La nouvelle directive de l'UE élargit les types d'infractions environnementales et renforce les sanctions associées. Les États membres doivent intégrer ces dispositions dans leur législation nationale d'ici le 21 mai 2026.

Les délits environnementaux entraînent des dommages irréparables à la santé humaine et à l'écosystème sur le long terme. Pourtant, enquêter sur ces actes et les soumettre à la justice est complexe, et les peines encourues sont souvent légères. C'est pourquoi il est impératif de renforcer notre législation pénale en matière environnementale, comme l'a souligné le commissaire européen chargé de l'Environnement, Virginijus Sinkevičius, en décembre 2021. Cette déclaration faisait suite à la proposition de Bruxelles visant à améliorer la protection de l'environnement par le biais du droit pénal. Cette initiative fait suite à l'évaluation de la directive existante de 2008, qui a mis en lumière un écart croissant entre les actes de criminalité environnementale et la réponse judiciaire qui leur est apportée.
Plus de deux ans plus tard, la nouvelle directive a été intégrée dans la législation de l'Union européenne. Sa publication officielle a eu lieu dans le Journal officiel le 30 avril 2024, suite à un accord conclu en trilogue le 16 novembre 2023, et à son adoption formelle par le Parlement européen le 27 février précédent, ainsi que par le Conseil le 26 mars.

I- RÉÉVALUATION DES INFRACTIONS

Ce nouveau texte remplace la directive du 19 novembre 2008 et celle du 21 octobre 2009, et impose aux États membres de transposer ses dispositions dans leur législation nationale d'ici le 21 mai 2026. Il élargit le nombre d'infractions environnementales, passant de neuf à vingt.
Parmi les nouvelles infractions incluses, on trouve le recyclage illégal de composants polluants de navires, le trafic de produits interdits par le règlement sur la déforestation importée, le captage d'eau susceptible de causer des dommages écologiques importants, l'introduction d'espèces exotiques envahissantes, ainsi que les violations graves de la législation sur les produits chimiques, notamment le mercure.

Le texte qualifie les manquements d'infractions "qualifiées" s'ils entraînent des dommages environnementaux étendus et substantiels, et s'ils sont "irréversibles ou durables". Il ne mentionne pas explicitement le concept de crime d'écocide, sur lequel le Parlement s'était prononcé, mais fait référence à des infractions qualifiées pouvant être comparées à un "écocide", déjà couvertes par le droit de certains États membres et discutées au niveau international.
Selon Guillaume Beaussonie, professeur de droit privé et de sciences criminelles à l'université Toulouse-Capitole, l'écocide semble rester une qualification supplémentaire, ou une infraction aggravée, plutôt qu'une infraction autonome, notamment en France, en raison de sa nature intentionnelle et de ses effets graves et durables.

II- AMENDE CORRESPONDANT À 5 % DU REVENU GÉNÉRÉ

Ensuite, la nouvelle directive renforce les peines applicables en cas d'infractions entraînant le décès d'une personne. Les contrevenants seront passibles d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins dix ans. De plus, pour les infractions qualifiées, la peine d'emprisonnement maximale sera d'au moins huit ans. Quant aux autres infractions, les peines d'emprisonnement maximales seront d'au moins trois ou cinq ans, selon les circonstances.

Les personnes morales coupables des infractions les plus graves se verront infliger des amendes maximales qui ne pourront être inférieures à 5 % de leur chiffre d'affaires mondial ou à 40 millions d'euros (M€). Pour les autres infractions, l'amende maximale sera d'au moins 3 % du chiffre d'affaires mondial, soit 24 M€. Cependant, cette approche laisse le Bureau européen de l'environnement (BEE), regroupant 170 associations environnementales, insatisfait, déplorant le maintien des disparités nationales en matière de sanctions et des amendes minimales deux fois moins élevées que celles imposées pour les infractions au droit de la concurrence.

Tant les personnes physiques que morales pourront être soumises à des sanctions complémentaires telles que la restauration de l'environnement dans un délai déterminé, le versement d'une indemnité en cas de dommages irréversibles, l'exclusion de l'accès aux financements publics, ou encore le retrait des autorisations d'exploitation.

La directive énumère les circonstances aggravantes et atténuantes. Les premières incluent la commission de l'infraction au sein d'une organisation criminelle, la réalisation de gains financiers substantiels, la destruction de preuves ou l'intimidation de témoins, ou encore la commission de l'infraction dans une zone Natura 2000. Les secondes incluent la remise en état de l'environnement ou la réparation des dommages par l'auteur de l'infraction, ou encore l'aide apportée aux autorités pour identifier d'autres auteurs de l'infraction et obtenir des preuves.

III- PLANS NATIONAUX POUR LA COMBATIVITÉ

En conclusion, la directive vise à renforcer les mesures répressives dans le domaine environnemental. Les États membres doivent élaborer une stratégie nationale contre les infractions environnementales d'ici le 21 mai 2027. Cette stratégie définira les objectifs et les priorités de la politique pénale nationale en matière d'environnement, le rôle des différentes autorités impliquées, le soutien à la spécialisation des agents chargés de l'application des lois, ainsi qu'une estimation des ressources allouées à la lutte contre la criminalité environnementale et des besoins à venir.

La directive exige également une formation spécialisée, régulièrement dispensée, pour les juges, les procureurs, le personnel de police, de justice et autres autorités compétentes participant aux procédures et enquêtes pénales. Elle impose aussi la mise en place de mécanismes de coordination et de coopération entre les différentes autorités compétentes sur le territoire national, ainsi qu'une coopération avec les autres États membres, la Commission européenne et les organismes compétents (Eurojust, Europol, Parquet européen, Office européen de lutte antifraude) en cas d'infractions transfrontalières.

Le BEE exprime des regrets concernant le fait que le texte ne contraint pas les États membres à établir des dispositifs répressifs suffisamment dotés pour enquêter sur les délits environnementaux, les poursuivre et les sanctionner, tout en omettant le problème sensible de la pêche illégale. Malgré ces lacunes soulevées, l'ONG reconnaît néanmoins une avancée significative dans ce texte.

L'Association française des magistrats pour la justice environnementale (AFMJE) confirme que cette directive représente indéniablement une amélioration par rapport à celle de novembre 2008, élargissant le champ des infractions pénales et augmentant les peines encourues, notamment les amendes. Cependant, elle tempère en soulignant qu'elle ne marque pas la révolution annoncée par certains. De plus, elle rappelle que les directives doivent encore être transposées en droit français, laissant aux législateurs le pouvoir de décision. Cette transposition ne sera pas immédiate, surtout compte tenu de la complexité de reformuler le droit pénal environnemental, déjà mal rédigé, sans une simple action instantanée.

Sources :
1. Pourquoi une nouvelle directive sur la protection pénale de l’environnement ? - Le Club des Juristes
2. Une directive européenne vient renforcer le droit pénal de l'environnement (actu-environnement.com)
3. Les publications de Laurent Radisson (actu-environnement.com)
4. Criminalité environnementale et nouvelle directive UE : vers une nouvelle politique pénale européenne ? - Européen | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)
5. Criminalité environnementale: liste élargie d’infractions et de sanctions | Actualité | Parlement européen (europa.eu)