INTRODUCTION

Le Tribunal international du droit de la mer marque un tournant dans l'histoire en émettant le premier jugement d'une juridiction internationale concernant le changement climatique et les océans. C'est ainsi que la Commission des petits États insulaires (Cosis) prend en compte l'opinion rendue ce mardi 21 mai 2024 par le tribunal, basé à Hambourg (Allemagne), qui a pour mission de résoudre les litiges concernant l'application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, également connue sous le nom de Convention de Montego Bay.

En décembre 2022, la Cosis, qui a été fondée en octobre 2021 et qui regroupe neuf petits États insulaires, avait soumis deux questions au Tribunal. Elles concernaient les responsabilités des États parties à la Convention, qui étaient 169, de prévenir et de diminuer la pollution du milieu marin, ainsi que de le protéger, en raison de l'impact des émissions de gaz à effet de serre anthropiques sur le réchauffement et l'acidification des océans, ainsi que sur l'élévation du niveau de la mer.

L'avis consultatif est rendu par le Tribunal qui répond à l'unanimité à la Cosis. Un point de vue crucial dans la création du droit climatique international, d'une part, car il s'agit de l'une des premières déclarations d'une juridiction internationale sur la question, et d'autre part, car il répond aux revendications des petits États insulaires, qui sont victimes de l'augmentation du niveau des océans causée par le réchauffement climatique.

L’ATTEINTE AU MILIEU MARIN

En répondant à la première question, les juges estiment d'abord que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère sont une pollution du milieu marin (au sens de la Convention). Il est impératif que les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et contrôler la pollution marine causée par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et s'efforcent d'harmoniser leurs politiques à ce sujet. Il est essentiel que ces mesures prennent en considération « les meilleures connaissances scientifiques disponibles » et les règles internationales pertinentes telles que l'Accord de Paris, notamment l'objectif de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C.

Selon l'avis, il y a une obligation de "diligence requise". Les juges soulignent que le niveau de diligence est élevé, étant donné les risques aigus de préjudice grave et irréversible au milieu marin que ces émissions représentent. Cependant, cette exigence de diligence s'oppose à une exigence de résultat qui demanderait que le milieu marin ne soit pas pollué. Selon le professeur de droit Arnaud Gossement, cela répond à la demande formulée par la France pendant la procédure.

Selon l'avis, les États parties sont également tenus de prendre toutes les mesures nécessaires afin que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre relevant de leur juridiction « ne nuisent pas à d'autres États et à leur environnement » et que la pollution liée à ces émissions « ne dépasse pas les zones où ils exercent des droits souverains ». Il est possible que le niveau de "diligence requise" soit encore plus élevé ici "en raison de la nature de la pollution transfrontalière". D'autres dispositions de la Convention sont également interprétées par le Tribunal, qui imposent aux États une série d'obligations supplémentaires : adoption et mise en œuvre des lois et règlements requis ; collaboration avec les autres États ; assistance aux États en développement dans leur lutte contre cette pollution ; surveillance continue, publication des rapports correspondants et évaluation d'impact environnemental.

LA PRESERVATION DU MILIEU MARIN

En réponse à la deuxième question, le Tribunal affirme que l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin couvre tous les types de dommages causés au milieu marin et toutes les menaces qui y sont associées. Il est donc de la responsabilité des États parties de « protéger et de préserver le milieu marin contre les conséquences du changement climatique et de l'acidification des océans ». Et dans les endroits où le milieu marin a subi une détérioration, cette obligation peut « demander des actions visant à restaurer les habitats et les écosystèmes marins ».

Il est également essentiel que les États prennent en compte les risques associés aux effets du changement climatique et à l'acidification des océans. Le Tribunal impose également aux États une série d'autres responsabilités : préserver les écosystèmes rares ou délicats, ainsi que les habitats des espèces en régression des conséquences du changement climatique ; préserver les ressources biologiques marines en danger ; prévenir, limiter et contrôler l'introduction d'espèces étrangères.

LA CONSECRATION DE LA PRESERVATION EN DROIT INTERNATIONAL

La première étape importante franchie par le Tribunal international du droit de la mer est de reconnaître que les petites nations insulaires se battent depuis des décennies lors des négociations de la COP fait déjà partie du droit international. Selon Payam Akhavan, représentant de la Cosis devant le Tribunal, les principaux pollueurs doivent éviter des dommages catastrophiques aux petites nations insulaires, et s'ils ne parviennent pas à y parvenir, ils doivent réparer les pertes et les dommages.

Selon Nikki Reisch, directrice du programme climat et énergie du Centre pour le droit international de l'environnement (Ciel), l'avis du Tribunal est clair : les États ont le devoir de préserver les océans des éléments et des conséquences du changement climatique. Pour les personnes qui se dissimulent derrière les lacunes des accords internationaux sur le climat, cette opinion démontre clairement que le simple respect de l'Accord de Paris ne suffit pas. » Et de prévenir : « Les engagements et les engagements établis lors des conférences annuelles sur le climat ne respectent pas les obligations légales des États (...) ». Il est évident que cela requiert une élimination rapide de toutes les énergies fossiles. Les États qui ne respectent pas ces règles sont tenus responsables devant la loi. »

Bien qu'il ne s'agisse que d'un point de vue, celui-ci participe à la construction du droit international climatique. Selon Louise Fournier, conseillère juridique pour la justice climatique et la responsabilité chez Greenpeace International, cela favorise la création d'un précédent juridique clair pour lutter contre le changement climatique dans les cadres internationaux actuels.