Cette décision intervient le jour du centenaire de Total, devenue TotalEnergies, la précédente Compagnie française des pétroles fondée le 28 mars 1924 par Raymond Poincaré.

En l'absence de régulation sur la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, les entreprises ont pu pendant des années se prévaloir d'une neutralité carbone ou revendiquer une conscience écologique plus grande qu'elle ne l'est réellement. Cela a incité de plus en plus de militants climatiques à porter plainte contre les grandes entreprises pour obtenir une jurisprudence sur le "greenwashing" ou la désinformation climatique.

TotalEnergies est actuellement confronté à deux plaintes d'associations l'accusant de "pratiques commerciales trompeuses" concernant sa politique climatique, l'une civile à Paris et l'autre pénale, qui a conduit à l'ouverture d'une enquête du parquet de Nanterre.

Le litige de ce jeudi porte sur l'estimation par TotalEnergies de son empreinte carbone. Greenpeace a affirmé dans un rapport fin 2022 que les émissions annuelles du groupe étaient quatre fois plus importantes que ce qu'il rapportait, soit 1,6 milliard de tonnes d'équivalent CO2, contre les 455 millions déclarées.

En avril 2023, la société a attaqué l'ONG et le cabinet d'analyse Factor-X pour diffusion d'informations trompeuses sur les marchés boursiers et a demandé la suppression du rapport de Greenpeace ainsi que 50 000 euros de frais de justice.

En tant qu'entreprise cotée, TotalEnergies a justifié son action en dénonçant "une méthodologie douteuse", affirmant qu'il est indispensable de réfuter des allégations qui pourraient tromper les investisseurs.

Cependant, Greenpeace a soutenu que son évaluation, bien qu'elle n'ait pas prétendu à une exactitude absolue, contribuait au débat en mettant en lumière la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique, qui était bien plus importante que ce que l'entreprise reconnaissait.

Le juge a finalement annulé l'action en justice de TotalEnergies, estimant qu'elle manquait de précision pour permettre à la société de se défendre valablement sur le fond.

"Alors que la société pétrogazière célèbre aujourd'hui son centenaire, la justice a donné raison à Greenpeace, considérant que l'action en justice était trop vague pour permettre une défense adéquate", a déclaré l'ONG.

TotalEnergies a déclaré prendre acte de cette décision et examiner ses prochaines étapes dans ce qui constitue son premier procès intenté en France contre une association environnementale.

Lors d'une audience de procédure en février, Greenpeace avait plaidé la nullité de l'action en justice, arguant qu'elle était imprécise et représentait une tentative d'intimidation pour entraver sa liberté d'expression en utilisant le droit boursier plutôt que les poursuites en diffamation habituelles.

Le juge a reconnu le manque de précision dans l'action en justice, ce qui a causé un préjudice aux parties assignées qui n'ont pas pu se défendre correctement sur le fond. Cependant, il n'a pas jugé l'action de TotalEnergies comme abusive.

Le juge a ordonné à TotalEnergies de payer à Greenpeace et à Factor-X 15 000 euros chacun pour les frais de justice. TotalEnergies dispose de 15 jours pour faire appel à compter de la signification de la décision.

À moins qu'un appel ne soit déposé et gagné par TotalEnergies, le débat sur le véritable bilan carbone de l'entreprise ne pourra pas être ouvert. Dans ce cas, une confrontation inédite sur la méthode de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre du groupe pourrait avoir lieu au tribunal.