Analyse des risques électriques dans le milieu professionnel.
Par Franck-Hervé Fofie
Posté le: 15/08/2024 18:11
Le risque électrique est une problématique majeure dans le milieu professionnel représentant une source potentielle de dangers graves tant pour les salariés que pour les infrastructures. L'électricité, bien que nécessaire au fonctionnement de la plupart des activités, comporte des risques qui peuvent entraîner des accidents parfois mortels. Dès 1988 le risque électrique à fait l’objet de dispositions de protections dans le code du travail. En 2011, de nouvelles dispositions du code du travail ont rendu obligatoire la détention d’une habilitation électrique pour intervenir sur les installations électriques. La loi vise à protéger les travailleurs en imposant des obligations aux employeurs ou aux maîtres d'ouvrage de sorte à protéger le salarié des dangers liés au risque électrique. L’ignorance du risque électrique, principalement lors des travaux non électriques, est aujourd’hui source d’accidents. Une analyse complète du risque permettrait de prévoir les éventuelles situations dangereuses et de planifier au mieux la prévention.
Dès lors, on s’interrogera sur la prévention et la gestion efficace du risque électrique.
Dans notre analyse, nous aborderons dans un premier temps la présentation du risque, (I) et dans un second temps, nous nous pencherons sur l’exigence légale de mesures préventives du risque électrique (II).
I- LA PRESENTATION DU RISQUE ÉLECTRIQUE
A- Notion du risque électrique
Un risque électrique est une situation dans laquelle une personne peut être exposée à un danger d'origine électrique. Cela peut se produire lorsqu'une personne entre en contact avec un élément sous tension, comme un câble électrique ou un appareil électrique, ou lorsqu'elle se trouve à proximité d'un arc électrique. Il existe principalement trois types de risques électriques :
Le contact direct : C’est le type de risque le plus courant. Il se produit lorsqu'une personne touche directement une partie sous tension, comme un fil électrique dénudé ou un composant électrique défectueux. Les dangers associés à ce type de contact peuvent varier d'une simple électrisation, qui peut provoquer un choc et des brûlures, à une électrocution, qui peut être mortelle.
Le contact indirect : Ce type de risque se produit lorsque l'électricité passe à travers un objet conducteur, comme un outil métallique ou une structure métallique, avant de toucher une personne. Par exemple, si un outil métallique entre en contact avec un fil sous tension, toute personne touchant cet outil peut recevoir une décharge électrique. Les conséquences peuvent être similaires à celles du contact direct, avec des risques de brûlures, de chocs électriques et d'électrocution.
Les arcs électriques : Ils se produisent lorsque l'électricité "saute" d'un conducteur à un autre ou à la terre. Cela peut se produire lorsqu'il y a une défaillance dans l'isolation ou une distance insuffisante entre les conducteurs. Les arcs électriques peuvent causer des brûlures graves et même des incendies. Ils peuvent également provoquer des explosions ou des projections de particules métalliques chaudes, ce qui peut entraîner des blessures supplémentaires.
L’arc électrique peut être, pour l’homme, à l’origine de brûlures plus ou moins graves et, pour les installations, d’incendies ou d’explosions.
Selon les chiffres de l’INRS, près de 30% des accidents sont dus à une ignorance des risques et 31 % à l’utilisation d’un mode opératoire inapproprié ou dangereux. Ces chiffres illustrent bien l’importance de prendre au sérieux les risques électriques sur le lieu de travail.
De plus, les risques électriques sur le lieu de travail sont variés et dépendent en grande partie du type d'activité et de l'environnement de travail. Voici quelques exemples courants :
Dans les travaux à proximité de lignes électriques aériennes, les travailleurs qui effectuent des travaux à proximité de lignes électriques aériennes, comme les équipes de construction ou les arboristes, courent un risque élevé. Un contact accidentel avec ces lignes, ou même une proximité trop grande, peut entraîner une électrocution ou un arc électrique.
De même dans l’utilisation d'équipements électriques défectueux, les équipements électriques qui ne sont pas correctement entretenus ou qui sont défectueux peuvent présenter un risque sérieux. Cela peut inclure des outils électriques avec des fils dénudés, des prises endommagées ou des appareils qui n'ont pas été correctement mis à la terre.
B- Risque renforcé pour certaines entreprises
La question des risques électriques intéresse tous les secteurs d'activités cependant la thématique devient plus préoccupante quand il s’agit de certains secteurs d'activités. Et cela en raison de la nature de leurs activités et de leur environnement de travail et la fréquence de l’exposition des travailleurs de ces secteurs avec l’électricité.
Il s’agit à titre d’exemples des entreprises de construction et de maintenance, les industries manufacturières, les industries extractives et de façon plus générale de certains ICPE soumises au régime de l’autorisation.
Selon les organismes sociaux tels que la CNAM et l’INRS, la présence accrue des risques électriques dans l’environnement industriel se justifie par la présence de nombreux systèmes automatisés et de machines complexes dont l’utilisation génère un grand flux d'électricité.
Dans l’industrie extractive précisément, il est fait usage de systèmes électriques qui sont parfois hostiles et potentiellement très dangereux. Ces risques étant amplifiés par l'environnement extrêmes et explosifs.
La présence accrue des risques électriques dans les ICPE soumises à autorisation se justifie à l'instar des cas évoqués plus haut par la manipulation des substances dangereuses et les processus industriels très complexes. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’a été pris l’Arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des ICPE.il impose des obligations spécifiques pour la prévention de risques électriques. Les articles L 511-1 à L 517-2 du code de l’environnement abondent dans le même sens.
Ces domaines sus évoqués font l’objet de réglementation stricte en matière d’installation électrique, de la manipulation à la protection des installations électriques.
En effet, en fonction de la nature de ces activités les entreprises seraient tenus de respecter des recommandations légales ou réglementaires en la matière qui sont plus contraignantes que les domaines à faible risque électrique.
On en veut pour preuve, l'exigence des équipements ATEX pour les centrales électriques, les industries pharmaceutiques etc.
Aussi, dans le domaine des industries extractives par exemple en raison du rapport étroit entre les risques électriques et les explosions, il y’a une multiplicité de texte notamment :
Les normes IEC 60079-0 à IEC 60079-32, les directives ATEX, Décret n°2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains.
II- Exigence légale de mesures préventives du risque électrique
A- Mise en œuvre du plan préventif
La prévention du risque électrique repose sur une combinaison de mesures techniques et organisationnelles visant à sécuriser les installations et à protéger les travailleurs. Cette prévention se fait à travers la mise en sécurité des installations et des matériels électriques (1) ainsi que par le respect des normes de sécurité lors des interventions (2).
1- Mise en sécurité des installations et des matériels électriques
Intégrer la prévention et les mesures de sécurité dès la conception des locaux, des organisations et des procédés permet une meilleure gestion des risques. La prévention des risques électriques débute par la sécurisation des installations et des équipements électriques. Il est question du respect des règles de conception et d'installation, des mesures de protection physique et du traitement spécifique des zones à risque d'explosion.
En effet, la conception et l’installation des équipements électriques sont encadrées par les dispositions des articles R. 4215-1 à R. 4215-17 du Code du travail. Ces normes ont pour objectif de protéger la santé et la sécurité des travailleurs contre les risques d'origine électrique, tels que les chocs par contact direct ou indirect, les brûlures, les incendies et les explosions. Ainsi, le maître d’ouvrage a l’obligation de s’assurer de la mise en conformité de l’installation des équipements électriques des bâtiments destinés à recevoir les travailleurs. Une vérification doit être réalisée lors de la mise en service de l'installation pour s'assurer de sa conformité aux exigences réglementaires et normatives. Des contrôles périodiques doivent également être effectués afin de garantir que les installations demeurent conformes et ne présentent aucun risque. Par ailleurs, le respect du principe d’isolation et de solidité est essentiel.
Le principe d’isolation consiste à utiliser des matériaux non conducteurs pour séparer les parties actives sous tension des parties accessibles ou des masses métalliques. Cette mesure vise à empêcher tout contact direct ou indirect avec des éléments sous tension, notamment les risques d'électrisation, d'électrocution, d'incendie et d'explosion. Il est possible de distinguer trois types d’isolement notamment l’isolement principal, renforcé et supplémentaire. La norme NF EN 61140 précise les classes d'isolement (I, II, III) ainsi que les conditions d'utilisation pour chaque type de matériel tandis que la norme NF EN 60529 décrit les niveaux de protection offerts par les enveloppes des équipements électriques, représentés par le code IP (International Protection). Plus le chiffre du code IP est élevé, meilleure est la protection contre l'intrusion de corps étrangers et l'humidité.
Les installations haute tension (>1000V AC ou >1500V DC) doivent être séparées des installations basse tension par cloisonnement, bâtiment distinct, ou tout autre moyen évitant les contacts accidentels et les influences électromagnétiques. Aussi, l'accès aux locaux haute tension doit être réservé aux personnes habilitées et signalées par une signalisation réglementaire.
S’agissant des mesures de prévention des risques d'explosion électriques, il est essentiel de limiter au maximum les installations, d'utiliser du matériel spécialement conçu selon les normes en vigueur, et de mettre en œuvre des modes de protection adaptés pour éviter toute source d'inflammation.
2- Respect des règles de sécurité lors des interventions
Selon l'article R. 4544-4, les travaux doivent être effectués en priorité hors tension afin d’éliminer ou réduire le risque électrique. Cette méthode garantit une sécurité totale contre le risque électrique.
Par ailleurs, il faut procéder à la consignation, définie par la norme NF C 18-510, qui consiste à s'assurer que toute tension est supprimée et reste supprimée. Cela implique de séparer l'installation de toute source d'énergie, de condamner les organes de séparation en position ouverte, d'identifier la partie concernée, et de vérifier l'absence de tension.
Aussi, les interventions doivent être soigneusement planifiées pour minimiser les risques, incluant la vérification des équipements et la mise en place des mesures de sécurité appropriées.
En outre, l'habilitation électrique est obligatoire pour le personnel travaillant sur ou à proximité des installations électriques. Par conséquent, Il est essentiel de signaler et de délimiter de manière claire les zones présentant un risque électrique, en limitant l'accès aux seules personnes habilitées. L'employeur doit fournir des instructions et des formations régulières pour maintenir les compétences. En ce qui concerne les Équipements de Protection Individuelle, ils sont requis si les autres mesures de prévention sont insuffisantes. Ils comprennent notamment les casques, gants, chaussures isolantes, et vêtements contre les arcs électriques. Les travailleurs ne doivent pas porter d'objets conducteurs lors des interventions.
B- Contrôle des autorités compétentes
Les autorités de contrôle et de sanction des risques électriques jouent un rôle crucial dans la prévention des accidents et la protection des personnes et des biens. Ces organismes sont chargés de la mise en œuvre et du respect des normes de sécurité électrique. Il s’agit notamment de l'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS) et la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) qui sont des autorités administratives compétentes en la matière. Ils veillent à ce que les installations électriques soient conformes aux réglementations en vigueur, réalisent des inspections et des audits pour s'assurer du respect des normes, et émettent des recommandations pour améliorer la sécurité.
Toutefois, il convient de préciser que deux types de contrôles peuvent être effectués. Un contrôle général et un contrôle spécifique. En effet, la prévention et le contrôle des risques électriques en milieu professionnel sont principalement régis par le Code du travail. Les autorités générales de contrôle incluent l’Inspection du Travail, qui veille à l’application des normes de sécurité, et la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), qui supervise la conformité des installations électriques dans les entreprises.
En ce qui concerne les contrôles spécifiques, les entreprises doivent faire appel à des bureaux de contrôle électrique accrédités par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC). Ces organismes sont chargés de vérifier les installations électriques des entreprises et des Établissements Recevant du Public (ERP).
Lorsqu'une infraction est constatée, ces autorités ont le pouvoir de sanctionner les contrevenants. Les sanctions en cas de non-respect des normes de sécurité électrique peuvent être sévères. Elles varient selon la gravité de l’infraction et peuvent inclure des amendes, des arrêts temporaires de l’activité, voire des poursuites judiciaires en cas d’accident ou de négligence caractérisée.