Introduction

1. Contexte : Les fonds marins, encore appelés profondeurs marines ou océaniques sont la couche la plus basse de l’océan. On y retrouve deux types d’organismes vivants : les benthiques et les pélagiques. Les premiers représentent les organismes vivants sur le plancher océanique tels que les homards et les crabes. Quant aux seconds, à l’image du Zooplancton, ils passent leur temps dans la colonne d’eau ou à flotter à la surface. On retrouve dans cette catégorie les baleines, calmar, poissons… etc. En sus de la biodiversité marine, les fonds marins renferment de métaux précieux tels que l’or, l’argent, le cuivre, le cobalt et d’autres éléments de terres rares. Il s’agit de dépôt de sulfures (sulfures massifs du fond marin) qui peuvent contenir des concentrations de minéraux et de ressources jusqu’à 10 fois supérieures à ce qu’on trouve sur terre.

La prise de conscience des richesses existantes dans les fonds marins a fait naitre une ruée vers l’exploitation minière en haute mer. Cette dernière est une méthode de récupération de minéraux qui se déroulent généralement à des profondeurs de 4500 pieds à 12 000 pieds autour de zones avec des nodules métalliques, ainsi que des zones avec des niveaux élevés d’activité géothermique. Ces activités sont organisées et contrôlées par l’autorité internationale des fonds marins (AIFM) qui est un organisme intergouvernemental autonome fondé sous l’égide de l’ONU.

2. Histoire : L’existence de dépôts de minéraux dans les profondeurs de l’océan est connue depuis les années 1860 mais il a fallu les années 1960 pour qu’une attention particulière soit portée à ces ressources. Tout est parti de la publication d’un ouvrage par le géologue américain John L. Mero intitulé : The Mineral Resources of the Sea. Le succès de l’ouvrage a emmené l’ambassadeur maltais Arvid Pardo à proposer à l’ONU que les ressources de fonds marins soient considérées comme le « patrimoine commun de l’humanité ». Il a par ailleurs souhaité qu’un système de réglementation internationale soit mis en place afin d’éviter que les pays les plus avancés sur le plan technologique ne colonisent les fonds marins et ne détiennent le monopole sur ces ressources au détriment des pays en développement.

Suivant ces conseils, l’ONU a adopté en 1970 une déclaration des principes régissant le fonds des mers et des océans, ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale, qui affirmait que les fonds marins devaient être affectés à des fins exclusivement pacifiques. Il déclare de ce fait les ressources minérales des fonds marins étaient « le patrimoine commun de l’humanité » devant être développées dans l’intérêt de l’humanité dans le cadre d’un mécanisme international devant être mis en place à cette fin.

3. Naissance de l’intérêt pour les fonds marins : Autrefois, en raison de l’accès relativement facile aux minéraux terrestre, l’exploitation minière des fonds marins n’a pas suscité un grand intérêt. Aujourd’hui, on assiste à un renversement de la tendance. En effet, les avancées technologiques ainsi que l’épuisement des ressources terrestres poussent les entreprises et les entreprises privées à se tourner vers l’exploitation minière des fonds marins.

I. L’encadrement juridique de l’exploitation des fonds marins

Les questions relatives à la gestion et à l’exploitation des ressources minières en haute mer relèvent de la compétence de l’AIFM qui est chargé de la délivrance de permis d’explorer (A) et de l’adoption d’un code minier spécifique à l’exploitation minière en haute mer (B).

A. Les conditions d’octroi d’un permis d’explorer

L’exploitation minière des fonds marins est encadrée par la convention des Nations -Unis sur le droit de la mer. Tous les membres de cette convention sont membres de l’AIFM soit 168 membres. Ainsi, dans ce cadre de cette convention, l’exploration et l’exploitation des minéraux en haute mer ne peuvent se faire que dans le cadre d’un contrat établi entre l’AIFM et les entreprises minières publiques et privées. Ces derniers doivent par ailleurs être parrainées par un Etat parti et remplir certains critères en matière de capacités technologiques et financières.

En outre, les ressources tirées de l’exploitation doivent être utilisées dans « l’intérêt de toute l’humanité ». Cela se fait généralement sous forme de redevances versées à l’autorité en mettant l’accent sur les pays en développement qui ne possèdent ni les capacités technologiques ni les capitaux pour entreprendre des activités minières dans les fonds marins. Elle a à ce jour accordé environ 28 permis d’exploration dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique, pour une superficie de fonds marins supérieure à 1,3 million de km2. Ces permis ont été accordés aux Etats parties ains que les entreprises parrainées par celles-ci. Pour ce qui est de l’exploitation, elle n’a pas encore commencé. En effet, l’AIFM souhaite mettre en place un code minier pour l’encadrer.

B. L’élaboration d’un code minier

Depuis près de 10 ans l’AIFM se consacre à l’élaboration d’un code minier. Celui-ci prendra en compte à la fois les questions technologiques, financières et environnementales. La principalement préoccupation est la conciliation les avantages de l’exploitation avec la protection de l’environnement marin. En effet, il est connu de tous, que sur le long terme l’exploitation des fonds marins entraînera des conséquences irréversibles sur l’environnement avec la destruction des organismes vivants, la disparition de l’habitat et la formation de panaches sédimentaires. Il y aura aussi des dégâts susceptibles d’être causés par le mauvais fonctionnement du mécanisme de remontée et de transport, des fuites hydrauliques et la pollution acoustique et lumineuse.

Les Etats et industriels, soutiennent que cette exploitation est nécessaire pour électrifier le parc automobile et réussir la transition écologique contrairement aux scientifiques et chercheurs. En effet, plusieurs études scientifiques estiment que l’exploitation minière transformera une partie de l’océan en désert. Une récente étude publiée le 14 juillet 2023 dans la revue Current Biology, montre que les créatures marines abandonnent les zones soumises au passage des machines excavatrices utilisées pour extraire des profondeurs les minerais (cuivre, cobalt, manganèse, nickel…). Eu égard à tout cela, ils estiment que la lutte contre le changement climatique ne doit pas se faire au détriment du vivant et sont convaincus que lancer l’exploitation minière des fonds marins serait une catastrophe certaine pour l’environnement à travers la mise en péril des espèces vivants, déjà fragilisés par la pollution plastique.

L’AIFM ayant conscience des éventuels effets de l’exploitation minière sur l’environnement, mène des activités consistant à s’assurer que les contractants titulaires de contrats recueillent des données de base, en particulier sur la composition et la répartition des espèces vivant dans les fonds marins et mènent des recherches scientifiques pour mieux comprendre les effets à long terme de l’exploitation minière des fonds marins.

II. Les désaccords sur l’autorisation d’exploitation des fonds marins

Les Etats membres de l’AIFM ne sont pas d’accord sur la question de l’exploitation minière des fonds marins. A cet effet, la France à très tôt montré son opposition à cette exploitation (A). La dernière réunion de l’AIFM n’a pas non plus fait l’unanimité (B).

A. La position de la France sur l’exploitation minière
La France s’est montrée à plusieurs reprises en désaccord avec l’idée d’exploiter les fonds marins. En effet, le président Emmanuel Macron s’était engagé en faveur de l’interdiction de l’exploitation minière dans les grands fonds marins en juin 2022 lors de la conférence des Nations Unies sur les océans à Lisbonne et novembre 2022 lors de l’ouverture de la COP 27 en Égypte. L’Assemblée nationale française a d’ailleurs voter en janvier 2023, une résolution invitant le gouvernement à s’engager sur la scène internationale en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins.

Cette résolution explique qu’il faut interdire de « l’exploitation minière des fonds marins en haute mer tant qu’il n’aura pas été démontré, par des groupes scientifiques indépendants et de manière certaine, que cette activité extractive peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins et sans perte de la biodiversité marine ». En attendant cette démonstration, elle invitait la France à bloquer l’adoption de toute réglementation pour l’exploitation minière des fonds marins par l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) et tout octroi de licences d’exploitation.

B. Le désaccord entre les Etats sur l’exploitation

L’Assemblée Générale (AG) de l’AIFM autour de la question de l’extraction minière sous- marine s’est tenu du 10 au 29 juillet 2023 à Kingston (Jamaïque). Pour rappel, en raison du retard dans l’élaboration du code minier, Naru, un Etat insulaire au cœur du pacifique a en 2021 déclenché la clause des « deux ans » contraignant ainsi l’AIFM à fournir un code minier au plus tard en juillet 2023. Le délai a été dépassé sans que le conseil de l’institution, qui réunit 36 pays élus par les 168 membres, ne soit parvenu à le rédiger. A l’occasion de l’AG, certains Etats ont milité pour une « pause de précaution » tandis que d’autres étaient impatients de pouvoir exploiter les ressources minières en haute mer.

En effet, 21 Etats sont en faveur du moratoire (Exemple : îles Fidji, Palos, la France, l’Allemagne, la Suisse, le Canada…). Ceux-ci estiment que l’exploitation minière des fonds marins va l’encontre de la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, notamment de l'objectif de 30 % de protection des mers d'ici à 2030, ainsi que du Traité sur la conservation et l'utilisation de la biodiversité marine en haute mer (BBNJ), adopté par l'ONU en juin 2023. Le moratoire est d’ailleurs soutenu par certaines industries de producteurs, pêcheurs, fournisseurs et détaillant qui se sont déclarés « profondément préoccupés par les impacts potentiels de l'exploitation minière en eaux profondes sur la santé et la résilience des océans, et les conséquences sur la qualité et la quantité de produits de la mer et sur les communautés qui en dépendent ».

Quant aux autres Etats tels que le Naru, le Mexique, la Chine, la Grande-Bretagne ou encore la Norvège, ils font pression pour l’obtention d’une autorisation à l’exploitation minière des fonds marins. Au terme de la réunion, les Etats sont parvenus à se mettre d’accord sur le fait de ne pas délivrer de permis l’exploitation tant que le code minier n’a pas été finalisé. Il a été ordonné à cet effet d’établir une feuille de route afin qu’il soit adopté d’ici à 2025. Pour ce qui est du débat formel sur une éventuelle pause de précaution sur l’exploitation elle sera à l’ordre du jour de la prochaine AG prévue pour l’été 2024.