La justice a infligé un coup dur aux entreprises Daikin et Arkema dans l'affaire des polluants éternels, en ordonnant une expertise indépendante pour évaluer leur responsabilité historique dans la pollution aux PFAS au sud de Lyon.

Un juge des référés, saisi par la Métropole de Lyon, a nommé un collège d'experts pour rendre un rapport d'ici le 31 décembre 2025 sur l'utilisation de ces substances par les deux industriels à Pierre-Bénite. Ces experts pourront demander des documents et se rendre sur place pour quantifier les émissions de PFAS et déterminer à partir de quand ces entreprises connaissaient les effets potentiellement néfastes sur l'environnement, selon une copie de l'ordonnance rendue vendredi. "Pour la première fois, des entreprises sont désignées pour évaluer leur responsabilité dans cette pollution", a déclaré Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, qualifiant la décision d'"historique". Il espère que le rapport confirmera leur part de responsabilité dans la pollution de l'eau potable de la région et envisage ensuite de les tenir responsables selon le principe du pollueur-payeur.

La Métropole prévoit de leur demander de compenser le coût supplémentaire du traitement de l'eau potable, estimé entre 5 et 10 millions d'euros, pour que l'eau destinée aux habitants respecte les normes européennes.

UN LITIGE EN GERME

Lors de l'audience en mai, les avocats d'Arkema et Daikin avaient demandé au juge de rejeter la demande d'expertise, mettant notamment en avant l'absence de loi interdisant les PFAS.

En novembre, un juge pénal avait d'ailleurs rejeté sur ce motif un référé pénal environnemental déposé par plusieurs associations et particuliers afin d'obtenir des études sur les PFAS émis par Arkema.

Mais au civil, il n'est pas question d'illégalité. Le juge a simplement estimé qu'un "litige était en germe" entre les parties et qu'une expertise était nécessaire afin d'établir les faits pour le régler.

Dans un message à l'AFP, Arkema a "pris acte" mardi de cette décision, avant de préciser "examiner l'opportunité de faire appel".

Une porte-parole a également rappelé qu'Arkema était "en conformité par rapport à la réglementation en vigueur concernant ses rejets de PFAS" et que "de nombreuses analyses sont déjà effectuées quotidiennement" dans le cadre fixé par les autorités.

LES PERQUISITIONS

Le français Arkema et le japonais Daikin utilisent depuis des années des per- et polyfluoroalkylées, les PFAS, dans leurs usines de Pierre-Bénite, mais la nature et le volume de leurs rejets dans le temps restent mal connus.

Quasi indestructibles, ces substances s'accumulent, d'où leur surnom de "polluants éternels". En cas d'exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, d'après de premières études.
Après la diffusion en 2022 d'enquêtes journalistiques, les autorités régionales ont lancé une campagne de contrôle et imposé à Arkema de ne plus utiliser de PFAS à fin 2024. L'industriel a depuis installé une station de filtration permettant de réduire drastiquement ses rejets.

En parallèle, les actions en justice se multiplient contre les deux groupes.

Des perquisitions ont été menées le 9 avril sur leur site dans le cadre d'une enquête pénale, ouverte après la plainte du maire d'Oullins-Pierre-Bénite pour mise en danger de la vie d'autrui.
Et un juge des référés, saisi par des associations de riverains, a suspendu en juin l'exploitation d'une nouvelle unité de production de Daikin. Des recours ont été déposés contre cette décision.

Par ailleurs, le Sénat et l'Assemblée nationale s'étaient penchés en mai sur un encadrement des PFAS. La proposition de loi écologiste a été mise en pause avec la dissolution.