L’inquiétude grandit avec cette nouvelle étude publiée par des chercheurs de l’université de Columbia (New York, Etats-Unis) dans la revue PNAS, le 8 janvier 2024, concernant la présence de microplastiques contenus dans l’eau en bouteille.

L’utilisation d’une nouvelle technologie au laser a permis de détecter un nombre inédit de nanoparticules de plastique. Bien que la détection de la présence de tels éléments dans l’eau en bouteille ne soit pas nouvelle, des études ayant déjà démontré que l’emballage en plastique fait l’objet de contamination de l’eau, la quantité analysée est quant à elle est inédite. Un relevé de 240 000 fragments de plastique a été effectué, en moyenne et par litre d’eau. La matière dont sont constituées les bouteilles est bel et bien en cause, ce sont principalement du nylon ou encore du polytéréphtalate d’éthylène qui ont été retrouvés dans l’eau. Les microplastiques sont de minuscules particules de plastique d’une taille inférieure à 5 millimètres. La pollution par le plastique est due à sa durabilité, à l’émission de produits chimiques dont il peut faire preuve ainsi qu’à sa fragmentation qui favorise sa propagation.

Certes, l’eau - qu’elle soit en bouteille ou du robinet - fait l’objet de contrôles réguliers afin de garantir qu’elle soit propre et sûre à la consommation. Cela étant cette étude s’inscrit dans la continuité d’autres rapports qui démontrent également la pollution omniprésente dans le quotidien de chacun, la réglementation entourant ces sujets semble peiner à encadrer efficacement ces fléaux dont les conséquences sur la santé humaine sont incertaines.

I – La pollution au sein des denrées alimentaires, un constat préoccupant

Cette étude s’inscrit dans un contexte assez préoccupant du pont de vue de la pollution de microparticules dans des denrées alimentaires. En ce sens, en novembre 2023 a également été publiée une enquête dont les résultats démontrent une contamination généralisée des sols et des œufs de poules d’élevages domestiques en Île-de-France. En effet, ces derniers présentaient des traces de polluants organiques persistants. Pour cela, l’Agence régionale de santé recommandait d’éviter « la consommation régulière d’œufs de poules d’élevages domestiques » situés aux alentours de Paris.

Par ailleurs, l’eau du robinet n’est pas non plus épargnée par la pollution. Datant d’avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail avait publié un rapport mentionnant que plus d’un tiers de l’eau en France serait contaminée par un pesticide. Le fongicide métabolite du chlorothalonil est concerné, utilisé un temps dans les cultures de vignes, céréales ou pommes de terre afin d’éliminer les champignons. Il a été cependant interdit en 2020, la Commission européenne n’ayant pas renouvelé son autorisation. Ce sont donc des résidus de ce pesticide qui ont été retrouvés dans l’eau du robinet. Les rapports de ce type sur l’eau du robinet ne sont pas nouveaux, certains ayant déjà mis en lumière la présence de résidus d’explosifs dans l’eau potable, datant des deux guerres mondiales du XXe siècle, les activités militaires ont engendré une pollution environnementale chimique.

Le constat étant réalisé, encore faut-il déterminer les conséquences de ces différentes contaminations. Une exposition fréquente et la consommation quotidienne de l’eau polluée est susceptible d’avoir des conséquences sur la santé. Cela étant, il est encore trop tôt pour les déterminer, les études à long terme n’en sont encore qu’à leur début. Or, une inconnue demeure et non des moindres, il s’agit de « l’effet cocktail » ou encore « les effets combinés ». La diversité de molécules présentes dans les produits alimentaires produit des effets pour l’instant toujours inconnus et complexes à mettre en lumière.

La connaissance de telles contaminations permet alors de prendre des mesures afin de tenter de réduire ces dernières.

II – Une réglementation en effervescence : les initiatives se multiplient

Ces questions particulièrement sérieuses du point de vue de la santé font l’objet de textes, les autorités ne pouvant rester inertes. Dernièrement, l’Union européenne avec le Règlement 2023/2055 (1) a prévu dans un spectre plus large d’interdire progressivement les microplastiques ajoutés intentionnellement dans certains secteurs comme les cosmétiques, les produits d’entretien, engrais... Cela fait suite à la Directive (2019/904) (2) sur les plastiques à usage unique adoptée plus tôt. Cela permettra ainsi d’éviter – ou de réduire - leur propagation dans la nature. Le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevičius considérait en ce sens que « L’interdiction relative aux microplastiques ajoutés intentionnellement répond à une préoccupation majeure pour l’environnement et la santé des citoyens. Les microplastiques sont présents dans les mers, les rivières et sur terre, ainsi que dans l’alimentation et l’eau potable. La restriction d’aujourd’hui concerne de très petites particules, mais elle constitue un pas important vers la réduction de la pollution d’origine humaine. »

En outre, les producteurs d’eau minérale naturelle ou d’eau de source sont soumis à un programme d’analyses de surveillance de l’eau, et devront faire état d’un très bon niveau microbiologique et chimique. Et pour cause, la Directive UE 2020/2184 (3) prévoit un renforcement des exigences en matière de matériaux au contact de l’eau, avec une évaluation de ces derniers afin de permettre une sécurité sanitaire optimale.

Cela témoigne de la préoccupation croissante de l’Union européenne quant à la réduction du plastique qui s’inscrit dans la stratégie de l’Union européenne en matière de plastique adoptée en janvier 2018, en faveur de « l’économie circulaire et s’appuie sur les mesures existantes visant à réduire les déchets plastiques ». Cela contribuera selon elle aux objectifs de développement durable à l’horizon 2030.

La publication des études alarmantes mentionnées dernièrement permet d’impulser des initiatives en faveur de la réduction de la pollution des plastiques en amont, et en durcissant les contrôles actuels.

Les agences, le plus souvent à l’origine des enquêtes, publient également régulièrement des recommandations afin d’informer, de prévenir les consommateurs, et enfin d’impulser des changements de réglementation.

Les préoccupations concernant les microplastiques dans l’eau en bouteille soulignent également l’importance quant à la réduction de l’utilisation du plastique et à la recherche d’alternatives. La santé humaine est concernée, mais la biodiversité et les écosystèmes maritimes et terrestres le sont tout autant ce qui démontre l’urgence des actions qui doivent être entreprises. L’inflation normative n’est pas dépourvue d’intérêt certes, mais les effets ne seront pas immédiats.


(1) : Règlement UE 2023/2055 du Parlement et du Conseil du 25 septembre 2023 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique ;

(2) : Directive (UE) 2019/904 Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement ;

(3) : Directive (UE) 2020/2184 du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.