Promulguée le 22 mai 2019, la loi Pacte vise à encourager la croissance et la transformation des entreprises en leur imposant de prendre en compte des aspects sociaux et environnementaux dans leur prise de décision en ce qui concerne leur fonctionnement conformément à leur intérêt social. L’intérêt social devient un élément capital. L’article 1833 du code civil vient entériner cette obligation incitant ainsi les entreprises à adopter une démarche de Responsabilité Sociale des Entreprises.
Selon la commission européenne, la responsabilité sociétale des entreprises est « un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes». Autrement dit, les entreprises doivent volontairement prendre en compte l’impact de leurs activités sur l’environnement. Il est évident que l’objectif premier d’une entreprise est de faire du profit. Cependant, lorsqu’on observe de plus prêt la taille de certaines entreprises, on se rend rapidement compte qu’elles peuvent avoir énormément d’influence, d’impact sur l’environnement. Il serait donc assez imprudent de ne pas s’y intéresser. Le défis pour une entreprise avec la RSE est d’avoir un impact responsable sur la société tout en demeurant économiquement stable. Elle devrait donc prendre en compte l’impact de ses activités sur le plan social, économique et environnemental. Les entreprises vont prendre des engagements au-delà des exigences légales (I), engagements qui leurs seront opposables (II).

I- Des engagements au delà des exigences légales

L’intégration des préoccupations sociales, économiques et environnementales dans les activités commerciales de l’entreprise et ses interactions avec les parties prenantes passe par des engagements sur la base du volontariat. Des engagements qui vont permettre à l’entreprise de créer de la valeur à long terme non seulement pour l’entreprise elle-même mais également pour toute la communauté.

Comme définit par la commission européenne, la démarche RSE de l’entreprise se fait sur la base du volontariat. Les entreprises quelque soit leur taille, leur secteur d’activité sont libres de prendre des engagements qui dépassent le minimum légal leur permettant non seulement de prendre en compte l’impact de leurs activités sur la société mais aussi de répondre aux attentes des parties prenantes et des consommateurs.
Ces engagements ne se basent pas sur des contraintes légales. C’est donc un moyen pour l’entreprise de gagner en compétitivité et de se montrer novatrice. Nombreuses sont les entreprises qui aujourd’hui affichent fièrement leur label RSE ou encore leurs engagements en faveur de la prise en compte de leur impact sur la société. Ce qui permet de donner une certaine image à l’entreprise. La bonne réputation de toute entreprise est primordiale pour faciliter les relations avec les parties prenantes. Les engagements RSE favorisent l’attractivité de l’entreprise et attirent également des salariés qui partagent les mêmes valeurs. Se sentir bien sur son lieu de travail est un paramètre qui n’est plus négligé par les employés. De manière accrue, pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée est un facteur déterminant pour les salariés. En interne, comme en externe, l’image que donne l’entreprise à travers ses engagements va permettre de fédérer des personnes autour d’une même vision. Il n'y a pas que les partenaires et les investisseurs que ces engagements intéressent. De plus en plus de jeunes en recherche d’emploi, conscients de la question de l’impact des entreprises sur l’environnement désirent intégrer une entreprise qui se soucie de son impact sur la société. Les consommateurs quant à eux deviennent plus exigeants.
Les engagements RSE permettent outre le maintien de bonnes relations avec les parties prenantes et l’épanouissement des salariés, la prévention des risques quand on voit l’évolution constante de la responsabilité sociale. Toutefois, l’entreprise gagnerait à respecter les engagements pris. Il est préférable d’éviter d’utiliser l’affichage de grands engagements qu’elles ne sont pas prêtes de respecter car ces engagements pourraient leur être opposables.


II- L’opposabilité modulable en fonction de la norme environnementale

Les engagements pris volontairement par les entreprises ne devraient pas avoir un caractère contraignant. Ils servent de lignes directrices à l’entreprise afin de les guider dans leurs stratégies, leurs pratiques d’entreprise. On parle alors de « soft Law » ou encore de « droit mou ». Il s’agit d’un ensemble de règles non contraignantes juridiquement mais qui fournissent des recommandations afin d’adopter des pratiques responsables. La RSE serait un moyen incitatif appelant les entreprises à se dépasser. Les entreprises qui se prêtent au jeu en ressortent gagnantes dans la mesure où elles ont des avantages en termes de réputation et d’image leur permettant d’être plus concurrentielles. Vue sous cet angle, la RSE apparaît comme étant au service des entreprises.
Cependant, le juge peut avoir un droit de regard sur les engagements que prennent volontairement les entreprises dans l’optique d’intégrer à leurs stratégies les préoccupations sociales, économiques et environnementales. Les entreprises ne peuvent pas seulement prendre des engagements juste parce qu’elles en ont envie. Il va falloir que ces engagements soient respectés ou du moins qu’elles aient un véritable programme pour atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. Dans une situation où la responsabilité de l’entreprise est recherchée concernant une situation dans laquelle il y a violation des engagements volontaires pris, le juge pourrait en tenir compte. Dans une décision de la Cour de cassation (Cass. com., 23 janv. 2007, no 05-13.189), on constate clairement que les engagements même si ils sont pris sur la base du volontariat ne sont pas exempts de valeur juridique contraignante. Il était question d’engagements souscrits dans un contexte de protocole transactionnel. Les parties ont pris des engagements et ont expressément noté que ces engagements n’avaient que valeur morale. La Cour de Cassation a estimé que ces engagements ont été pris dans des termes précis et fermes et que la qualification qu'avaient faite les parties ne pouvait pas empêcher le juge de leur reconnaître une valeur juridique contraignante.
Cet environnement de soft Law dans lequel la RSE a baigné et continue encore de baigner tend à se durcir. Force est de constater, que les engagements volontaires ne sont pas à l’abri d’engager la responsabilité de leurs auteurs dans la mesure où le juge peut leur reconnaître une valeur juridique contraignante. On assiste également à la mise en place d’un cadre normatif contraignant. Tel est le cas des règles en matière de durabilité assorties de sanctions auxquelles sont soumises les entreprises. La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) publiée par l'Union Européenne et transposée par la France par ordonnance 2023-1142 du 6-12-2023 le 14-12-2022 imposant à certaines sociétés de publier et de faire certifier certaines informations détaillées en matière de durabilité en est une parfaite illustration. L’un des objectifs de cette directive est d’identifier les entreprises disciplinées en matière de développement durable. Cette directive institue pour un certain nombre d'entreprises l’obligation de produire un rapport de durabilité. Elle laisse à chaque État le soin de déterminer les sanctions des manquements aux obligations contenues dans la directive. Ces sanctions peuvent être des sanctions financières, des mesures coercitives, la publication de l’infraction ou encore des restrictions ou interdictions.
Par ailleurs, les navires de croisière et porte-conteneurs auront l’obligation de se brancher à l’alimentation électrique à terre en 2030 dans les principaux ports de l’Union Européenne à la seule condition que ceux-ci en soient équipés.
Des normes de plus en plus contraignantes et des sanctions qui sont mises en évidences. La «soft Law » laisse progressivement place à la « hard Law » en matière de RSE.