Les dirigeants des États insulaires vulnérables au changement climatique ont plaidé leur cause auprès du tribunal maritime des Nations unies le lundi 11 Septembre 2023, en appelant à une amplification des mesures de protection des océans. Cette audience, d'une durée prévue de deux semaines, vise à déterminer si les émissions de gaz à effet de serre peuvent être qualifiées de "pollution marine" selon les termes de la Convention de l'ONU sur les droits de la mer, dont la juridiction est basée à Hambourg, en Allemagne. Une telle qualification aurait des conséquences juridiques contraignantes pour les 157 États signataires de la convention, les obligeant à renforcer leur législation contre le réchauffement climatique. Plusieurs représentants des pays plaignants, dont Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Niue, Palaos, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Tuvalu et Vanuatu, ont pris la parole devant les vingt-deux juges vêtus de robes bleues au cours de la matinée.

Gaston Alfonso Browne, Premier ministre de l'archipel caribéen d'Antigua-et-Barbuda, a déclaré : "Il est temps d'exiger des obligations juridiquement contraignantes au lieu de faire des promesses vides". À l'intérieur de la salle circulaire du tribunal, les intervenants ont présenté des images des dégâts déjà provoqués par le changement climatique sur leurs îles, qui sont menacées par la montée du niveau de la mer et la multiplication d'événements météorologiques extrêmes. Par la suite, Naima Te Maila Fifita, une militante climatique originaire de Tuvalu, qui portait un collier de coquillages et une fleur rouge dans les cheveux, a partagé l'histoire de son grand-père, qui a constaté avec tristesse la disparition de l'île où il jouait étant enfant.

Conformément à la Convention de l'ONU, les États signataires ont l'obligation de "prendre des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin, ainsi que pour protéger et préserver cet environnement". La "pollution marine" est définie comme toute "introduction par l'homme, directement ou indirectement, de substances ou d'énergie dans le milieu marin (...) entraînant ou pouvant entraîner des effets préjudiciables", selon le texte de la Convention. Les plaignants soutiennent que cette définition s'applique à la situation actuelle, justifiant ainsi le lancement de la procédure en 2022.

Kausea Natano, Premier ministre de Tuvalu, un archipel menacé de disparition d'ici la fin du siècle selon certains scientifiques en raison de l'élévation du niveau de la mer, a déclaré devant la Cour que "des écosystèmes marins et côtiers entiers sont actuellement en train de périr en raison du réchauffement et de l'acidification des eaux". Il a ajouté : "Si le droit international ne peut pas protéger des pays entiers qui disparaissent sous les eaux, à quoi bon ?" Si les gaz à effet de serre étaient considérés comme une "pollution marine", cela pourrait changer la manière dont les tribunaux nationaux des États signataires interprètent la Convention, les obligeant à prendre des mesures.

Catherine Amirfar, conseillère juridique du collectif, a expliqué lors d'une conférence de presse que "nous discutons des mesures que les États doivent prendre en vertu du droit, et non en fonction de leur volonté politique". Elle a ajouté : "Cela vient compléter nos actions lors des COP (Conférences des Parties) pour nous assurer que les États respectent leurs engagements". Il est important de noter que certaines puissances, comme les États-Unis ou la Turquie, ne sont pas parties à la Convention de l'ONU sur les droits de la mer. Kausea Natano a conclu en soulignant : "Nous n'avons que quelques années devant nous avant que l'océan ne submerge tout ce que mon peuple a construit au fil des siècles". Les océans subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique, avec près de 60 % de la surface océanique mondiale ayant connu au moins un épisode de chaleur marine en 2022, selon un rapport des autorités américaines.

Il s'agit du niveau le plus élevé jamais enregistré dans les données atmosphériques modernes et les archives paléoclimatiques remontant à 800 000 ans. Au cours des dernières années, les actions en justice visant à contraindre les gouvernements à prendre des mesures contre l'inaction climatique se sont multipliées, obtenant parfois des succès dans l'influence des décisions politiques. En mars, l'Assemblée générale des Nations unies a sollicité la Cour internationale de justice (CIJ) pour éclaircir les "obligations" des États en matière de changement climatique.