compte pour les États membres dans les budgets publics en omettant la visée environnementale. Il en va de même pour les consommateurs qui ne vont pas se sentir concernés par la réduction de l’utilisation du plastique. Par ailleurs, à l’instar d’autres mesures prises par l’Union européenne, des disparités vont pouvoir apparaitre entre les États membres, certains États l’appliquant de manière plus ou moins strictes. Des disparités peuvent également se révéler entre les secteurs, certains étant plus dépendants que d’autres du plastique pour l’emballage. Pour ces raisons, la taxe plastique, bien que bienvenue à certains égards mériteraient d’être accompagnées de politiques complémentaires qui encouragent l’innovation, et incite au changement de comportement.