La création d’une ICPE est très réglementée. Cette réglementation répond aux éventuelles atteintes que pourrait causer une ICPE à l’environnement. Elle est ainsi soumise à un régime particulier d’obligations. Celui-ci impose à l’exploitant la validation d’un certain nombre de conditions contenues dans un dossier de demande d’autorisation. Ce dossier contient concrètement des informations relatives à l’identité du demandeur, à la localisation de l’installation et à la description des capacités financières et techniques visées par les art L181-27 et D181-15-2 Code de l’environnement).

Cette dernière condition citée prend en compte d’une part la capacité de l’exploitant à assumer sur le plan financier l’exploitation de l’ICPE et sa remise en état et, d’autre part, les moyens matériels et humains dont dispose l’exploitant pour exploiter l’ICPE et assurer sa remise en état.

Ces éléments sont d’une importance particulière en ce sens qu'ils permettent de s’assurer de la viabilité de l’activité d’exploitation et conditionnent la délivrance de l’autorisation.

Dès lors, on s’interroge de savoir en quoi la démonstration des capacités financières et techniques est-elle nécessaire dans la mise en œuvre d’une ICPE?

En raison de ce que cette condition participe à la délivrance de l’autorisation de mise en œuvre d’une ICPE, nous envisagerons d’abord l’exigence légale des capacités techniques et financières et, ensuite, la sanction du défaut de capacités techniques et financières (II).



I- L' exigence légale des capacités techniques et financières

Nous allons nous intéresser ici à ce que renferme la notion de capacités techniques et financières (A) et à comment ces capacités sont examinées ou appréciées dans le processus de demande d’autorisation environnementale.
A- L' étendue de la notion de capacité techniques et financières

L’ exigence de capacités techniques et financières provient de l’article L. 181-27 du Code de l’environnement. Aux termes de cet article, « L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité»
Les capacités techniques font référence aux ressources matérielles et humaines nécessaires à l’exploitation de l’ICPE. Elles regroupent la formation de l’exploitant ou du personnel de l’établissement, les compétences techniques appropriées pour gérer l‘ICPE de manières sûre et conforme aux réglementations en vigueur, l’ensemble des connaissances des technologies utilisées, la capacité à mettre en œuvre des mesures de prévention et de gestion des risques, la compétence nécessaire pour assurer la conformité aux normes environnementales.
Les capacités financières quant à elles font référence aux ressources financières nécessaires pour couvrir les coûts liés à la conception, la construction, l’exploitation, la maintenance, la surveillance et la cessation de l’ICPE. Il s’agit notamment des investissements, des mobilisations de l’entreprise ou du patrimoine du pétitionnaire. Pour les sociétés déjà existantes, il peut s’agir du capital, du chiffre d’affaires, de l’état de la trésorerie, des garanties commerciales et des partenariats avec d’autres entreprises.
Les capacités techniques et financières exigées peuvent provenir non seulement du pétitionnaire mais aussi d’un tiers à condition qu’elles soient certaines.


B- L' appréciation des capacités techniques et financières

Avant la création de l’autorisation environnementale, la procédure spécifique à l’autorisation des installations classées était régie par les articles L.512-1 et R. 512-3 abrogés du Code de l’environnement. Ce dernier article dispose que la demande d'autorisation mentionne les capacités techniques et financières de l'exploitant. Le Conseil d’Etat a jugé dans l'arrêt Société Hambregie du 22 février 2016 qu’il résulte de cette disposition que le pétitionnaire devait fournir des indications précises et étayées sur ses capacités.

Depuis l’ordonnance de janvier 2017, le nouvel article D. 181-15-2 du Code de l’environnement dispose “que la demande d’autorisation doit comporter une description des capacités techniques et financières mentionnées à l’article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d’autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l’installation”. Mais la portée de cette description n’est pas clairement définie et le CE, en interprétant cet article, avait affirmé que la demande d’autorisation ne doit plus comporter des indications précises et détaillées tout en soulignant que ces capacités ou leurs modalités doivent être pertinentes. Cependant, le CE s’est à nouveau référé “aux indications précises et détaillées” dans une récente décision.
Dans un avis contentieux du 26 juillet 2018, le CE a précisé les moyens mis à la disposition du préfet et du juge pour vérifier les capacités techniques et financières. S’agissant du préfet, il peut à tout moment, postérieurement à la délivrance de l’autorisation, prescrire par un arrêté complémentaire, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant. Il peut, en cas d’inobservation des prescriptions, mettre en demeure l’exploitant dans un délai déterminé. SI l’exploitant ne réagit pas dans le délai imparti, le préfet peut prendre à son encontre une ou plusieurs sanctions administratives en vertu de l’article L. 171-8 du Code de l’environnement.
Quant au juge, lorsqu’il se prononce sur la légalité d’une autorisation avant la mise en service de l’installation, il est tenu de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités techniques et financières suffisantes pour assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l’installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques de l’exploitant.
L’appréciation des capacités techniques et financières de l’exploitant se fait en fonction des qualifications requises , de la nature des activités, de leur volume ainsi que de leur impact.


II- La sanction du défaut de capacités techniques et financières.

Dans le cadre de la mise en œuvre de l’autorisation environnementale, il est ouvert aux tiers la faculté d'initier une procédure de contestation pour défaut des capacités financières et techniques des exploitant des ICPE (A). Cela, afin d’obtenir la mise en œuvre de la sanction du défaut de capacités techniques et financières par les autorités compétentes (B).


A- l’ouverture aux tiers de la possibilité de contester l’autorisation environnementale.

En principe dans le cadre de la délivrance de l’autorisation environnementale, les autorités compétentes sont amenées à vérifier les capacités financières et techniques des exploitants.

Il est cependant ouvert postérieurement à la délivrance par le préfet de l'autorisation environnementale, une procédure en contestation. Il s’agit d’une réclamation déposée auprès du préfet à compter de la mise en service du projet autorisé.

En effet, selon l’article R.181-52 du Code de l’environnement du 26 janvier 2017 : « Les tiers intéressés peuvent déposer une réclamation auprès du préfet, à compter de la mise en service du projet autorisé, aux seules fins de contester l'insuffisance ou l'inadaptation des prescriptions définies dans l’autorisation… ». Concrètement, il s'agit de toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt à agir de déposer auprès du préfet un recours en réclamation.

Cette réclamation peut porter sur l’absence constatée des mentions obligatoires imposées par l’article L.181-27 du code de l’environnement en ces termes : « L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L.511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L.512-6-1 lors de la cessation d’activité. » Ainsi, la démonstration des capacités financières et techniques reste une condition importante de délivrance de l’autorisation.

Par ailleurs, le préfet dispose d’un délai de 2 mois à partir de la réception de la réclamation afin de répondre et de motiver sa décision. En cas de silence gardé par la préfecture sur un délai de 2 mois, cela équivaut à une réponse implicite de refus.

Toutefois, lorsque le préfet refuse implicitement ou expressément de prendre des mesures nécessaires, le tiers peut intenter une action en contentieux devant le juge administratif.


B- la mise en œuvre de la sanction du défaut de capacités financières et techniques par les autorités compétentes.

Les autorités compétentes à savoir le préfet et le juge administratif sont chacun en ce qui concerne son office compétent pour mettre en œuvre la sanction du défaut des capacités financières et techniques.

D’abord, le préfet est la première autorité chargée de vérifier la description des capacités financières et techniques dans le cadre de la demande d’autorisation. Lorsqu’il constate l’absence ou une description insuffisante, il exige la présentation ou la mise à jour des informations demandées à l’exploitant. En cas de résistance de l’exploitant, il peut mettre en demeure ce dernier dans un délai de 2 mois. À l'issue de ce délai si les prescriptions du préfet ne sont pas respectées celui-ci peut refuser l’autorisation ou la retirer si elle a été délivrée.

En ce qui concerne le juge administratif, il statue dans le cadre d’une procédure de plein contentieux. Dans ce cadre, il a la faculté de demander des informations complémentaires à l’exploitant dans un délai dont l’échéance est la date du jugement confère la décision CE, 13 juillet 2006, N°285736.

C'est ainsi que le 19 octobre 2018, par jugement il a été décidé que la société Eoliennes Source de Meuse pouvait procéder à une régularisation quant à la mise à disposition du public de ses capacités techniques et financières selon les termes de l’article L181-18 du code de l’environnement.

Dès lors, le juge avait indiqué que les dispositions de l’article L181-18 du code de l’environnement lui permettent, lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire-droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation.

Cependant, lorsque cette régularisation n’est pas effectuée, le Juge administratif peut prononcer l’annulation de l’autorisation. C’est dans ce même sens que par un arrêt du 22 février 2016 , le CE a rejeté le pourvoi d’un exploitant d’une ICPE contre la décision de la CAA de Nancy. En effet, le Conseil d’Etat, a confirmé l’annulation de l’autorisation d’exploiter une ICPE en considérant que la description faite des capacités techniques et financières n’est pas suffisante. Dès lors l’autorisation préalablement obtenue était annulée. Ainsi, la sanction de l’absence des capacités financières et techniques est l’annulation de l’autorisation préfectorale.





















Sources

Code de l’environnement
Lamyline
Labase-lextenso.fr
Legifrance.gouv.fr
www.dalloz.fr
www.conseil-état.fr
https://www-labase-lextenso-fr.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/gazette-du-palais/GPL272j4?em=capacité%20financiere%20et%20technique%20icpe

https://www-lamyline-fr.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/Content/Document.aspx?params=H4sIAAAAAAAEAGWMz27DIAyHn6ZccoFka5IDh1U9Ttuh2QO44C5oFFL-pOPtZ9IdJg3ps2zz83fLGMqE30m-YmwULKBM2mXOcWwuxoFTZpuGgA2mJqGanbllymrCqAVZLM67cpVTyMgSnKMcOQOVMtijV1LU3qw4wbl--KAxHIrkLM7-_gar-YRkvDtAeBiM1vI4cXpCDK0Y2YohUkC2XHS84z2z7ovEJ4Sg5seN9moqC1bptn13trxY6--oKZmv6FL8tccPZ6oR7F9BRIsqoT75HBRGyXe9EkRLPD1T6WpD7Ik672tiIHpiHGthF2MThv-STdD-AE3Z2VtqAQAAWKE


https://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/capacites-techniques-et-financieres-r3203.html