Les objectifs communautaires en matière de droit de l’environnement et plus particulièrement de mise en œuvre d’une transition écologique juste et équitable ne sont pas sans conséquence sur le dialogue social en France.

Ces objectifs mettent l’accent sur la nécessité d’avoir des actions concertées et l’implication des différents acteurs sociaux. C’est à juste titre que l’accord national interprofessionnel du 21 avril 2024 affirme : « Les entreprises jouent un rôle important pour faire face à ces enjeux environnementaux, économiques et sociaux, à la fois parce qu'elles ont la capacité de trouver des solutions et parce qu'il en va de leurs perspectives. L'entreprise est un acteur de la transition écologique pouvant contribuer, à son niveau, aux évolutions conformes au bien commun de la société et au développement durable de son territoire. L'implication des salariés et de leurs représentants dans les actions menées en faveur de la transition écologique est déterminante pour atteindre les objectifs fixés par l'entreprise. »

Ainsi les CSE sont passés de la reconnaissance d’un droit d’alerte en matière environnementale prévu par les dispositions du code du travail notamment l’article L2312-60 à une redéfinition de leurs missions qui intègrent l’aspect environnemental. On en veut pour preuve l’article L2312-8 du code du travail : « Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. » Depuis donc les réformes de 2017 dite réformes Macron, les CSE, en tant qu'instances représentatives du personnel, disposent de prérogatives spécifiques pour veiller au respect des normes environnementales dans l'entreprise.

Vu dans ce contexte, L'intérêt de ce sujet réside dans l'examen du dispositif juridique pour la mise en œuvre de la transition écologique au sein des entreprises. En impliquant le Comité Social et Économique (CSE) dans la gestion des enjeux environnementaux, le législateur reconnaît l'importance d'une approche participative et collective dans la lutte contre le changement climatique. Ce sujet permet de comprendre comment les mécanismes légaux et jurisprudentiels visent à renforcer cette participation ainsi que les limites de cette protection

Dès lors, il se pose la question de savoir Comment les dispositifs légaux et jurisprudentiels français garantissent-ils l'exercice des prérogatives environnementales du CSE ?

La réponse à cette question impose d’envisager le régime légale de la protection légale de l’exercice de cette prérogative( I) et la protection judiciaire complémentaire au cadre général fixé par la loi (II).

I. Le régime de protection de l’exercice de la prérogative environnementale du CSE

L’exercice de la prérogative environnementale des CSE est encadré par un cadre législatif protecteur mais général qui est renforcée par l’apport des tribunaux en la matière.
En reconnaissant au comité sociale et économique une prérogative environnementale, le législateur ne sait pas borner à simplement l’énoncer. Il a également mis à sa disposition des moyens concrets pour en assurer l'exercice effectif.

Au titre de ces moyens, nous relevons la garantie du droit à l’information au travers de la base de données économique sociale et environnementale (BDESE) et par l’obligation de tenue des consultations annuelles obligatoire. Le nombre de ses consultations obligatoire est de 3 par année avec la possibilité de modifier par accord entre les partenaires sociaux.
En effet, en garantissant l’accès à la base de données économique, sociale et environnementale, le législateur s’engage à renforcer la transparence et l'accès à l'information pour les représentants des salariés, leur permettant ainsi de jouer un rôle plus actif et éclairé dans la gestion des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l'entreprise.
C’est ce qui ressort de la lecture de l’article L2312-18 du code du travail.

Aussi, il ressort que pour garantir le droit à l’information des CSE il est prévu un recours aux experts. Cela s’explique par le fait les membres du CSE dans la pratique manquent de compétences techniques pour évaluer certains aspects complexes des décisions de l'entreprise, comme les impacts financiers, sociaux, ou environnementaux. L'expertise permet de combler cette lacune en fournissant une analyse détaillée et indépendante.
En outre, il faut relever aussi que les experts, en tant que tiers indépendants, permettent d’apporter une perspective plus objective qui ne peut être influencée en raison du manque de lien de subordination entre l’expert et l’employeur.


II- la protection renforcé par la jurisprudence

Le juge français renforce le cadre général de protection de l’exercice de la prérogative environnemental fourni par le législateur.
L’observation de la jurisprudence en matière de dialogue social laisse entrevoir l’apport du juge dans la définition de termes imprécis. C’est notamment le cas lorsqu’il est questionné sur les litiges portant sur l’accès à la BDES (ancienne nomination de la base de données avant l’intégration de la dimension
environnemental).

Le principe en matière de consultation de la base de données est celui de la permanence des informations sans que le législateur ait apporter une précision sur la notion de l’accessibilité permanente de la BDESE. Ainsi la Cour de cassation au travers d’un arrêt rendu en sa chambre sociale, le 25 septembre 2019 apporte plus de précision à cette notion d’accessibilité permanente. Selon cet arrêt, l’accessibilité permanente à la base de données n’est pas garantie dès lors qu’une catégorie d’employé est exclue de cette accessibilité quand bien même que la base de données serait accessible aux autres employés.

C’est ce qu’il formule en ces termes : « ALORS QUE s'il appartient à l'employeur de fixer les modalités d'accès, c'est à la condition de garantir aux représentants l'accessibilité permanente de la base de données économiques et sociales et, partant, l'exercice utile par ces derniers de leurs compétences ; qu'en considérant que l'accessibilité permanente est satisfaite lorsque la base de données est accessible pendant les heures de travail et mise à disposition à partir des agences ou sur demande, par courrier ou fax, en l'absence de support informatique, quand ces modalités ne garantissent pas un accès permanent à la base de données économiques et sociales en particulier pour les salariés intérimaires titulaires d'un mandat, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-6 et suivants du code du travail. »

Aussi a-t-il pu déterminer que l’accès à la base de données ne peut être limitée en raison d’un motif tiré de la confidentialité quand ce motif n’est pas vérifié et qu’en plus l’accès à la base de données en ligne n’est possible qu’a partir des agences de l’entreprise.
Au-delà de l’apport de la jurisprudence dans la précision du cadre général fixé par la loi, le juge important dans la protection des membres du comité économique et social contre les représailles d’employeur mécontent. Assurant ainsi, la liberté de l’exercice des prérogatives des représentants sociaux.

Toutefois, il convient de préciser que le cadre légal et judiciaire en matière de protection de l’exercice de la prérogative environnemental est le même que celui des autres missions du CSE. Car, il ne s’est pas développé un régime spécifique à cette prérogative.