
Le référé environnemental modifié par le Conseil d’Etat
Par Nicolas DEMEOCQ
Juriste Environnement
Posté le: 07/06/2012 0:49
Le 15 novembre 2011, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, a pris conjointement avec le ministre auprès du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports un arrêté portant modification de la circulation aérienne en région parisienne. Plus concrètement, cet arrêté modifie les trajectoires d’approche de l’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle en configuration de vent d’est ainsi que, par voie de conséquences, les espaces aériens associés.
Comme pour tous les arrêtés de ce type, l’arrêté en cause a suivi la procédure de l’enquête publique afin que l’information du publique soit complète.
Certaines communes voisines de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, dont la commune de Conflans-Sainte-Honorine, ont saisies la juridiction administrative en référé en utilisant la procédure de référé du Code de l’environnement.
Cette procédure est définie à l’article L. 123-12 du Code de l’environnement et est reprise à l’article L. 554-12 du Code de justice administrative. Ces articles énoncent que "le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle ci".
Cette procédure vise à faire respecter le droit à l’information du public, droit issu du droit européen. Le référé environnemental permet donc, quand ses conditions sont remplies, de suspendre de manière automatique la décision prise à la suite de l’enquête publique.
Dans cette décision, rendue le 16 avril 2012, le Conseil d'Etat, comme à son habitude, cite le fondement juridique de sa décision. Toutefois, il estime, dans un paragraphe suivant cet énoncé du droit applicable, "que ces dispositions législatives ne font pas obstacle à ce que le juge des référés, [...] écarte à titre exceptionnel, cette demande, même si l'un des moyens invoqués parait propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, lorsque la suspension de l'exécution de cette décision porterait à l'intérêt général une atteinte d'une particulière gravité".
Ainsi, le juge administratif remet en question l’automaticité de l’accueil par le juge des référés d’une demande fondée sur la procédure du référé environnemental, quand ses conditions sont remplies. Cette brèche ouverte dans cette procédure, foncièrement rassurante par son caractère automatique, semble pour l’instant fort limitée.
De plus, cette décision doit être tempérée et risque de n'être qu'une décision d'espèce, au regard de l’affaire ayant été analysée par le Conseil d'Etat. En effet, la suspension de l'arrêté aurait entrainé le retour aux trajectoires antérieures mais sans études préalables nécessaires afin d'assurer le contrôle aérien, la sécurité des approches et sans modification de la base de données des pilotes. Ces opérations étant particulièrement complexes et longues, le Conseil d'Etat estime que la suspension de l'arrêté compromettrait la continuité et la sécurité du trafic aérien et porterait donc une atteinte d'une particulière gravité à l'intérêt général.
Cette décision remet donc une caractéristique majeure de cette procédure de référé environnemental, qui est vu comme particulièrement sécurisant pour les opposants aux projets et textes qui sont soumis à enquête publique.
Néanmoins, il convient de tempérer cette remise en question, puisque le Conseil d’Etat, dans sa grande sagesse, a pris soin de limiter strictement la remise en cause de l’automaticité de l’accueil du référé à « une atteinte d’une particulière gravité » subie par l’intérêt général en cas de suspension de la décision.
Cette jurisprudence semble être faite pour les décisions de planification, et devrait donc bénéficier à la puissance publique. Toutefois, il n’est pas inimaginable qu’elle puisse être transposée dans le cas d’une autorisation d’exploiter une installation classée si la suspension de cette décision venait, dans cette période de crise, à supprimer de nombreux emplois.