A titre liminaire, rappelons que, le décret n° 2012-602 du 30 avril 2012 relatif à la procédure de sortie du statut de déchet, pris pour l’application de l’article L.541-4-3 du Code de l’environnement, définit la procédure de sortie du statut de déchet et créé la commission consultative sur le statut de déchet. Concernant les critères à remplir pour qu’un déchet cesse d’en être un, l’article 6 de la directive déchets 2008/98/CE prévoit trois hypothèses : on applique prioritairement les critères fixés au niveau européen par voie de règlement (ex. débris métalliques) ; à défaut, lorsque la catégorie de déchets ne fait pas l’objet de critères définis au niveau communautaire, les critères à remplir sont fixés au niveau national conformément au décret ; et éventuellement, ils pourront être fixés au niveau local pour un déchet spécifique valorisé dans une installation de valorisation déterminée.


La directive déchets tout comme l’article L541-4-3 du Code de l’environnement et son décret d’application ne tranchent pas directement la question de savoir si les matériaux transformés en produits sont soumis ou non au règlement REACH. Toutefois, l’article L541-4-3 précise que l’une des quatre conditions à respecter, pour que le déchet cesse d’en être un, est que « la substance ou l’objet [remplisse] les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ». Si la sortie du statut de déchet implique que ces matériaux ne seront plus soumis à la législation sur les déchets, ils devraient, semble-t-il répondre néanmoins aux exigences de la législation produit et notamment aux exigences posées par le règlement REACH telles que l’évaluation des risques résultant de leur utilisation et l’adoption de mesures adéquates pour gérer tout risque identifié ; à moins qu’ils ne soient couverts par une exemption.


1 – CHAMP D’APPLICATION DU REGLEMENT REACH


Le règlement REACH dispose en son article 2, paragraphe 2, que « les déchets tels que définis dans la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil ne sont pas une substance, une préparation ou un article au sens de l'article 3 du présent règlement ». Par conséquent, les exigences de REACH relatives aux substances, mélanges et articles ne s'appliquent pas aux déchets. Par contre, selon le même règlement, dès lors qu'un déchet cesse de revêtir cette qualification, il redevient un produit. Par conséquent, il peut entrer, le cas échéant, dans le champ d'application du règlement. Il semble que les exigences de REACH s'appliquent en principe de la même manière que pour un autre matériau et notamment l'éventuelle nécessité d'enregistrer la substance et le possible bénéfice des enregistrements préalables des substances. Le règlement prévoit également un certain nombre d'exceptions accordées sous certaines conditions.

La Directive cadre sur les déchets distingue la valorisation n’aboutissant pas à un matériau non déchet faisant alors partie du processus de traitement des déchets et partant soumis à la législation sur les déchets ; des substances valorisées qui, après avoir été des déchets, ont cessé de l'être, conformément à la directive cadre sur les déchets et partant, si l’on s’en tient au constat précédemment énoncé, auxquelles REACH trouve à s’appliquer.

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié en mai 2010 un « guide sur les déchets et les substances valorisées » (1)dont la vocation est de clarifier le statut des matériaux qui ont été valorisés, qui ont cessé d'être des déchets et qui sont soumis aux obligations de REACH. Il précise sur la base de quelles informations principales un opérateur de valorisation peut bénéficier d'une exemption d’enregistrement conformément à l'article 2, paragraphe7, point d) du règlement REACH.


2- LES EXEMPTIONS D’ENREGISTREMENT


Selon l'article 2, paragraphe7, point d) du règlement REACH « Sont exemptés des Titres II, V et VI […] :
d) les substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles qui ont été enregistrées conformément aux dispositions du titre II et qui sont valorisées dans la Communauté si :
i) la substance qui résulte du processus de valorisation est la même que la substance qui a été enregistrée conformément au Titre II; et
ii) l'établissement qui entreprend la valorisation tient à disposition les informations requises conformément aux articles 31 et 32 concernant la substance qui a été enregistrée conformément au titre II.»

Selon le guide, les substances valorisées sont en principe sujettes aux exigences d'enregistrement REACH. Devraient bénéficier de l’exemption d’enregistrement les acteurs effectuant la valorisation finale soit parce que la substance valorisée figure dans la liste de l'Annexe IV ou est couverte par l'Annexe V de REACH ; soit parce qu’elles répondent aux conditions de l'article 2, paragraphe 7, point d). Dans ce dernier cas, le règlement REACH et le guide de l'ECHA précisent qu'une même substance doit avoir été enregistrée auparavant et que l'entité ayant opéré la valorisation doit s'assurer que les informations sur la substance enregistrée sont disponibles et qu'elles sont conformes aux règles sur la clause relative aux informations dans la chaîne d'approvisionnement. Ils précisent en outre que les sociétés souhaitant bénéficier de cette exemption doivent transmettre aux autorités (uniquement sur demande) la documentation appropriée prouvant que leurs substances valorisées bénéficient de l'exemption.

Le guide indique cependant que les substances ne sont généralement ni exemptées des obligations de notification pour l'inventaire des classifications et des étiquetages au titre du règlement CLP ni de l'autorisation et des restrictions prévues par REACH.


3- LES OBLIGATIONS DE NOTIFICATION POUR L'INVENTAIRE DES CLASSIFICATIONS ET DES ETIQUETAGES AU TITRE DU REGLEMENT CLP


Selon le guide, conformément à l'article 39, a) et 39, b) du règlement CLP, « les substances valorisées qui répondent aux critères de classification en tant que matière dangereuse et ont été commercialisées en tant que telles ou contenues dans un mélange doivent être notifiées dans l'Inventaire des classifications et des étiquetages conformément aux conditions établies dans l'article 40 du règlement CLP par l'opérateur de valorisation. Cette obligation de notification s'applique aussi aux cas pour lesquels l'opérateur de valorisation bénéficie de l'exemption des clauses d'enregistrement REACH pour les substances valorisées conformément à l'article 2, paragraphe 7, point d) ».


4- APPLICATION DE L’OBLIGATION D’AUTORISATION ET DES RESTRICTIONS PREVUES PAR REACH


Quant aux restrictions prévues par le règlement, le guide prévoit que l'opérateur de valorisation doit s'assurer que les substances valorisées sont conformes aux restrictions définies dans l'Annexe XVII de REACH.

Enfin, selon le guide, « l'opérateur de valorisation doit s'assurer que les substances valorisées sont conformes aux exigences d'autorisation du Titre VII. De plus, les obligations de communication concernant les substances dans les articles conformément à l'article 33 de REACH, et les obligations de notification mentionnées à l'article 7, paragraphe 2 pour les substances figurant dans la liste des « candidats » et présentes dans les articles peuvent s'appliquer ».



En conclusion, ni la directive déchets, ni l’article L541-4-3 du Code de l’environnement, ni même son décret d’application ne tranchent clairement la question de savoir si les matériaux transformés en produits entrent dans le champs d’application des règlements REACH et CLP. Il semble néanmoins ressortir, du fait que la substance doive respecter « la législation et les normes applicables aux produits » et des éléments d’explication fournis par le guide de l’ECHA, que ceux-ci trouvent à s’appliquer en la matière. Autrement dit, il apparaît que le fait de respecter les exigences de ces règlements soit l’une des conditions indispensable pour que la substance valorisée soit considérée comme un produit et non plus comme un déchet au sens de la directive et de l’article L541-4-3 du Code de l’environnement.



(1) http://echa.europa.eu/documents/10162/13632/waste_recovered_fr.pdf